16 - Orbe sanglante

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Il la fit sortir de sa cellule.

Les yeux de la jeune vampire se perdirent sur les décors improbables. Les pierres, vieilles de centaines d'années, avaient le reflet d'un château ancien et imprenable. Aux creux de chaque croisé d'ogive un démon les fixait de ses yeux perçants. Ils suivaient leur avancée, jugeaient leurs mots et leurs actions.
Apolline se rapprocha de son frère, la tête aussi haute que sa fierté feinte lui permettait. De l'angoisse luisait pourtant dans ces iris, témoin inconscient de la terreur au fond de son esprit.

Car elle ne pouvait pas vraiment mentir. Elle était prisonnière d'hommes dont elle ne savait rien.

Elle, doit le destin avait toujours été contrôlé par d'autre, se retrouvait à prendre des décisions seule. La marquise aurait pu enfoncer dans la nuque de son frère des griffes au tranchant terrible. S'enfuit à tout jambe.

Mais pour quoi ?

Seul le vide l'attendait à l'extérieur.

Jean-François était mort. Simon était mort.

Tout ceux qu'elle avait un jour chéri n'étaient plus et, seule, elle frémissait.

Pire encore. Elle tremblait, terrifiée par ce groupe auquel son frère voulait la présenter. Elle était leur prisonnière, petit tas d'os et de sang qu'ils pouvaient détruire à leur bonne volonté. Il suffisait d'un mot, une mauvaise phrase, un soupir mal placé et ils mettraient pour de bon fin à ses jours.

Ils remontèrent ensemble les hautes marches des geôles. Le mur, sur lequel la marquise prit appui, suintait d'humidité. Jean-Joseph ouvrit la dernière porte les séparant des étages et, immédiatement, les odeurs prirent la vampire à la gorge. Il y avait ici trop d'âme errante. Trop de fumet appétissant. Elle tenta de se raccrocher à la vision des couloirs désert, vides de décorations. Essayait de trouver une teinture aux couleurs vives pour ne plus sentir. Pour se concentrer.

Son frère se retourna, les sourcils froncés. Ses traits changèrent immédiatement. Elle ne sut si c'était la colère ou de la peur qu'elle voyait dans les iris trop semblables aux siens. Durant une seconde, le temps s'arrêta.

— Apolline...

Les mots sonnèrent comme une menace.

La vampire sera les doigts, enfonçant dans sa peau ses ongles. La douleur éclaircit son esprit trop vite. Elle devait se concentrer, oublier les odeurs. Elle voulait sortir, embrasser le fumet de la forêt. Tout sauf le parfum des humains, tout sauf la peur d'attaquer encore.

Car si Apolline se sentait au combien puissante, elle n'en oubliait pas le massacre de l'hôtel. Le souvenir de Simon était bien trop inscrit dans son esprit.

Elle ferma les yeux, s'arrachant au regard par trop insidieux de son frère.

Avant de reculer brutalement. Il l'avait touché, arrachée à sa quiétude éphémère. Elle feula, grogna. Déjà Jean-Joseph la jugeait, de ses iris si particuliers.

— Contrôle toi Apolline. Je te l'ai déjà dit. Une action comme ça devant eux et ce sera la fin.

— Je fais ce que je peux ! grogna la vampire, les poings fermés, le souffle court.

— Alors fait plus !

L'ordre tonna comme la dernière sanction et, malgré le regard noir de sa sœur, Jean-Joseph se remit en marche.

Elle n'eut d'autre choix que de lui emboiter le pas ; de le suivre à travers les dédales de couloirs. D'essayer de comprendre l'architecture des lieux qui ne lui faisait que trop penser à un cloitre. Il y avait trop de pièces, trop de silence et si peu de décoration. Apolline, toujours habituée aux riches demeures et aux tableaux griffés avaient l'impression que les murs étaient tristes.

Evangeline [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant