Chapitre 32

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***Mira***

— Merci.

Henriette avait enfin avoué. Elle avait enfin dit ce qui lui pesait sur la conscience depuis trois mois. Elle s'était enfin déchargée de son plus gros fardeau. Elle avait enfin dit qu'elle m'aimait.

— Merci, Henriette.

Ma belle releva timidement la tête vers moi, attendant que je sois en colère ou en incompréhension. Il n'y avait rien de tout cela sur mon visage. J'étais heureux et je souriais.

— Mais... de quoi ? fit-elle, en plein doute.

Mon sourire s'élargit. Je lui tendis la main pour qu'elle se releva. Elle hésita puis la prit.

— Pourquoi me remercies-tu ? répéta Henriette, totalement perdue. Pourquoi ce sourire vainqueur ?

Sa main toujours dans la mienne, je l'attirai et la pressai contre moi. Je sentis qu'elle ne comprenait toujours rien mais elle se détendit, se laissant faire, épuisée.

— Henriette, soufflai-je à son oreille, je n'ai jamais voulu me battre avec toi, c'est toi qui en avais besoin. Je ne t'en ai jamais voulu, je m'en suis voulu à moi-même. Je n'ai jamais voulu te rendre triste, je pensais que tu comprendrais que c'était à moi que je faisais du mal.

— Mira, que veux-tu dire par là ?

Je soupirai, heureux.

—  Henriette, nous partageons les mêmes sentiments.

Un silence s'installa. Nous étions toujours enlacés, mais Henriette ne bougeait plus. Rien ne bougeait, même pas la mer. Son bruit répétitif s'était arrêté. Le vent ne soufflait plus. Je m'inquiétai alors, et relâchai notre étreinte pour voir le visage de mon aimée. Elle me regarda avec attention.

—  Henriette, qu'est...

Elle posa un doigt sur ma bouche pour me faire taire. Ses yeux inspectèrent tout mon visage au peigne fin, en faisant courir ses doigts dessus. De mon front à l'arcade sourcillière, de mes yeux à mon menton avant de s'arrêter sur mes lèvres. Juste à ce moment-là, elle daigna me regarder dans le fond de mes prunelles.

—  Mira.

Et elle s'approcha encore plus de moi avant de s'arrêter à quelques centimètres de ce qui nous séparait. Je compris.

—  Henriette.

Et je l'embrassai.

Quelques minutes plus tard, dans le bureau...

—  Raconte-moi tout, maintenant.

—  Mira, Johan pourra t'expliquer...

— Non, je le veux de ta bouche.

Henriette trépigna d'impatience. Non, je ne céderai pas à ses envies, elle n'aura plus rien tant qu'elle ne m'aura rien dévoilé. Boudeuse, ma capitaine s'assit dans son fauteuil, au milieu du bazar qu'elle avait mise.

—  Il ne s'est rien passé, voilà, fin de l'histoire, assena-t-elle.

C'en fut trop. J'avais attendu pendant des jours, des semaines, des mois au fond de la plus sombre des cales pour qu'on m'expliqua mon tort, et voilà que l'on me disait que j'avais été enfermé pour rien ?

— Henriette ! dis-je en montant le ton. Tu sais très bien de quoi je parle ! Ces mois passés dans la cale, pourquoi est-ce que tu m'y as enfermé ?! Je n'avais fait aucun faux pas ! Rien, jamais rien ! Tu ne peux pas nier indéfiniment ! Pourquoi m'as-tu fais prisonnier ?! Pourquoi ?! Pourquoi ne pas être venue me parler pour me juger en bonne et due forme ?! Pourquoi ?! Vas-tu me répondre, oui ou non ?!

Elle s'était recroquevillée sur son fauteuil, n'osant me regarder dans les yeux.

— Il ne s'est vraiment rien passé, Mira, chuchota-t-elle. Je t'ai enfermé parce que tu ne faisais rien, tu étais toujours à la vigie avec un regard vide... J'avais peur de ton regard. Je ne pouvais te l'imaginer, je ne pouvais le supporter... Et tu ne venais pas me voir, tu me manquais, Mira... J'avais besoin de toi. Mais comme j'étais en colère, je ne devais pas m'abaisser à aller m'excuser. Je ne le pouvais pas. Alors... Je t'ai enfermé pour ne plus te voir. Voilà.

Je gardai le silence. C'était donc ça. Des mesures radicales. Johan ne l'en avait pas empêchée. Il faudrait que j'aille lui dire deux mots, à celui-là. Je m'approchai doucement d'Henriette, toujours aplatie sur elle-même, et je passai ma main dans ses cheveux. Elle ne réagit pas tout de suite. Puis, petit à petit, elle releva sa tête, et accrocha ses yeux aux miens. Là, je vis ce qu'Henriette était vraiment. Une pauvre petite fille en manque d'amour, en manque de savoir, en manque d'affection. Une petite fille perdue. Sans foyer. Une fille brisée. J'en eus pitié. Tout doucement, je me penchai et m'abaissai jusqu'à dévorer ses lèvres. Elles avaient un goût de sel, à cause de ses larmes. Là, je me fis une promesse : combler le vide que les parents d'Henriette n'avaient pas rempli. Peut-être cela sera dur, peut-être que ce ne sera qu'une affaire de mois... Peu importe, je comblerai ce trou inacceptable.

J'adorais cette fille.

— Mira...

- Oui ?

Elle se dégagea un peu, à regret, de moi mais déterminée en même temps.

— Je suis désolée mais... il faut que...

— J'ai compris, je vais te laisser.

Tout à coup, son regard se fit vitreux.

— Non ! Tu restes à bord ! s'écria-t-elle.

Je la regardai soudain profondément. Elle ne rigolait pas. Si je partais, elle allait mourir.

— Promis, je resterai sur le bateau.

— Ne sors pas de ce dernier !

— Promis, fis-je, désarçonné.

Elle me fixa et ses prunelles reprirent une couleur fluide.

— Ne me quitte pas, Mira. Reste sur le bateau.

J'acquiesçai, peu rassuré, et m'en allai.

ChavirerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant