EPILOGUE

40 9 4
                                    

La porte explosa.
Derrière, un carnage attendait Jean Joseph. L'odeur du sang le prit à pleine gorge, tout autant que le cri de désespoir qu'il poussa.

Dans une redingote noire, Jean-François était proscrit sur le sol, serrant contre son torse un corps inanimé. Ses épaules, secouées par les sanglots, se soulevaient à intervalles irréguliers. A quelque pas de lui, un cadavre décapité se vidait de son sang. Sa tête, figée sur une expression de surprise, offrait la victoire à l'Ordre.

A quel prix...

Jean Joseph s'approcha, les larmes cavalant déjà sur ses joues rosies par le combat. Dans cette tenue qu'il lui avait lui-même conseillé, Apolline ne ressemblait en rien à l'enfant qu'il avait serré dans ses bras. Elle était devenue femme, sans même qu'il ne s'en rende compte. Elle baignait dans son sang, le jabot de la chemise rougie, le cuir du corset maculé. Sa poitrine, ouverte, n'offrait que la fatalité de l'évidence.

Un gémissement d'animal blessé s'échappa des lèvres du guerrier.

Il s'approcha et ne recueillit qu'un feulement de la part de Jean-François. Jamais il n'avait vu le fier marquis de la sorte. Son visage n'avait plus rien d'humain, dévoilant toute la fureur de sa condition vampirique. Ses traits, déformés, suintaient le sang de sa tristesse. Jamais ses yeux n'avaient semblé si rouge, baignés dans son désespoir.

— Attendez ! rugit Jean Joseph alors que les premiers guerriers pénétraient dans la pièce, l'arme au poing. Ne le tuez pas tout de suite.

Jean-François semblait incapable de reprendre ses esprits. Il feula à nouveau lorsque son beau frère s'approcha, serrant plus fort le corps d'Apolline. Un craquement offrit une seule réponse de la jeune femme. Il la broyait de son amour, détruisait les restes inanimées de celle qui ne serait plus. Jean Joseph refusa de regarder, serrant les poings pour les empêcher de trembler.

— Il ne reste que vous Jean-François. Laissez nous son corps et...

— Et quoi ? Vous l'offrirez au regard du Créateur pour qu'il juge des actes dont elle n'est pas coupable ?! Vous me l'arracherez, encore ?! Nous aurions fini comme si rien n'avait changé sans vous !

Il se réveillait lentement, ivre de colère. Ses mains tremblantes ne lâchaient pourtant pas Apolline. L'empreinte de ses doigts s'imprimaient dans la chair, dix marques à la violence déchirante.

— Donnez nous...

Il n'eut pas le temps de finir que déjà le vampire se relevait, le corps dans les bras. Aucun n'eut le temps de réagir alors qu'il forçait le passage. Des coups de feu retentirent mais ne rencontrèrent que le vide. S'enfonçant dans l'ombre de sa présence. Il ne restait que du sang sur le sol.

Jean Joseph resta droit, aussi longtemps qu'il le put. Il ordonnait pour ne pas réfléchir. Le corps du prince fut emballé dans un drap noir. Ils l'offriraient comme leur ultime victoire. Il ne frémit pas alors que les portes du manoir se refermaient derrière lui. Il n'offrit aucune larme alors qu'on le complimentait pour ses actes et qu'on le décorait d'une médaille qu'il avait attendu toute sa vie. Il ne bougea pas alors qu'une calèche le ramenait dans le Gevaudan.

Il s'effondra cependant à la seconde où ses pieds foulaient la terre de ses ancêtres.

Là, à l'ombre du grand saule où Apolline aimait se cacher, une tombe avait fleuri.

"A notre fille, soeur et aimée.

Qu'Il t'accueille dans Sa demeure éternelle.
Puises-tu y vivre les histoires que tu avais tant rêvées."

Evangeline [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant