Chapitre 42

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***Mira***

Ça y est. Je le sentais. Il s'écoulait hors de moi. Sa chaleur me réchauffa car j'étais transi de froid et de peur. 

Je fermai les yeux, voulant à tous prix vivre pleinement cette sensation. Était-ce du bien être ? Je ne me sentais pas particulièrement mal mais je savais que c'était trompeur. 

Alors, pendant ces minuscules secondes, je vis passer ce que j'avais vécu sous mes paupières closes. Je me revis dans le passé, observant Jeanne d'un doux regard, j'aperçus même Lisa et Luc m'humilier. Je ris intérieurement en me voyant tomber dans la boue. Que tout cela me semblait loin, maintenant ! Je fus même transporté dans mon ancienne maison, la petite cachette dans l'auberge. Je revis le port de Luanda, mes tous premiers instants à bord de La Diligente, l'amitié très prompte de...

J'ouvris les yeux brusquement et tombai sur ceux de Henriette. Il y avait de la folie dans ses iris marrons, de la démence à l'état pur, de la peur et de la noirceur dans ses pupilles dilatées. Pourtant, je chérissais ces maudits yeux, ainsi que leur hôte. 

Puis, le premier élan de douleur me traversa. Je ne hurlai pas, ni ne pleurai, ni ne parlai. 

J'avais juste baissé les yeux sur le bas de mon ventre. 

Je n'étais pas surpris de découvrir une lame enfoncée au niveau de mes intestins, jusque derrière mon dos. 

Voilà pourquoi le fer frôlait mes organes. Je souris. Levant la tête, je regardai Henriette avec un désespoir palpable mais mon sourire était réellement sincère. 

Je crois que ce fut cet étirement de lèvres qui réveilla ma belle. La folie et la démence quittèrent à cet instant précis ses beaux yeux noisettes. 

— Mira...

Elle baissa la tête sur sa main qui tenait toujours la lame enfoncée dans mon ventre. Puis elle releva la tête vers moi. Je lui souris tristement. 

Henriette tomba par terre. Elle mit sa main devant sa bouche pour étouffer un cri. Des larmes perlèrent au coin de ses yeux. 

Ne voulant pas qu'elle pleure maintenant, je m'approchai en grimaçant et lui tendis la main.

— Au moins aurais-je réussi à te faire revenir sur terre. Enfin, parmi nous, en tous cas, dis-je.

Elle ne sourit pas à ma blague mais elle saisit tout de même ma main. Henriette attacha son regard au mien et pour moi, elle ne fut jamais plus belle qu'en ce moment-ci. 

— Mira..., chuchota-t-elle, d'une petite voix étranglée. Tu... Tu as... La lame. Au ventre. Je... C'est moi...?

Je posai un doigt sur ses lèvres pour la faire taire. Mon sourire se fit apaisant malgré le rouge qui envahissait ma chemise. Je pris sa joue en coupe dans ma main et passai mes doigts dans ses cheveux, pour l'admirer une dernière fois. 

— Mira, dis-moi que tu es là...

Je reposai mes yeux sur les siens. Ils étaient embués de larmes et la tristesse se lut comme dans un livre ouvert. De l'incompréhension les habitait, aussi.

— Ne pleure pas, ma belle, murmurai-je, ne pleure pas. 

— Répond-moi, je t'en supplie..., m'implora Henriette.

Je détaillai tout son visage. Il fut mon rayon de soleil. Mon aube.

— Je ne suis pas là, Henriette. Du moins, plus dans quelques instants.

L'horreur se forma sur son doux visage et je sus que, bientôt, il me faudrait partir. De plus, la douleur s'intensifiait par degré et j'étais déjà très haut sur cette échelle. J'allai ajouter quelque chose quand un pas de course se dirigea vers nous, suivi d'un cri effaré.

— Mira !

C'était Johan. Il nous avisait de loin et, quand il vit le rouge dans mon dos, il accourut. Je regardai une dernière fois Henriette et lui souris comme jamais. 

— Mira ! hurla Henriette.

Mais c'était trop tard. J'avais basculé par dessus le bastingage. 

Je pus entendre une voix hurler mon prénom. Ma douce Henriette.

Je souris.



Et le silence se fit.

ChavirerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant