Chapitre 9 - Courses de Noël

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Après ce fameux lundi, le temps sembla s'écouler à une vitesse surprenante jusqu'aux vacances de Noël qui débutèrent par un jour triste et pluvieux. La veille, au collège, Delphine nous avait promis de nous contacter pour qu'on organise un après-midi « courses de Noël ». J'avais d'abord été réticente, ne voulant pas sortir par le froid qui était d'actualité, mais j'avais fini par céder, tout comme Marguerite et Anne. Il fallait bien que j'achète des cadeaux pour ma sœur et mes parents, et quitte à y aller sous la pluie, je préférais être accompagnée par mes amies.

Allongée sur mon lit, écoutant la pluie cogner contre ma fenêtre, je me remémorai ma situation il y a un an. J'étais toute seule, avec pour seuls contacts sur mon téléphone mes parents, ma sœur et les délégués de classe. J'étais sûrement aussi allongée sur mon lit, mais à ressasser cet accident qui avait mis ma vie en l'air. À l'époque, c'était la seule chose à laquelle je pouvais penser. Je n'avais aucun véritable souvenir heureux, et ma solitude, ma timidité et ce déchirement que j'avais au cœur qui ne me quittaient plus me rappelaient sans arrêt ce que j'avais perdu.

Ah, le temps où je courais dans les prés avec ma sœur pour ramasser des prunes ou des pommes, où j'étais la plus rapide dans la cour de l'école quand on jouait aux policiers-voleurs, et où j'allais courir avec mon père le matin était bien révolu ! J'entendais encore la voix du médecin qui résonnait dans ma tête comme un mal de tête atroce qui nous tenaille : « Elle s'en est sortie de justesse et ne devrait pas garder trop de séquelles mentales de son accident...physiquement par contre...

-Quoi ? avait questionné la voix paniquée de ma mère, qu'est-ce que c'est ? Mais dîtes !

-Elle ne pourra plus se servir de ses jambes... »

Elle ne pourra plus se servir de ses jambes...

Cette phrase me tenait compagnie dès que je n'avais plus rien à faire, dès que je pouvais me laisser aller à mes pensées. Je détestais ne rien faire.

Mais, depuis quelques mois, ma situation avait évolué. Je m'étais fait des amis, je faisais plus d'activités, et cette timidité horrible qui me torturait avant...était toujours là, en fait. C'était la seule chose qui n'avait pas changé. J'étais toujours aussi timide et c'était insupportable. Chaque fois que j'étais au calme dans mon lit le soir, je me disais « Allez Sophie, demain tu parleras à quelqu'un. Ce n'est pas compliqué de lancer une phrase comme ça, sur le cours, le temps, ou juste poser une question. » Je me promettais d'agir, d'oser demander à quelqu'un de me prêter sa gomme, sans avoir à me poser des milliards des questions avant. Quel ton adopter pour parler ? Comment formuler ma question ? Tant de questions qui faisaient que je renonçais à chaque fois à parler aux autres. Je restais dans mon coin à me débrouiller, sans jamais demander l'aide de qui que ce soit. Et lorsqu'on m'adressait la parole, je perdais mes moyens et je disais n'importe quoi. J'avais presque honte de moi-même. Même avec la meilleure volonté du monde je ne parvenais jamais à faire le moindre progrès.

Quand j'étais petite, une fois, nous étions allés au ski avec mes parents et ma sœur. Mais sur le télésiège, j'étais toujours pétrifiée de peur, si bien que je ne voulais plus y aller. Mais je voulais absolument skier, et je culpabilisais car si je ne skiais pas, mes parents auraient payé mon forfait pour rien. Alors un jour, je me suis levée, bien décidée à affronter ma peur, et j'ai pris le télésiège. Ma sœur, qui était à côté de moi, me parlait tranquillement sans faire trop de mouvement, sachant très bien que ça m'effrayait. J'ai fini ma surmonter ma peur, et c'était ensuite toujours avec fierté que je prenais le télésiège. J'avais toujours peur, bien sûr, mais ce qui me rendait heureuse, c'est que je maîtrisais cette peur et que j'avançais.

Une année de printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant