Une année de printemps

Chapitre 3 - Le début de belles amitiés

Un mois s'écoula, pendant lequel je commençai à attendre avec impatience mes cours de théâtre, ainsi que le mercredi après-midi. Car tous les mercredis, Anne, Marguerite, Delphine et moi allions nous promener en ville. Une fois, nous allâmes dans un joli petit parc aux bordures d'un fleuve, et une autre fois nous nous contentâmes d'aller faire un tour dans un centre commercial. Marguerite devait aller s'acheter de nouveaux vêtements et elle nous demanda de l'accompagner pour qu'elle puisse faire des essayages. Je n'étais pas une grande fan du shopping, et Delphine ne semblait pas apprécier ça non plus. Arrivées au centre commercial, nous décidâmes donc de nous séparer. Anne suivit Marguerite pour la conseiller, tandis que Delphine me traîna dans sa librairie préférée. J'étais un peu mal à l'aise de me retrouver toute seule avec elle, mais l'entrain naturel de Delphine finit rapidement par me détendre.

-Quel genre de livre aimes-tu ? me demanda-t-elle.

-Je pense que j'aime tous les livres. Les pièces de théâtre, les romans, les bandes-dessinées, les mangas...du moment que l'histoire est bien !

-Oui, c'est vrai. Mais d'un autre côté, il est plus agréable de lire une bande-dessinée quand les dessins sont bien faits !

Je hochai la tête. Je me sentais plus à l'aise avec Delphine qu'avec les deux autres, car chaque soir, nous faisions une partie du chemin ensemble pour rentrer chez nous. Alors que nous habitions dans des quartiers éloignés, Delphine avait découvert un chemin qui nous permettait de marcher ensemble pendant dix minutes avant de nous séparer. Elle était une incorrigible bavarde, et pourtant j'avais la sensation de ne rien connaître de sa famille et de son passé. Elle parlait peu d'elle-même, abordant plutôt les sujets des cours ou d'une série dont nous avions découvert en être fans toutes les deux.

Coupant soudainement court à mes pensées, Delphine m'appela à l'autre bout du rayon.

-Sophie ! Viens voir, il y a un livre qui a l'air super ! C'est du même auteur que le livre dont on parlait hier !

-C'est génial ! Je peux voir le résumé, s'il te plaît ?

Je pris le livre qu'elle me tendait, euphorique. Je sentais une joie semblable à la mienne chez mon amie, qui tenait fébrilement un autre exemplaire du livre. Nous lûmes le résumé pendant une minute, pendant lequel un silence, tel un roulement de tambour, se tenait entre nous.

Quand j'eus achevé cette lecture, je levai les yeux vers Delphine presque au même instant où elle se tournait vers moi, et elle s'exclama :

-Il a l'air génial ! Je me mettrais bien à le lire ici, mais je ne crois pas que le libraire apprécierait...

-Moi aussi, dis-je avec un sourire. J'ai vraiment hâte de le lire, mais je n'ai pas d'argent.

-Moi non plus, soupira Delphine en reposant le livre à contrecœur.

-Je pourrais demander à mes parents s'ils veulent bien me l'acheter pour Noël, dis-je en regardant le livre avec envie.

-Mais c'est dans des mois, dit Delphine avec un sourire moqueur. Tu penses pouvoir attendre jusque-là ?

-Je n'ai pas de meilleures options, dis-je en haussant les épaules. Qu'est-ce que tu comptes faire, toi ?

-Gagner de l'argent ! Je fais toujours ça quand je veux un livre ou quelque chose d'autre. Je vais laver les voitures de mes voisins, ou je fais du baby-sitting. Ce n'est pas très drôle toute seule, mais si tu veux on pourrait le faire ensemble, on s'amuserait bien !

-Pourquoi pas ! Mais, je ne risque pas de servir à grand-chose, dis-je d'un ton gêné.

-Tu parles du fait que tu sois en fauteuil roulant ? me demanda-t-elle directement, sans sembler gênée.