18 - Au nom de Dieu

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Ils n'avaient guère laisse de temps à la vampire. Apolline avait regardé quelques nuits se coucher, enfermée dans sa chambre vide. Elle ne voulait de toute manière par sortir, prendre le temps de comprendre ces mouvements trop vifs et son regard trop puissant.

Mais ce matin son frère s'était présenté à sa porte et lui avait demandé de le rejoindre. Elle savait ce qu'ils attendaient d'elle. Savait qu'elle rencontrerait, bientôt, trop vite, l'homme terrifiant qui l'avait jugé la première fois.

Apolline gardait pourtant la tête haute. Dans les lourdes armoires de sa chambre, elle avait découvert des habits d'homme, différents de ces toilettes, qu'elle avait enfilé. Si le grand miroir à pied posé au côté du lit ne lui renvoyait que le vide, elle s'imaginait déjà dans ce pantalon de toile, avec cette chemise à jabot masculine qui ceinturait sa taille menue. La vampire détacha ses cheveux et la cascade de boucle brune se glissa dans son dos, allant caresser la naissance de ses reins. Dans des souvenirs trop humains, elle pinça ses joues, les colorant de rouge. Elle ne pouvait pas voir le résultat, ne pouvait qu'espérer.

Jean-Joseph lui tendit son bras.

Elle le refusa fermement, ne répondit à la question muette de son frère que par le silence.

Leur chef l'avait terrifié la première fois, alors qu'il tenait entre ses doigts son destin. Elle refusait de se montrer encore à genou. Elle refusait de s'appuyer sur un autre pour paraitre devant lui.

Ils ne pénétrèrent pas dans la même pièce que la dernière fois. Jean-Joseph gardait le silence, se contentant de la guider à travers les larges corridors. Jamais la comtesse n'aurait pensé le lieu aussi immense tant il était vide. Elle ne sentait aucune chaleur, ne percevait pas le moindre souffle. Les humains semblaient avoir déserté.

Ils entrèrent dans une bibliothèque au centre de laquelle se dressait une immense sphère armillaire dorée. Seule décoration de la pièce, elle attirait le soleil et la lumière, les regards et les questions. Prêt d'elle se tenait l'homme aux yeux noirs. Il n'avait pas quitté sa bure de moine mais pas la moindre épée ne trônait près de lui. Il semblait obnubilé par l'instrument astrologique, ne leur offrant pas le moindre regard.

Jean-Joseph se permit un raclement de gorge, interrompant le prêtre dans ses recherches.

Pas l'ombre d'un sourire ne vient fleurir sur ses lèvres alors qu'il relevait les yeux jusqu'aux nouveaux venus. Il inclina la tête devant l'homme alors que ce dernier offrait une courbette respectueuse. Plissa ses billes d'onyx en croisant le regard de la vampire.

— Vous pouvez disposer Jean-Joseph. Votre sœur retrouvera le chemin de sa chambre seule, rejoignez vos frères au réfectoire.

Il s'inclina une nouvelle fois, refermant derrière lui la lourde porte de bois, plongeant dans une semi-pénombre la pièce. Seules les flammes du feu éclairaient par intermittence leur visages de reflet brulant.

Apolline ne bougea pas, se contentant d'observer celui qui l'avait convoqué. Lui s'approcha de l'âtre, caressa de ses longs doigts le marbre de la cheminée. Il fixa l'immense portrait qui la surplombait, peinture d'une quelconque noble de familles riches. Apolline se fichait des noms, n'avait cure de ceux qu'elle devait respecter. Elle reconnaissait le roi, s'était inclinée bien bas devant les princes et princesses. Alors qu'elle n'était qu'un oisillon, on lui avait appris les grandes familles, on lui avait montré que les grandes gens pouvaient la détruire d'une pensée. Elle était devenue aigle et savait que, qu'ils soient d'or ou de glèbes, leur sang coulait de la même manière.

— Vous me surprenez Evangeline. Je ne pensais pas que la progéniture de Morangiès saurait faire preuve d'un tel recul et d'un si petit appétit pour les pêchers, lança le religieux sans même se tourner vers elle. Vous surpassez toutes mes espérances et je suis certain que Notre Majesté sera fière de vous compter dans les rangs de notre Ordre. Ne pas attaquer votre frère alors que vous n'avez que quelque mois. Ne rien détruire alors que vous êtes enfermée dans un lieu saint. Je ne sais si Dieu vous a béni mais nous serons fous de ne pas tenter de faire quelque chose de tous ces talents.

Evangeline [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant