Chapitre XVI

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Je tentai d'imaginer ce que je venais de lire. Corentin, malade, à l'infirmerie. Elisa qui entre, un bébé avec son biberon dans les bras. Elisa qui tue l'enfant avec précision, sans émotion particulière, comme si elle mangeait un bout de pain.

Je ne peux pas imaginer qu'elle fasse ce genre d'action, elle est si belle et si gentille avec moi. C'est encore plus difficile de m'imaginer qu'elle a fait ça après m'avoir sauvé moi, sautillant à l'image de la petite fille qu'elle était jusqu'au bout du couloir.

Je levai les yeux vers elle. Elle regardait par sa fenêtre, pensive, ayant presque oublié ma présence. Je retournai à ma lecture, sans plus y penser. Après tout, je ne la connaissais pas, pas plus que je ne la connais aujourd'hui. Elle était obligée de tuer cet enfant, il n'aurait pas pu survivre sans sa mère.

Je suis sûr que la raison de sa présence ici est marquée quelque part dans ce carnet.

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Cher journal,
Ce matin, le Général-en-chef a déclaré que les chambres à gaz du camp et les baraques étaient trop pleines, et que la moitié des prisonniers allaient être déportés dans un camp à plusieurs heures de route. Moi et Luc en sommes, nous allons déménager. Il n'a pas été ravi d'apprendre cette nouvelle, parce que cela l'empêcherait de revoir Elisa, ou ''la petite fille'' comme il l'appelle. Cela me fait mal de me dire que je la vois une fois par semaine dans son dos, alors que lui la recherche activement depuis le jour de notre arrivée. Je suis un horrible ami.
Nous partons demain à l'aube, je me prépare à aller chez Elisa pour parler avec elle une dernière fois.

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Cher journal,
Nous sommes partis, ça y est, et je suis encore perturbé de ce qu'Elisa m'a confié. Elle est là depuis son arrivée aux chambres à gaz, lorsqu'elle avait six ans, et qu'un garde a décidé de ne pas la tuer grâce à sa beauté, ne prenant pas en compte le fait qu'elle était juive. Elle a grandi dans le camp, apprenant à ne pas se faire connaître des prisonniers et rester discrète lorsqu'elle jouait ou aidait dans les cuisines du général, passant devant la porte menant à la cour principale. Elle m'a dit avoir été bouleversée de rencontrer un autre enfant dans le bâtiment pour la première fois, et n'a pas hésité à s'interposer lorsqu'un soldat a tenté de le frapper. Sa joie a été encore plus grande quand elle m'a vu dans l'infirmerie, et elle m'aurait presque demandé d'amener Luc avec moi à nos rendez-vous secrets si la contrainte de sa langue natale ne dérangeait pas autant. C'est dommage.
Elle était souvent avec les cuisinières et les bonnes du Général-en-chef, mais de temps en temps elle était avec lui, pour parler un peu. Ça, c'était avant ses dix ans, jusqu'à il y a quelques mois. À l'heure actuelle, elle n'a plus le droit de se déplacer comme bon lui semble dans le bâtiment et le camp, parce que les prisonniers ont eu vent de sa présence et pourraient créer une révolte. Et suite à cette interdiction de sortir de sa chambre, le Général a commencé à lui faire des visites, et lui apprendre des choses d'adultes, comme si cela était normal à son âge et qu'il était de son devoir de satisfaire le Général. Récemment, ces actions se sont étendues aux gardes et soldats qui travaillent le mieux dans le mois, leur garantissant une faveur. Elisa ne sait pas que ce n'est pas bien, c'est normal pour elle, et je ne veux pas lui avouer que c'est de l'abus, elle ne comprendrait pas, se révolterait et finirait pas mourir. Je n'aime pas cette situation.

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Mes yeux se relevèrent sur Elisa une nouvelle fois, qui me regardait déjà. Elle rougit et détourna le regard. Alors elle ne sentait pas étrange de faire ça ? Elle ne trouvait pas ça mal ? Corentin ne m'avait pas dit beaucoup de choses sur la sexualité, mais il avait bien précisé que les enfants ne devaient pas y être mêlés, et que les adultes devaient rester entre eux, parce que c'était de toute façon une activité d'adultes.

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