Chapitre 11 - La dispute

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Le lendemain, au collège, Marguerite n'adressa pas la parole à Anne. Elle resta avec Baptiste, qui ne semblait pas comprendre ce qui avait pu se passer pour qu'elle ne nous parle plus. Durant la pause du midi, Delphine et moi racontâmes à Andy la scène de la veille, tandis qu'Anne regardait d'un air dévasté dans le vide. Marguerite ne semblait pas fâchée contre Delphine et moi, mais puisque nous restions tout le temps avec Anne, elle évitait notre compagnie. Delphine me raconta qu'elles avaient beaucoup parlé avec Anne la veille, après mon départ, et qu'elle lui avait raconté ce qui lui était arrivé en sixième à cause de son adoption.

Une semaine, puis deux passèrent comme cela. Je ne savais plus quoi faire pour arranger les choses, et je voyais bien que Delphine désespérait comme moi de voir nos amies fâchées l'une contre l'autre. Parce que même si Anne était le plus souvent triste et déprimée, elle nous avait confié qu'elle ne pouvait pas s'empêcher d'en vouloir à Marguerite, qui avait réagi injustement à son goût. Plusieurs fois, nous tentâmes, avec l'aide d'Andy, de faire réconcilier les deux filles. Par exemple, nous nous asseyions à côté d'elle et de Baptiste au self, ce qui semblait réjouir ce dernier mais gêner la première. Une autre fois, Delphine me raconta qu'elle s'était mise avec quelqu'un d'autre pour un exercice à deux en basket, afin qu'elles se retrouvent toutes les deux. Mais cela avait échoué, voire même empiré la situation, car elles avaient refusé de s'adresser la parole et avaient préféré ne pas faire l'exercice.

Un mardi soir, je décidai d'aller parler à Marguerite. Cette situation ne pouvait plus durer, cela nous mettait tous mal à l'aise. À la fin de notre dernière heure de cours, je la vis saluer Baptiste puis partir.

-On se voit demain, glissai-je à Delphine en faisant un geste de la tête vers Marguerite pour lui indiquer ce que je m'apprêtais à faire. 

Elle sembla comprendre et hocha la tête. Je me dépêchai de rattraper mon amie, mais la voyant commencer à s'éloigner dans des rues avec plus de dénivelés, je l'interpellai :

-Marguerite, attends-moi !

Elle se retourna et m'attendit. En me rapprochant, je pus lire sur son visage de l'étonnement, et, me sembla-t-il, un peu de joie.

-Je voudrais qu'on parle, lui dis-je.

-D'accord...euh...ici ?

-N'importe où, ça me va. Je préfère être claire : cette situation ne peut plus durer. Je ne comprends pas exactement pourquoi tu en veux à Anne, ou plutôt je connais la raison et je ne la comprends pas, mais ça devient ridicule.

-Je sais, murmura-t-elle. Écoute, Sophie...j'ai fait n'importe quoi l'autre jour, quand elle m'a avoué qu'elle aimait Baptiste elle aussi. En vérité, je n'étais pas fâchée contre elle à cause de cela. Je lui en voulais de ne pas me l'avoir dit, mais c'était surtout à moi que j'en voulais. Parce-que, au fond, je m'en doutais. Elle avait toujours l'air triste quand nous étions tous les deux. Et quand elle me l'a vraiment avoué, je me suis demandé comment j'allais faire pour continuer à sortir avec Baptiste en sachant que ça la blessait. Quand je lui ai dit que je ne pensais pas qu'on pourrait rester amies, c'était parce-que je croyais que ça lui ferait encore plus de mal que nous soyons proches toutes les deux. Mais avec toutes les émotions que je ressentais à ce moment-là, mes mots ont dépassé ma pensée.

-Je comprends. Mais tu sais, ni Delphine, ni moi ne t'en voulons. Et je pense qu'Anne préfère être ton amie plutôt que d'être avec Baptiste.

-Je sais..., dit Marguerite, et je m'aperçus que sa voix tremblait. Tu sais, je crois que moi aussi je préfère rester amie avec elle. J'aime vraiment Baptiste, mais si je suis avec lui alors que ça fait de la peine à Anne, mon amour pour lui se transformera en culpabilité.

Une année de printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant