Je rentre à la maison, sur un petit nuage. Quand on s'est levé pour partir, Bing a porté ma main à ses lèvres pour y déposer un léger baiser. Des frissons de plaisir m'ont parcouru tout le bras, et j'ai encore souri bêtement. Ça m'énerve de sourire comme ça.
Maman est là, c'est rare qu'elle rentre avant moi. Je la serre dans mes bras, contente de la voir, mais elle fait une drôle de tête et ne me rend pas mon étreinte. Je m'écarte doucement d'elle, inquiète. Elle a dû quitter le travail précipitamment, parce qu'elle porte ses escarpins noirs au lieu des baskets confortables qu'elle met pour faire le trajet de son bureau à la maison.
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Oh, ma chérie...
Elle est sur le point d'éclater en sanglots, je le vois aux petites larmes accrochées à ses cils au coin de ses yeux rougis.
— Ne te retiens pas de pleurer, maman, sinon tu vas être encore plus triste.
Je la reprends dans mes bras. Je n'aime pas la voir comme ça, ça brise l'image de ma maman forte qui surmonte tout sans problème. Je la sens sangloter contre moi, sa tête tressaute légèrement sur mon épaule.
— On va devoir s'en aller, Leo.
Quoi ?! S'en aller où ?! Pourquoi ?! Je ne veux pas quitter Bing !
— Pas pour longtemps, juste le temps de... enfin... c'est mamie...
Comment ça, mamie ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Je ne dis rien pour ne pas la brusquer, il faut qu'elle prenne son temps. Elle s'efforce de reprendre son souffle, et s'écroule sur le canapé en me prenant sur ses genoux.
— Mon ange, mamie est tombée malade ce matin.
Elle s'est calmée. Je me tourne à moitié pour la regarder : elle sèche lentement ses larmes.
— Elle a une maladie qui s'appelle un cancer du poumon, pitchoune, et c'est une maladie très grave.
Je n'ose pas demander si mamie va mourir. Je sens les larmes me monter aux yeux aussi. Je ne veux pas que mamie meure, je l'aime beaucoup trop pour me résoudre à lui dire au revoir.
— Elle est à l'hôpital, et ils vont tout faire pour la sortir de là le plus vite possible. Mais ce ne sont pas des magiciens, et...
Elle renifle. J'ai l'impression d'être à côté d'une enfant qui a un gros chagrin.
— J'ai compris, maman, ne t'en fais pas. Je suis sûre que mamie va s'en sortir, elle est forte, d'accord ?
Je suppose que je mens bien, ou qu'elle est désespérée au point de croire tous les trucs réconfortants que je lui dis, parce qu'elle hoche la tête, sourit, et me serre dans ses bras. J'ai lu pas mal de choses sur les cancers, sur la violence de la chimiothérapie et des autres traitements, sur la longue agonie de plusieurs mois où les malades se raccrochent désespérément à la vie, avant de mourir. Des personnes qui ont survécu à des cancers ont témoigné en disant que la souffrance était terrible, que l'on perdait tout et que l'on n'était plus du tout le même après. Je n'ai pas envie que mamie endure ça, pas envie qu'elle change.
— On va aller avec elle le temps qu'elle aille mieux, d'accord, Leo ?
Je ne peux pas ! J'ai Bing ici, il m'est aussi vital que l'oxygène que je respire !
— D'accord, c'est pas grave. On part quand...?
— Maintenant. Fais ta valise et monte dans la voiture, on va rouler de nuit jusqu'à l'aéroport, ça ira plus vite. J'ai déjà les billets d'avion.
Je ne peux pas partir sans Bing ! Je ne peux pas l'abandonner seul ici ! Je veux rester, peu importe ce qui arrivera à mamie, de toute façon je doute que notre présence ait un impact sur sa guérison.
— J'y vais.
Pourquoi ai-je prononcé ces mots ? Pourquoi ai-je accepté de laisser Bing seul pour une durée indéterminée qui risquait d'être longue ? Je ne pourrai même pas le prévenir ! Et si les autres, Brandon et sa bande, s'attaquent à lui ? En France, je ne pourrai pas le protéger alors que je le lui ai promis. Je m'en veux déjà, terriblement !
Je monte dans la voiture, la boule au ventre. J'ai la gorge nouée, je me retiens de pleurer : je dois être forte pour maman, pour qu'elle puisse se raccrocher à moi si elle flanche. Elle me rejoint quelques minutes après, balance un énorme sac sur le siège passager et démarre en trombe.
— On risque d'être un peu juste niveau timing. Il va falloir courir dans l'aéroport.
Alors quand on arrive on prend les valises à toute vitesse et on court sur le carrelage en dérapant dans les virages. Je cours juste derrière elle, mon corps est ici, mais mon cœur reste à L.A., et je n'ai aucune idée de l'endroit où a disparu ma conscience. Je suis trop abattue pour réfléchir.
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Beurk, l'amour
RomanceIl est arrivé en cours d'année, personne ne sait vraiment pourquoi. Il avait la tête baissée, alors on ne voyait presque rien de son visage, ses cheveux recouvraient tout. Il était avec son père, et quand elle a vu ce monsieur, la maîtresse a dû se...