Après cet évènement j'ai accompagné mon père dans ses missions. Il ne m'autorisait pas à venir me battre à ses côtés, mais en dehors de ces moments-là nous n'étions presque jamais séparé. Le groupe de mercenaire avait pris de l'ampleur et nous nous déplacions avec une petite charrette sur laquelle il me faisait asseoir mais dont je descendais dès qu'il avait le dos tourné pour aller marcher un peu plus loin du cortège et profiter de la forêt.
Nous montions de grand camp le long des routes et aux abords des villes. Nous étions trop nombreux pour pouvoir tous être hébergé dans une auberge. Je n'y accordais pas d'importance. Les gens autours de moi étaient gentils. Sauf Winona, elle me tirait les cheveux avec des peignes en bois pour me les coiffer. Ça me donnait envie de me battre contre elle, ça me faisait mal et je n'aimais pas avoir des rubans dans les cheveux. Elle refusait toujours de m'affronter. Elle savait chasser avec un arc et soigner mais refusait de manier une épée. Pourtant elle savait s'en servir, ça se voyait à sa façon d'achever le gibier ou de découper la viande. Je lui pardonnais de me faire mal aux cheveux à chaque repas car j'aimais beaucoup ce qu'elle préparait. Elle voulait que je me les laisse pousser mais dès qu'ils arrivaient au delà de mes oreilles je la voyais sortir son peigne. Alors je courais jusqu'à mon père et le suppliait de me les couper. Il acceptait toujours et sortait sa dague la plus tranchante pour en réduire leur longueur.
Il y avait le vieux Rudy avec nous, je ne comprenais pas trop à quoi il servait. Il n'arrivait pas à utiliser la magie et avait trop mal au dos pour se battre. Il refusait même de s'entraîner contre moi. Mais il savait lire et très bien compter. Il s'assurait que tout le monde ait la même somme d'argent à la fin des missions et tenait un cahier. Lorsqu'il écrivait dedans en comptant les pièces et qu'il arrivait à mon père de prendre une des bourses devant lui pour se rendre en ville acheter de la bière ou d'autres choses il pouvait être très rapide, se lever d'un bond et taper mon père avec son cahier. Jeralt ne répliquait jamais contre le vieil homme et il lui arrivait même de rendre l'argent. Moi je l'aimais bien car il connaissait plein d'histoires mais je détestais lorsqu'à la place il me forçait à faire des calculs et à lire à voix haute à côté de lui.
Il y a Loup et Soleine avec qui j'aimais bien rester. Soleine est une mercenaire qui a de la bouteille d'après mon père. Je comprends bien ce qu'il entend par là, tout comme lui les soirs de fête elle peut boire à elle seule la moitié des boissons qu'ils achètent. Elle accepte toujours de m'entraîner sauf le matin, car elle a trop mal à la tête. Le matin je m'adresse à Loup, ce n'est pas son vrai prénom mais il refuse de nous le dire et préfère qu'on l'appelle ainsi. Il a à peu près mon âge, et travaille avec nous pour aider sa mère, c'est l'apprenti de Soleine, c'est donc elle qui décide si oui ou non il les accompagne en mission. Loup est rapide mais pas plus fort que moi alors quand il part avec Soleine, mon père et les autres et que je reste au camp j'ai les poings qui se serrent tout seul et j'ai envie d'aller lui casser la figure. J'ai déjà essayé mais mon père m'a rattrapé et m'a lancée plus loin en m'expliquant, qu'il ne pouvait me surveiller pendant les missions. Soleine est venu me voir plus tard pour me dire que Loup l'accompagnait mais n'était pas autorisé à se battre, elle avait besoin de lui pour d'autres raisons et m'a expliqué qu'il avait un don, ou ce qu'on appelle plus communément un emblème, mais je ne devais le répéter à personne.
