« Debout sac à merde ! Il est trois heures, soit l'heure parfaite pour se lever dans ce pays ! Me brailla une voix 'autoritaire' dans les oreilles en me donnant des coups de pieds dans les côtes. »
Je me redressai en grimaçant.
« Corentin... T'es vraiment qu'un gamin. On ne prend la route que dans une heure...
— Peut être, mais tu dois prendre le temps de te faire joli pour ta belle... Répliqua mon ami avec un clin d'œil. »
Je soupirai, alors que mon meilleur — et seul — ami repartit à l'assaut de mes pauvres côtes gelées.
« Debout fainéant ! Ou je dis au garde que tu es mort !
— Oh non, pitié, fais pas ça ! Implorai-je, sachant qu'il ne le ferait pas vraiment mais ne pouvant m'empêcher de frissonner. »
Corentin savait couramment parler allemand, et si un prisonnier était mort pendant la nuit, c'était à lui de le dire au garde de service, qui devait alors dégager le corps. Un vivant s'était déjà fait passer pour mort, son regard était si éteint que je m'étais demandé s'il ne l'était pas vraiment, et le garde l'avait balancé dehors tout de même en rigolant grassement lorsqu'il avait commencé à s'agiter dans son dos. Le malheureux avait attendu toute la nuit à l'extérieur de la baraque et avait été trouvé mort pour de bon le lendemain devant la porte, par hypothermie. Ça veut dire mort de froid. C'est Corentin qui me l'a expliqué, il m'a aussi appris à lire et écrire un peu mieux qu'un enfant déscolarisé à ses huit ans. Il est très intelligent pour un garçon qui a arrêté l'école aussi jeune que moi.
Le chef de garde entra dans la baraque de dortoirs, nous insultant pour la forme mais sachant très bien que son autorité était révolue depuis la mort du chef du camp.
« Venez, déchets. »
Il nous indiqua le camion garé à l'extérieur par la fenêtre sale et en partie brisée de la baraque. Clairement, il fallait que nous sortions, dans le noir, à trois heures et demie du matin. Quelle joie. Et dois-je préciser que nous sommes au début d'un hiver qui promet d'être glacial ? Les gardes en ont parlé entre eux il y a quelques jours. Dire qu'ils se plaignaient du froid à venir... ils ne doivent pas avoir compris qu'ils sont loin d'être à plaindre dans leur situation, où leurs baraques sont équipées de cheminées, de matelas et de couvertures.
Nous sortîmes de la baraque et allâmes dans le camion, copie conforme de celui qui nous avait amené à Auschwitz des années plus tôt puis dans ce camp-ci. Il m'est difficile d'imaginer que nous y retournons dans peu de temps, à ce fameux et célèbre camp d'Auschwitz. Il était assez renommé selon les prisonniers que l'ont avait rencontré en arrivant dans notre nouveau camp, et beaucoup plus grand c'est vrai.
J'avoue qu'on peut se dire qu'on n'est pas mal traités pour des déportés, ce matin. C'est vrai, on a connu bien pire. Je dirais même que c'est agréable, ce petit repos que nous a accordé sa sainteté la mort en emportant malencontreusement le Général-en-chef il y a de ça quelques jours.
Je ne sais pas ce qu'il se passe chez les dirigeants nazis en ce moments mais personne n'a été annoncé pour le remplacer, il ont simplement fait parvenir une lettre dans laquelle il était écrit noir sur blanc — légèrement jauni par le voyage, mais bref — que le camp dans lequel nous étions allait fermer, et que nous allions être transférés à Auschwitz dans les plus brefs délais. L'abandon du camp a relâché la surveillance des gardes de manière drastique, certains riaient avec nous quand nous faisions des blagues et s'amusaient à nous regarder, moi et Corentin, ainsi qu'avec les autres prisonniers, faire des jeux pour amuser la galerie. Oui, on se serait presque crus en camp de vacances. Bien que tous n'aient pas changé de comportement bien entendu, à commencer par ce fameux garde qui nous a sortis de notre baraque une demi-heure en avance juste pour nous embêter.
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Elle
Historical FictionCeci est un livre sur la deuxième guerre mondiale. Si vous avez peur du sang, des blessures bien détaillées et des violences physiques, ce livre n'est pas pour vous - à moins que vous ne souhaitiez repousser vos limites, ce n'est pas très hard. Les...