Chapitre 16 - La déclaration

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-Quoi ? dis-je alors que ma voix se brisait.

-Ce n'était pas de ta faute Sophie. On l'a toujours su. Quand votre professeur a appelé mes parents pour leur dire qu'il avait perdu deux de ses élèves, Anthony et une autre petite fille, mes parents ont paniqué. Ils nous ont emmenés avec eux au vélodrome. Je n'y étais jamais allé. Michel était tout petit, il avait à peine quatre ans, et Louise venait juste d'avoir un an. Il devait sûrement y avoir tes parents, mais je me souviens juste qu'il y avait plein d'adultes qui appelaient la police, qui criaient, qui s'inquiétaient...et nous, on avait peur. Ça a duré des heures. Mon père était parti avec un groupe de recherche. Il devait être minuit quand on a reçu un appel de quelqu'un qui vous avait retrouvés. Il avait déjà dû appeler l'hôpital, car nous y sommes allés directement. On m'a fait attendre dans une pièce avec Michel et Louise. Je tenais Louise dans mes bras, elle s'était endormie. Michel et elle étaient trop jeunes pour comprendre ce qui se passait, mais moi je n'avais jamais eu aussi peur de ma vie. J'adorais mon frère. C'était mon meilleur ami. On partageait tout. Ce sont mes parents qui nous ont annoncé ce qui s'était passé. Je me souviens d'avoir pleuré, et de ne pas être retourné à l'école pendant des mois. Mais au mois de janvier, mes parents ont voulu que j'y retourne. Ils disaient qu'on devait continuer à vivre pour mon frère. Mais je ne voulais rien entendre. Je...je leur ai crié qu'il était mort et qu'on ne pouvait plus rien faire pour lui. Et tu sais ce qui m'a aidé à me relever de ma peine, ce qui m'a fait retourner à l'école ?

Je ne dis rien, pensant qu'il allait répondre lui-même à la question. M'apercevant qu'il ne le faisait pas, je lâchai :

-Non.

-C'est toi. Mes parents m'ont rappelé qu'il y avait une fille avec Anthony quand il avait eu son accident. Ils ne m'ont jamais dit son nom, ils m'ont juste dit qu'elle avait survécu. Ils m'ont dit qu'elle, elle était vivante, et qu'elle allait devoir continuer à vivre avec ça. C'est pour toi que je suis retourné à l'école et que j'ai appris à vivre à nouveau. Pour la fille qui avait vu mon frère mourir pour la sauver et qui continuait malgré tout à avancer.

Il se tut. Quelques minutes s'écoulèrent, pendant lesquelles j'essuyai mes larmes et je me calmai. Étrangement, ce que venait de m'avouer Andy me faisait du bien. Je me sentais enfin sereine. Je n'avais jamais connu la famille d'Anthony, et je n'avais jamais su ce qui lui était arrivé. Mes parents n'avaient jamais voulu me dire son nom de famille. Maintenant, je savais.

-Tu...tu ne m'en veux pas ?

-Bien sûr que non. Mes parents non plus. On ne savait pas en détails ce qui s'était passé, mais on savait que tu n'y étais pour rien. C'était le choix de mon frère de te venir en aide. Je pense qu'il tenait à toi comme à moi, Michel ou Louise. Je crois me rappeler qu'il parlait de toi parfois. J'ai un vague souvenir d'un jour où il était rentré d'une de ses séances de vélo en disant que tu étais tombée, ce qui lui avait fait peur. Je lui avais demandé pourquoi il s'inquiétait tellement pour toi, et il m'avait dit que tu étais comme sa petite sœur. J'avais même été un peu jaloux qu'il prenne soin de quelqu'un d'autre que moi !

Je souris, touchée par cet aveu.

-Tu crois que c'est pour ça que tes parents agissaient bizarrement avec moi ? Ils m'ont reconnue ?

-Oui, ça doit être pour cela. Ils ne devaient pas savoir comment réagir, surtout qu'ils ne savaient pas si tu étais au courant qu'ils étaient les parents d'Anthony. Ils devaient savoir que tu étais en fauteuil roulant, mais ils ne me l'avaient jamais dit.

Andy hésita un instant, puis il reprit :

-Je...je pense que je vais leur parler de...tout ça. Ce soir.

Une année de printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant