13 - Faire la paix

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Cam se lève au moment où j'ouvre la porte. Il me sourit. Je suis un peu coincée : je n'ai pas de bureau dans ma chambre, et d'habitude il ne vient pas si tôt alors je peux faire mes devoirs dans le salon.

— Bonjour, lâché-je à contrecœur.

Ce n'est pas parce que je ne l'aime pas que je dois en perdre mes bonnes manières. Je m'installe à la grande table de la salle à manger, et il se met en face de moi. Je me retiens de souffler. Il m'énerve, avec son air gentil.

— Caro m'a dit que tu aurais besoin d'un coup de pouce en maths. Je peux t'aider si tu veux.

J'ai envie de vomir quand il appelle maman "Caro". C'est vrai que j'ai du mal en maths, mais ce n'est pas une raison pour accepter de l'aide de sa part. J'hésite. Il reprend d'une voix douce :

— Je sais que notre relation n'est pas partie sur une très bonne base, Leonore, et j'en suis sincèrement désolé. J'aimerais qu'on fasse la paix, parce qu'on risque de se voir encore plus souvent.

— Je ne veux pas de toi ici.

Il soupire.

— Ça, je l'ai bien compris. Mais ta maman et moi, on s'aime très fort, et quand on est amoureux, on veut se voir le plus souvent possible.

Je sais, crétin, que quand on est amoureux on veut se voir souvent, je le vis avec Bing. Son hypocrisie me donne la nausée.

— Tu mens, rétorqué-je. Tu ne l'aimes pas.

Il reste coi, me dévisageant de ses yeux gris. Son regard me met mal à l'aise.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Tes yeux ne brillent pas quand tu la regardes comme les siens brillent quand elle te regarde. Quand tu lui dis je t'aime, tes mots sont creux et vides de sens. Tu n'y mets aucun sentiment.

Un nouveau soupir lui échappe. J'ai tapé dans le mile, je crois. Il ne se doutait pas que je verrais ça. Sa réponse me surprend tout de même.

— C'est énervant quand on dit ça à un enfant, je le sais parce que je suis passé par là ; mais tu es un peu trop jeune pour comprendre. J'aime vraiment beaucoup Caro, à en perdre la raison. Je sens cet amour brûler en moi. Mais j'ai toujours eu du mal à exprimer mes sentiments. Je connais les mots, mais pas l'intonation et la passion qu'il faut y mettre. Pourtant, je ressens ça ! Mais je ne sais pas l'exprimer. Tu comprends mieux ?

Je n'arrive pas à savoir s'il ment ou s'il est sincère. C'est possible d'inventer un aussi gros mensonge en si peu de temps ? Ou alors il l'avait déjà préparé avant de lancer la discussion ?

En attendant d'avoir des réponses à ces questions, je dois lui montrer que j'ai cru ce qu'il a dit. Alors j'acquiesce, et j'ouvre un cahier devant lui :

— Là, j'apprends les multiplications, mais je ne comprends rien. Explique-moi.

•••

Bing me manque. Ça y est, je sais ce que ça fait quand une personne nous manque. Ça fait un peu mal dans le cœur. C'est énervant comme sensation, parce que tout ce qu'on veut, c'est voir la personne qui nous manque, mais justement si elle nous manque c'est parce qu'on ne peut pas la voir maintenant. Je dois attendre deux jours avant de voir Bing, puisqu'on est vendredi soir. Ça va être long...

Cam enseigne très bien, j'ai tout compris super vite. Mais je ne pouvais pas le reconnaître devant lui, parce que j'ai quand même ma fierté. Je commence à croire qu'il aime vraiment maman, il a réussi à me convaincre. Mais j'ai quand même encore un peu de doutes.

Quand elle est rentrée, ma mère a sauté au cou de Cameron en souriant jusqu'aux oreilles. Ils se sont embrassés, smoutch, et il l'a faite tourner dans les airs. Elle riait, et ça me faisait plaisir de la voir comme ça. Elle a été contente en apprenant que Cam m'avait fait comprendre les maths et qu'on s'était un peu réconciliés. J'aime voir son sourire quand je fais quelque chose qui lui fait plaisir.

Bing m'a redonné le MP3, il a pris le temps de remettre à nouveau toutes les chansons dessus. Il doit être très patient pour faire ça. Alors je suis à plat ventre sur mon lit et je chante tout bas en pensant à lui. Je me souviens de ma main dans la sienne, et de tous les nerfs que ça avait réveillés dont j'ignorais l'existence jusque là. Quand je le reverrai, je reprendrai sa main, et je lui dirai que je l'aime. Et puis je passerai le pouce sur le dos de sa main, j'ai vu qu'il aimait bien la dernière fois.

— Leo ?

C'est la voix de Cam. J'enlève un écouteur et me redresse. Il a passé la tête par la porte. Je lui souris.

— On va dîner, tu viens ?

Je le suis jusqu'en bas, et je saute dans les bras de maman. Elle me manque quand elle est au travail pendant la journée, la maison semble vide sans elle. Même ses questions sur comment s'est passé ma journée me manquent. Alors je suis toujours hyper heureuse de la retrouver le soir, même si Cam est là.

Je pense à Bing, encore et encore et encore. Je me demande s'il pense à moi aussi, et ce qu'il fait en ce moment. J'espère qu'il est heureux et que Elle ne l'embête pas trop, il m'a dit comme elle pouvait être pénible. Je l'aime. Je me mets à sourire à cette pensée.

Beurk, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant