Chapitre 13

188 6 6
                                    

La jeune femme avait pu se détendre au moins le temps d'une soirée. Revoir son père et Na-san lui avait fait le plus grand bien. Son père avait pris un peu de nouvelles, elle lui parla du travail, du fait qu'elle allait jouer dans un film, ce qui le surprit, mais il se contenta de lui sourire. Sa fille semblait retrouver sa joie de vivre, c'était tout ce qui l'importait. 

Elle avait passé la nuit chez son père, avait ignoré les appels et messages de Subaru et Fubuki, et était rentrée au matin. 

En poussant la porte de son appartement, elle avait trouvé Subaru assis, un café entre les mains, au téléphone. Les cernes sous ses yeux montraient son manque de sommeil. Quand il aperçut sa soeur, il dit simplement à la personne avec qui il était au téléphone qu'elle était là et il raccrocha. Il se leva et alla la prendre dans ses bras.

- Ne me fais plus jamais ça. Tu aurais au moins pu me dire où tu passais la nuit. 
- Désolée, mais j'étais pas bien.
- Je sais, Kilari, et j'en suis désolé. Tu te doutes bien que ce n'est pas contre toi que je l'ai fait. Ils avaient le droit de savoir. Tu savais toi, que l'autre con avait inversé l'histoire ? 
- Comment ça ? 
- Il a sorti que tu lui avais fait des avances et que tu avais quitté l'agence parce que tu t'étais vexée. 

Kilari le regarda, les yeux ronds. Comment avait-il osé inverser l'histoire ? 

- Je l'ai croisé, hier. 
- Qui ça ? 
- Lui. 

Subaru attira une nouvelle fois sa soeur dans ses bras. Il ne laisserait plus jamais son ancien agent s'approcher d'elle. C'était hors de question. Même s'il devait le tuer pour ça, il le ferait. 

¤

En fin de soirée, la jeune femme avait recontacté Fubuki et Seiji pour les inviter à passer chez elle. Les deux étaient un peu hésitants, mais avaient finalement accepté et avaient rejoint la fratrie aux alentours de dix-neuf heures. C'était l'aîné qui avait cuisiné.

La sonnerie retentit et quand la blonde ouvrit la porte, son ex-collègue et son amie furent surpris de la découvrir joliment apprêtée. Comme avant qu'elle ne quitte l'agence. Elle leur sourit timidement en les faisant entrer. Elle ne savait pas quoi dire, elle ne savait même plus pourquoi elle les avait invités. Ah ! Si, c'était pour parler de cette histoire, justement.

Ils prirent un apéritif avant de passer à table et d'entrer dans le vif du sujet.

- Kilari, je voulais juste que tu saches que je suis sincèrement désolé pour ce qu'il s'est passé. Je n'en avais aucune idée. Il nous a dit que c'était toi qui lui avais fait des avances et que tu avais préféré quitté l'agence pour ne pas avoir à subir l'humiliation. Avec du recul, je me rends compte que je suis totalement idiot de l'avoir cru. 
- Seiji, je n'ai pas cherché à expliquer quoi que ce soit quand j'ai quitté l'agence. Il m'a menacé de détruire mon image si je n'acceptais pas de coucher avec lui ou de partir. J'aimais Hiroto. Je ne me voyais déjà pas avec quelqu'un d'autre, alors coucher avec quelqu'un que je n'aimais pas ? C'était absolument inenvisageable. 
- Je m'en veux vraiment de n'avoir rien vu. 
- Ce n'est pas de ta faute. Tu ne pouvais pas savoir si je ne parlais pas. Et quelque part, même si je n'étais pas forcément prête à en parler, je ne sais pas si je l'aurais fait, plus tard. Je veux dire, je pense que j'aurais continué de vivre comme je le faisais, m'efforçant de ne pas vous voir, de vous maintenir loin de moi, mais je me rends compte, maintenant, que ce n'était pas la meilleure façon de m'en sortir. Je ne pensais qu'à me venger, j'étais aveuglée par la colère, contre lui pour m'avoir fait chanté, contre Muranishi pour avoir avoir changé mon manager, contre vous pour n'avoir rien vu... 
- On aurait dû voir. Tu avais raison d'être en colère. 

Kilari ne répondit rien, absorbée par ses pensées. Elle pensait à Hiroto, sans savoir pourquoi. 

- Je n'en ai pas parlé à Hiroto. Je ne lui cache rien, d'habitude, mais c'est à toi de choisir si tu lui en parles ou pas, et quand. 
- Merci. Je ne sais pas si je lui en parlerai. Déjà, je vais essayer de gérer cette histoire de faux couple, ensuite je verrais. J'y pense, Nagumo m'a contacté. Subaru m'a dit qu'il vous avait croisé avec Kota. 
- Oui, je m'en souviens. 
- Il m'a proposé de passer samedi, mais je vois mon père. D'ailleurs, il faut encore que je lui donne une date, mais ça dépendra de mon travail. 
- Tu verras, ils ont grandi. 
- Tu m'étonnes ! Ça fait bien cinq ans que je ne les ai pas vu ! Ça leur fait quel âge maintenant ? 
- Nagumo est en terminale, il a dix-sept ans, Kota a quinze ans, il est encore au collège. Et les deux derniers, Kaï est en maternelle et Sora en primaire. 

