Chapitre 31

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***Mira***

— Assied-toi.

Pendant des mois, de semaines, des jours entiers, j'avais imaginé nos retrouvailles. J'avais imaginé pleins de scénarios : Henriette allait-elle se jeter dans mes bras ? Henriette allait-elle jouer la carte de l'indifférence ? Henriette allait-elle s'excuser ? Et de toutes ces pistes, aucune ne fut choisies. Ou plutôt, elles le furent toutes.

J'obéis. M'installant en face d'Henriette, je me décidai enfin à la regarder. Ses cheveux blonds étaient toujours aussi rebelles. Elle s'habillait toujours de la même façon. Elle était jolie. Très jolie. Mais c'était ses yeux qui avaient le plus changé. Leur couleur encore la même, mais les émotions qui la traversaient étaient presque... similaires aux miennes, dans la cave.

Tristesse. Douleur. Culpabilité.

Je fus surpris de les retrouver dans son regard. Je les avais fréquentées trop longtemps, dans ma prison et sur mon mât. Je ne voulais pas les revoir. Alors qu'elles se soient emparées d'Henriette me fendit le cœur.

— Que tu as changé.

Cette voix était dure. Trop dure.

— Mais je sens que tu es resté le même.

Quel ton inflexible.

— Regarde-moi, au lieu de m'éviter.

Oui, je l'évitai car je ne voulais pas que ses émotions reviennent sur moi.

— Mira.

Ce ton inflexible, j'allais le faire basculer, le faire revivre.

— Parle-moi.

J'inspirai un bon coup et la regardai dans les yeux. Toutes nos peurs se mélangèrent, tout notre chagrin s'entremêla et... nous trouvèrent pareil.

— Henriette.

Son pétillement des yeux revint tout d'un coup et elle fut comme émue.

— Ta voix...

— Toi non plus, tu n'as pas changé, continuai-je.

— Mira...

Henriette s'émut juste à ma voix. Les larmes lui vinrent aux yeux mais elle les reflua avec rage.

— Je me suis promise de ne pas pleurer, alors ne t'étonne pas si je fais tout pour ne pas la faire, avertit-elle.

Je souris véritablement pour la première fois depuis longtemps.

— Henriette ?

— Oui ?

— Tu sais, sur le mât, la dernière fois...

Elle fronça les sourcils, faisant un effort pour se rappeler notre dernière discussion sincère et sans cris.

— Oui, je me souviens.

— Eh bien, repris-je, je voulais te faire part de quelque chose, mais tu ne m'avais pas laissé le temps de m'expliquer.

Henriette ne fit aucun mouvement.

— Je voulais te dire que je t'aime comme une simple amie, assenai-je.

Rien ne se passa. Je l'avais anticipé. Il fallait lui laisser le temps de réfléchir à ce que je venais de lui dire. De plus, j'avais lâché ça d'un ton si flegmatique qu'elle devait certainement douter de ce que je venais de lui raconter. Tant pis. Il lui fallait quand même ça pour la punir de m'avoir laissé si longtemps hors de la lumière.

— Mira...

Elle avait pris moins de temps pour réfléchir que ce que j'avais prévu. Bizarre.

ChavirerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant