Chapitre 41

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***Henriette***

Quel idiot de s'être jeté dans la gueule du loup... Il allait enfin payer pour ses crimes.


***Mira***

— Qu'est-ce que tu racontes, bougre d'âne ! cria-t-elle après que j'eus terminé ce que j'avais à dire.

 J'aurais pu raconter mille choses mais la seule dont j'avais jugé bon de parler était la défaite de sa quête vis-à-vis du capitaine Hérault. Je l'avais purement mise en colère et sa démence prenait le dessus. 

— Mira, n'as-tu point compris ce que je me suis évertuée à te dire ?! hurla Henriette. Je t'aimais ! Tu m'as lâchement abandonnée par deux fois ! Te rends tu compte de ton implication à l'état de ce bateau ?! Tout est de ta faute, si je me suis conduite comme cela, tout est de ta faute !

Ne l'écoute pas, Mira. Elle dit ça à cause de son empoisonnement. La malédiction lui détruit l'esprit. Ne l'écoute pas. Face à mon manque de réaction, Henriette baissa son arme avec un exaspération perceptible. Les larmes aux yeux et elle cria encore et encore :

— Tu es ma bête noire, Mira ! A cause de toi, nous allons tous mourir ! Je t'aimais ! 

Se reprenant, elle me lança mon épée et me mit en joue. 

— Bat-toi avant de mourir ! 

Ce fut la dernière phrase que j'entendis avant que sa lame n'entrechoqua la mienne. Le combat fut rude, comme la dernière fois. La différence entre ces deux affrontement fut que la folie s'était emparée d'Henriette et qu'elle ne sortirait pas de ce corps qui s'y était abandonné depuis trop longtemps. Ses coups étaient empreints d'une hargne féroce et je sus tout de suite que c'était le combat final. 

Je ne lâcherai pas.

J'avais échoué à la raisonner. Alors je me battrai pour ma survie.

Les meubles nous servaient une fois de plus comme barrière ou comme objet d'offensive. La pièce fut vite dans un bazar que personne n'oserait imaginer. Les cartes étaient déchirées, les chaises cassées en deux, les habits massacrés, la table ne tenait plus que sur deux pieds et était renversée sur le flanc, et je ne parlais même pas du lit encastré que je ne définissais plus comme tel. 

Mais nous ne nous arrêtions pas pour regarder le massacre que nous prodiguions. Heureusement car sinon, l'un de nous deux auraient laissé sa peau. 

Pendant un instant, nous restions nos épée collées à mesurer notre force quand je repérai qu'Henriette commençait à montrer un signe de fatigue. Le bras qui tenait son épée tremblait un peu sous l'effort. Alors, je rompis la démonstration de force et envoyai un bon coup dans sa lame qui vola par terre. Henriette se retrouva désarmée et avant qu'elle ne pusse se munir d'un élément du décor, je la plaquai contre le mur, mon épée en travers de sa gorge. Elle ne fit plus aucun geste brusque. Nous respirions très fort et nous assassinions du regard.

— Rustre ! Tu as profité de ma faiblesse ! grogna-t-elle rageusement.

— Tu en aurais fait de même, répliquai-je. 

— Tu serais déjà mort si j'étais à ta place.  

Pour interrompre ses menaces, j'avisai sa bouche et la cueillis comme elle l'avait si bien fait, au début de notre entretien. Henriette ne protesta pas mais je sentis un imperceptible sourire naître sur ses lèvres. Quand je m'écartai, elle attrapa mon visage pour m'attirer et m'embrasser. Je la laissai faire, ayant un minuscule espoir... 

... qu'elle repoussa aussitôt en me donnant un violent coup de pied dans le ventre. 

Si j'avais cru avoir un infime espoir, il ne se représenta plus. La lutte était acharnée, sans pitié et Henriette ne se relâchait plus et ne montrait plus aucun signe de faiblesse. 

Nous finîmes par sortir sur le pont, après qu'elle m'eut envoyé valser contre la porte de la cabine qui s'était effondrée sous mon poids. J'étais à terre et en relevant la tête, je sentis un liquide chaud au goût métallique couler de ma bouche. Je l'essuyai d'un revers de main rageur. Je vis Henriette sortir tranquillement de sa pièce, un sourire carnassier aux lèvres. 

— Ah ! Mira le lâche est enfin à terre ! 

Elle rit et cela me fit l'effet d'une gifle. Je me relevai brusquement et lui portai un coup qu'elle rejeta et en me repoussant au sol. 

— Non, Mira, dit-elle en me regardant d'un air faussement affectueux, la place d'un mousse est sur le sol, jamais au même rang que son capitaine.

Je commençai à éprouver de la fatigue et de la tristesse. Johan m'avait prévenu, la malédiction lui avait détraqué l'esprit. Plus rien ne restait de sa bien-aimée, malgré tous mes efforts. Henriette était rongée par la maladie qui lui empoisonnait le cerveau. 

La capitaine s'approchait de moi quand tout à coup, un énorme éclair zébra le ciel. Nous ne l'avions pas remarqué car, enfermés dans la cabine dans notre lutte, nous ne pouvions sentir l'atmosphère orageuse qui se préparait. Henriette s'était arrêtée de marcher pour contempler le ciel noir qui, par instant, se fracturait en un éclat lumineux. Le vent se leva et la mer fit balloter le bateau. Dans moins d'une demi-heure, l'eau serait déchaînée et la pluie tomberait drue. 

— Tu as de la chance, les forces de la nature salueront ton départ, fit semblant de me rassurer Henriette.

Sauf que la nature n'avait rien à voir dans cet orage. C'était impossible car, avant d'être venu affronter Henriette, le ciel était bleu et pur. L'orage était si instantané que cela ne pouvait s'expliquer que par de la magie. Ce déluge ne faisait que passer un message clair.

C'était notre ultime combat. 

Je me relevai, sous le regard concentré de mon adversaire, et la fixai intensément. Voir de si beaux yeux se décrépirent en si peu de temps me fendait le cœur. Je pris une grande inspiration.

— L'un de nous deux doit mourir ce soir, Henriette, déclarai-je, le ton grave. 

Ses lèvres s'étirèrent sadiquement et elle se signa de son épée.

— Tes paroles se produiront, Mira. Que le meilleur gagne !

Et elle m'attaqua de plein fouet. Nos épées s'entrechoquèrent violemment et l'électricité de l'air se fit plus dense. La mer s'agita, poussée par le vent et des vagues commencèrent à déferler brutalement sur le pont. Aucun marin de l'équipage n'étaient sur le pont pour s'assurer que la bateau ne se ferait pas engloutir par les eaux. Personne. Ils s'étaient tous réfugiés dans les caves dès que notre combat avait commencé. Les lâches. 

Mais, que dis-je ? Je suis moi-même un lâche.

Cette pensée me mit réellement en colère et je frappai encore plus fort la lame d'Henriette. Face à ce retournement de situation, elle arqua un sourcil et m'imita en donnant des coups plus rapides mais brutaux. Je les parai tous mais je savais que, tôt ou tard, pendant qu'elle accélérait, Henriette frapperait à un endroit stratégique de mon corps pour porter le coup fatal. Alors, je guettai ses moindres mouvements, me protégeant quand elle attaquait, mais restai en alerte pour l'instant où elle me donnerait le coup fatal.

Pendant que nous combattions, l'orage se transforma en une véritable tempête, à l'image de nos cœurs. Les éclairs illuminaient le ciel en un vacarme assourdissant mais on pouvait entendre les cris de rage ou de victoire qu'Henriette poussait de temps à autre par-dessus l'éclatement de l'orage. 

Dans ses coups, Henriette frappait plus fort que jamais et de plus en plus rapidement. Je parai du mieux que possible, dans la terreur du moment où je sentirai ma peau être transpercée, mes organes chatouillés par le fer, l'écoulement de ce liquide rouge qui tâcherait ma chemise blanche... 

Pourquoi pensai-je cela ? Je savais que je ne pouvais pas en sortir vivant. Henriette était trop forte et animée par une fureur incontrôlable. La malédiction avait gagné. Quand je serais mort, elle pourrait emporter Henriette dans les sombres abîmes de sa noirceur. 

Ce fut alors que...













Magnifique reprise de Arthur du groupe After Ivory

ChavirerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant