La culture du cliché

Les femmes fortes n°2

Rajout du mercredi 12 et 13 août :

Les avis sont partagés sur la place de Tauriel dans le "Hobbit" et c'est ok. J'ai trouvé une vidéo intéressante de "Fermez-là !" sur les personnages féminins au cinéma (https://youtu.be/lvDx5qBrukA voici le lien c'est cadeau). 

Cette vidéo m'a appris beaucoup (d'ailleurs, ces mois de confinements m'ont appris beaucoup) et ça m'a permis de réviser mon point de vue sur les films (plus rarement les livres) que j'ai pu voir auparavant avec des femmes dedans.

Déjà, il y a un sérieux problème avec les films où le personnage principal est soit un homme soit une femme. Nombreux sont les modèles qui découlent des films célèbres et qui ont marqué différentes générations, comme par exemple Luke Skywalker de Star Wars, Harry Potter du film éponyme, Spiderman du film éponyme. Ils sont chacun des modèles de courage, de force, que ce soit pour les hommes et les femmes (j'apprécie beaucoup Spiderman, étant donné que je l'ai connu jeune et qu'il est l'un des plus jeunes super héros auquel on peut s'identifier). Ces films présentant des héros masculins sont ouverts à tous et créent une neutralité. 

Mais étrangement, le phénomène est différent lorsque sur le devant de la scène c'est une femme qui se présente. Tout de suite, le film ne concernera que les filles/femmes et personne d'autres parce que c'est vrai, prendre un personnage féminin comme modèle ça fait tapette. Pourtant, les qualités stéréotypées attribuées aux femmes sont toutes aussi importantes que celles attribuées aux hommes : la douceur, la patience, la bienveillance, la compassion, la confiance, la sensibilité... Mais non. Ce sont des trucs de filles tout ça, elles sont bien gourdes d'avoir ces "qualités" dans ce monde en guerre et rongé par les injustices sociales où tout espoir de retrouver son humanité est anéantit par la corruption et l'hypocrisie des gens.

Eh oui, il n'est pas seulement question de sexisme dans la vision des femmes au cinéma (bon, un peu quand même, mais pas que). Lorsqu'elles sont présentées avec les qualités citées auparavant, des gens réussissent à exprimer du mécontentement : peut-être parce qu'elles sont des femmes mais aussi parce que ce qu'elles expriment ne rendent pas entièrement espoir aux gens. Quand vous êtes habitués à un monde où chaque jour des nouvelles misérables sont déversées par votre radio ou votre télé, quand la haine vous frappe dans la rue et au travail jusqu'à tuer tout votre espoir, vous ne croyez plus à la confiance aux autres, à la bonté et la générosité offertes au cinéma. On s'en moque, on use et abuse du sarcasme, on ne croit plus jusqu'à haïr.

Lorsque donc nous voyons ces femmes au cinéma sur le devant de la scène, on se dit (consciemment ou inconsciemment) que c'est pour les filles car les mecs connaissent eux la guerre et tout ce qui se rattache au chaos (ce n'est pas le cas de tout le monde, heureusement, mais le nombre de fois où j'ai entendu des proches décréter en voyant un personnage féminin dans le rôle principal d'un film : "oh ça va être girly", "encore un film féministe", "de toute façon c'est pour les filles".

AAAH d'ailleurs, les films féministes ! Et bien grande nouvelle : tous les films avec un personnage féminin au premier rôle ne sont tous pas féministes. C'est pareil avec le reste : tous les films avec un personnage noir au rôle principal ne traite pas que de racisme, ceux avec un personnage LGBT+ ne traitent pas que de LGBTphobie, ceux avec un handicap physique/mental ne traient pas que de validisme et j'en passe.

Wonder Woman n'est pas un film féministe : c'est juste une amazone, Diana Prince, qui part aider les hommes en affrontant le dieu de la guerre Arès pour mettre fin à la 1ère GM, point. Captain America fait la même chose en combattant les nazis mais étrangement personne ne fait de réflexions à son sujet, hmmmm ?

Alita, Battle Angel n'est pas un film féministe non plus: c'est juste une androïde qui recherche sa place dans un monde complexe où elle a perdu ses souvenirs, point. D'ailleurs, le personnage est attachant, très humain et touchant parce que là encore, son caractère est bien écrit.

Les réalisateurs (rarement des réalisatrices) ont tendance à mal concevoir le sujet de la femme forte, comme certain.e.s écrivain.e.s : pour eux/elles ça se résument à une femme qui cassent des culs, qui parle fort, qui n'a pas de sentiments, qui n'écoute personne car elle est indépendante et qui sait tenir des armes. Bah non. Si le personnage est masculin c'est considéré comme masculinité toxique, mais quand il est féminin on dit bravo ? Ça ne marche pas dans les deux sens : on a affaire à une brute épaisse dénuée d'humanité. 

C'est d'ailleurs pour ça que j'ai beaucoup apprécié le personnage d'Alita : elle est curieuse, maladroite, fière/humble, sensible, elle tombe amoureuse, elle adore les défis, elle veut protéger les gens qu'elle aime, tandis que de l'autre côté elle peut combattre et tuer d'autres androïdes, participer à une course mortelle, se mettre constamment en danger, n'en faire qu'à sa tête... voilà un personnage équilibré, imparfait, fort.

Un autre personnage principal et féminin que j'aime : Élisa dans La Forme de l'Eau (2017), réalisé par Guillermo del Toro. Son histoire prend place durant la Guerre Froide en 1962 et malgré le contexte oppressant, Élisa est une femme forte. Déjà, chapeau à la mise en scène qui nous rapproche davantage du personnage : au début du film, il nous est montré son quotidien où chaque matin elle se prépare, met à bouillir des œufs, se masturbe dans sa baignoire, frotte ses chaussures pour ensuite partir travailler. La façon dont c'est filmé, narré (car Élisa est muette), donne une telle force au personnage qui, malgré le fait qu'elle ne soit qu'une femme de ménage, muette et très solitaire, ne se laissera pas faire face au terrible colonel Strickland, un homme cruel et imbu de lui-même, qui a ramené dans les laboratoires dans lesquels Élisa travaille un humanoïde amphibien dont elle va tomber amoureuse. 

En attendant rappelez-vous : un bon personnage féminin, c'est un bon personnage avant tout.

Sinon, pour les gens qui ont peur des films féministes : le terme n'est pas une insulte et puis je me demande pourquoi vous craignez que d'autres êtres humains souhaitent la dignité et le respect. Bisous !