Ils parlèrent encore un long moment, Fubuki se faisait aussi discrète que Subaru, voulant laisser les anciens amis se retrouver. 

¤

En se couchant avec son frère ce soir-là, Kilari regarda rapidement son téléphone, mais n'ayant aucune notification qu'elle jugeait importante, elle posa son téléphone en mode avion sur sa table de nuit. 

Son frère la regarda faire, restant silencieux un moment avant de prendre la parole. 

- Alors ? Qu'est-ce que tu as pensé de ce soir ? 
- C'était sympa. C'était cool de reparler avec Seiji.
- Tu vois, je te disais.
- Mais pour autant, je ne sais pas si je suis prête à tout oublier et redevenir aussi proche que nous l'étions avant.
- Kila... Personne ne te demande de tout oublier. De toute façon, tu ne pourras pas tout oublier, tu pourras juste vivre avec. Et n'essaye pas de fuir tout ça, ça ne servira à rien et tout te reviendra en pleine tête au moment où tu t'y attendras le moins. 

La jeune femme continua de fixer le plafond de sa chambre. La lumière était éteinte, mais les traits des volets laissaient apparaître la lumière des lampadaires qui étaient assez hauts. 

- J'ai bien compris, tout ça... Regarde, j'ai toujours voulu fuir et me venger, et regarde où ça m'a mené : je me suis isolée, j'ai fini presque entièrement seule, j'en ai voulu à la Terre entière pour quelque chose dont était responsable une seule et unique personne, je me suis pris la tête avec les personnes qui comptaient le plus pour moi et pour finir, j'ai croisé c'te con qu'est mon ancien agent pas plus tard qu'hier soir. 

Elle ne tourna pas la tête, mais la blonde sentait le regard de son frère sur elle. 

- Bonne nuit. Je vais essayer de dormir. 
- Ok, bonne nuit, petite soeur. 
- Merci. 

Elle se mit sur le côté, tournant le dos à son frère. Elle n'avait aucunement l'intention de dormir, elle n'était pas fatiguée, mais si elle voulait réfléchir, c'était le seul moyen qu'elle avait de pouvoir le faire dans le calme et en silence. 

¤

Elle se leva fatiguée le lendemain matin. Et après s'être réveillée seule, elle rejoignit son frère qui était en train de faire du café dans la cuisine et ils s'installèrent à table, une tasse dans la main ou sur la table, des tartines de pain devant Subaru. 

- Je pars en fin d'après-midi. Je retourne en Amérique. 
- Oh... D'accord... 
- Tu as déjà prévu des choses pour la fin de tes congés ? 
- Je vais aller aider papa au café, je ne te l'avais pas déjà dit ? 
- Si, peut-être, je sais plus. 

Kilari se moqua gentiment de son frère avant qu'elle ne l'interroge sur son programme de la journée et l'heure de son vol. Il lui répondit qu'il n'avait rien prévu de particulier, que si elle souhaitait aller quelque part, il l'accompagnerait, mais que sinon, ils pouvaient très bien traîner dans l'appartement tranquillement. Son vol était à dix-huit heures trente sept.

Finalement, ils se posèrent simplement devant la télé, discutant de tout et de rien, de l'actualité, des projets de Subaru en Amérique, de ses projets à elle, du film, de Hiroto, de Seiji et Fubuki... Les sujets ne manquaient pas. 

Il fallut tout de même se dire au revoir à l'aéroport. Ce fut un peu dur et triste, mais la blonde se doutait bien que son frère ne pourrait pas rester indéfiniment. 

- Tu iras parler à Hiroto pour lui expliquer ? 
- Je ne sais pas. Je verrais ça plus tard.
- Kila...
- Non, Subaru. J'ai besoin de réfléchir et de mettre mes idées au clair pour le moment. Le jour où je serais prête, je le ferais. Mais ce jour, ce ne sera pas aujourd'hui. On ne sait pas de quoi est fait demain, n'est-ce pas ? 

Il acquiesça en se pinçant les lèvres avant de reprendre sa soeur dans ses bras une dernière fois. Il déposa un baiser sur sa joue froide puis tourna les talons. 

¤

Les quelques jours qu'elle passa avec son père ne furent pas de tout repos, le service au café était rude, mais ça lui vidait la tête et pour une fois, elle pouvait penser à autre chose. Certains clients la reconnaissaient encore, lui demandaient de ses nouvelles, pourquoi on ne la voyait plus sur les écrans depuis quelques années, elle ne disait jamais la vraie raison. 

- J'ai ressenti le besoin de faire autre chose et je n'avais plus beaucoup de contrats. 

C'est la version qu'elle donnait le plus souvent, et elle la disait avec le sourire. On la croyait. Après tout, pourquoi mentirait-elle ? Elle avait coupé son téléphone pendant les trois jours durant lesquels elle avait été aider son père et ne l'avait rallumé que le lundi matin en prenant la route du travail. 

[Kilari] RévolutionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant