Chapitre 16

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***Henriette***

Je n'approchais plus personne. Je ne voulais plus blesser quelqu'un d'innocent à ma colère. Je venais souvent voir Johan car c'était lui qui distrayait ma journée, avant notre duel. Je ne pouvais pas naviguer seule sans lui. A chaque fois que je venais, je retenais ma tristesse qui s'accompagnait de ma haine. Je ne voulais pas blesser Johan. Et pourtant, je l'avais fait.

— Henriette, je ne t'en veux pas...

— Mais je sais, que tu ne m'en veux pas ! hurlai-je, tout à coup.

J'étais à l'infirmerie, aux côtés du blessé, couché dans un hamac. J'avais insisté pour qu'il prenne ma cabine pour se reposer, mais Johan avait nettement refusé. 

— Je sais que tu es généreux, que tu sais reconnaître l'erreur ! criai-je. Mais moi, je ne le sais pas, et je rejette tout sur moi, car c'est de ma faute ! Tu es coincé au lit par ma faute ! Je t'ai blessé ! 

Johan, qui avait repris quelques forces, réussit à attraper mes mains et à m'obliger à l'écouter.

— Henriette, puisque tu vois les choses comme ça, je vais m'abaisser à ton niveau, murmura-t-il. D'accord, je suis blessé par ta faute. Tu t'en veux, je ne t'en veux pas, parce que c'était un accident. 

Je levai les yeux vers lui, laissant aller ma douleur.

— Je ne suis pas mort, ce n'est pas la même chose, continua Johan. Quand je me suis réveillé, tu m'as affirmé que je n'étais que grièvement amoché. Pas mortellement ni gravement. Juste indisposé pour quelques jours. Pas plus. Henriette, je t'en supplie, arrête de tout rejeter sur toi, j'ai ma part de faute, dans cette affaire. C'est moi qui t'ai proposé de faire un duel...

— Mais...

— Non, pas de mais.

Et il me lâcha les poignets, pour se rallonger dans son hamac. J'avais séché quelques larmes qui m'avaient échappé, et reprenai un air indéchiffrable.

— Pour parler de choses plus réjouissante, repris Johan, je tiens à t'annoncer que l'élève a dépassé le maître. J'avais eu l'idée de ce combat pour justement voir si le dicton était vrai. Eh bien, on peut dire que, oui, tu as bel et bien gagné ce duel ! Je suis tombé le premier !

Sur sa petite blague, il rit un bon coup. Moi, j'esquissai un mince sourire. Au moins, cette chute ne lui avait pas enlevé l'humour, quoi qu'il soit un peu passé. Je m'apprêtai à sortir pour le laisser dormir - il commençait à tourner de l'œil, sans s'en apercevoir - quand il dit une dernière fois :

— Henriette, ne gâche pas tes journées pour moi... Vis ta liberté, tu en as tellement rêvé...

Et il s'endormit. Je souris ; Johan avait remplacé Loïc, et Loïc remplaçait le grand frère que je n'avais jamais eu. Cela faisait du bien de savoir que quelqu'un veillait sur vous, vous aimait, et que, même si vous étiez un caractériel - comme moi -, il vous aimait encore plus.

Aimer... C'était une sensation que je n'avais jamais connue. Je ne savais pas comment on le ressentait. Eh bien, Johan et Loïc m'en avait montré les grandes lignes.

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