Ça ne m'a pas calmé. Et chaque fois que je devais rester à garder le camp avec quelques autres, je tournais en rond tapé dans les arbres et tout ce qui pouvait me servir de défouloir. Et puis j'ai commencé par les suivre discrètement. La première fois je me suis faite voir et au retour de mission mon père m'a attrapée par le col de mon haut pour me faire la leçon et pendant tout le trajet il m'a crié dessus, usant de sa voix pour essayer de me faire peur. Ça n'avait pas été agréable. J'étais resté calme la mission suivante mais dès celle d'après j'étais partie sur leurs traces. Je n'avais rien fait d'autre que d'observer et j'étais rentré au camp juste avant mon père. Mais malgré cela, il avait appris pour ma petite escapade et j'avais eu droit à une leçon qui avait duré tout une partie de la soirée avant qu'il ne m'ignore les deux-trois jours qui ont suivi. La troisième fois, et à la différence des deux missions précédentes dans lesquelles je les avais suivis, ils ont eu à se battre. Ils devaient chasser une bête immense qui harcelait les bergers des alentours. Lorsqu'ils ont trouvé l'animal cela ressemblait à un monstre plus qu'à un loup ou à un ours. Ils l'ont encerclé et ont cherché à l'abattre. Il y a eu une ouverture et j'ai voulu aider. Je me suis précipitée sur une des pattes arrière et l'ai frappé plusieurs fois avant de me faire repousser d'un coup de patte. Je me suis relevée juste à temps pour voir la bête succomber. Mon père ne m'a rien dit, il m'a juste regardé froidement avant de donner quelques ordres et de dire à tout le monde de regagner le camp. J'ai marché dans le sillage du groupe. Une fois de retour au camp mon père s'est enfin rapproché de moi et j'ai vu dans ses yeux la colère, j'ai reçu une baffe. Ce fut la première et la dernière fois que Jeralt me frappait. Je n'avais pas eu physiquement mal, enfin si un peu, ma joue me brûlait mais ce n'était pas parce qu'il avait tapé fort. J'avais surtout détesté le bruit. Après que sa lourde main ait touché ma joue je me suis enfuie du camp, estimant qu'il était temps pour moi d'être autonome. Des étincelles étaient apparues et m'avaient accompagné une partie de mon chemin. J'étais furieuse et j'avais décidé de partir.
Je me rappelle être seulement allée dans la direction opposée à celle de mon père et d'avoir marché toute la nuit. Au petit matin j'avais eu faim, c'est là que j'ai compris que ce n'était pas une décision aussi simple. Je n'aimais pas particulièrement les baies, les plantes et les champignons, je n'avais rien d'autres sur moi que mes armes et en conséquent rien pour transporter quoi que ce soit, rien pour cuisiner non plus. Je n'avais pas d'argent étant complètement dépendante de mon père. Chasser, manger, dormir c'était tout ce qu'il fallait pour vivre, je m'en sentais capable.
J'ai passé la journée à traquer des petits animaux. Mais attraper un lapin avec les mains, sans avoir de quoi faire un piège ne s'est pas avéré probant. Le soir arrivant je me suis assise sur un tronc et j'ai attendu. Ma volonté s'était petit à petit effiloché. Je savais qu'il viendrait, enfin je l'espérais. Je l'avais peut-être mis trop en colère. Le jour a commencé à laisser place à la nuit et mon espoir s'est mué en inquiétude. J'ai replié mes jambes contre moi et j'ai continué à attendre en appuyant ma tête dans mes genoux. Qu'allais-je faire s'il ne venait pas ? Je n'avais pas été capable d'attraper un seul animal. Je me suis endormie au pied d'un arbre, roulé en boule.
À mon réveil j'ai pris conscience qu'on me transportait, une petite vague de panique m'a traversé et la poigne de mon porteur s'est resserré autour de moi en me sentant m'agiter.
- Calme-toi. C'est moi.
La voix de mon père m'a surprise. Il s'est arrêté immédiatement après que je me sois immobilisée pour me poser au sol.
- Byleth, excuse-moi. Je n'aurais pas dû lever la main sur toi.
J'ai levé les yeux vers lui, mon père, avant la veille je n'aurais jamais cru qu'il puisse me frapper et malgré cela j'avais souhaité qu'il vienne me chercher.
- Père, je ne veux plus rester au camp. Je suis capable de me battre laisse-moi t'accompagner.
Il avait baissé la tête et s'était massé les tempes d'une main pendant un long moment avant de me répondre.
- Je ne peux pas t'en empêcher ?
J'ai fait non de la tête. Il a longuement soupiré avant de poser sa main sur ma tête et de me pousser à avancer vers notre campement.
- Sur le champ de bataille je ne serais plus ton père mais le chef de notre garnison, tu devras obéir à mes ordres. Toujours.
Jeralt avait parlé avec cette autorité naturelle qui semble l'habiter depuis des âges centenaires. J'avais hoché la tête. Sur le champ de bataille je n'étais plus une enfant, j'étais un mercenaire à ses ordres qui n'hésiterais pas à tuer et parfois à brûler ses ennemis, ne laissant rien derrière moi sinon des nuages de cendres.
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Fire Emblem Three Houses : Byleth Eisner
FanfictionLa jeune Byleth est une mercenaire sans état d'âme possédant un pouvoir destructeur peu commun. C'est suite à la mort de son père Jeralt Eisner, mercenaire itinérant, que sa vie change. Accusée de son meurtre, elle est capturée par les membres de l'...