— Et donc tu as déjà réussi à trouver tu lait ici ? Interrogeai-je, suspicieux.
— Oui, tu sais bien que j'ai été guéri depuis.
— Où tu l'as trouvé ? On ne nous donne que de la soupe. »
Il se tut devant ma curiosité, peut-être mal placée, mais curiosité tout de même. Ce 'médicament' n'avait aucun sens, et qu'il ait réussi à en trouver non plus.
« Ils ont une vache ? Tentai-je de deviner face à son silence. Tu es allé la traire ?
— Arrête de demander, lâcha-t-il après un soupir, se relevant. »
Il tangua sur ses pieds, subitement pâle, mais me demanda immédiatement de le lâcher. Je ne m'étais même pas rendu compte que je l'avais retenu par le bras.
« L'endroit où ils t'ont piqué a gonflé, constatai-je en voyant les marbrures violettes sur sa peau. Ça te fait mal de plier ton coude ?
— Ça me fait mal même sans plier, ricana-t-il en se rapprochant de la porte, son bras pendant mollement à côté de lui. Tu viens ? Ça va être l'heure de la soupe.
=|=|=
Le lendemain matin, les travaux furent distribués, et ce fut sans surprise que moi et Corentin fûmes envoyés aux usines de métaux, soit la tâche la plus ingrate du camp. L'intérêt de ces usines était de polir des pièces de métal usagées auprès de machines énormes et très dangereuses, inutile d'être un grand savant pour le savoir. Ce qui faisait que ces usines étaient l'endroit redouté des prisonniers, était que les polisseuses tournaient très vite, les pièces brûlant vivement les doigts si l'on ne trouvait pas une technique pour les couvrir car elles étaient très chaudes très vite, et les roues de la machine envoyaient toute la poussière de métal dans les yeux et la bouche, provoquant de belles brûlures respiratoires qui restaient une bonne semaine si ce n'était davantage.
Corentin m'a dit une fois que certaines pièces portaient une maladie, le tétanos je crois, qui fait mourir la personne au bout d'une durée que j'ai oubliée. Apparemment, le tétanos vient dans le corps avec les plaies, et c'est pour ça qu'il ne faut pas se couper avec les pièces — tâche difficile, elles sont pointues et glissent souvent des mains.
Je ne sais plus comment fait mourir le tétanos tiens, je demanderai à Corentin.
D'ailleurs, celui-ci mettait un soin incroyable à me fuir ce matin, s'éloignant de moi même dans l'usine, ce qui après tout valait mieux pour nous deux, je savais être une vraie pipelette parfois. Aux ordres des gardes, chaque prisonnier se plaça devant sa machine, un bac de métaux devant lui, avec l'obligation de commencer le travail immédiatement. Ma côte blessée, loin d'être remise du spectacle d'hier, me lança terriblement, me faisant vaciller. Heureusement que les gardes ne m'avaient pas vu, ils auraient pensé que je traînais et m'auraient puni.
Je saisis ma pièce et la déposai sous la roue de la polisseuse, l'enclenchant. Le bruit émis me fit grimacer, ce grincement terrible s'activant bientôt partout dans l'usine. Quel travail ingrat.
On prend, on polit, on se brûle, on pose, on prend, on polit, on se brûle, on pose, on prend-
Longtemps après le début de l'activité, un bruit strident retentit dans la grande pièce, celui d'une pièce tombée au sol. Or, l'ordre ultime était de ne rien faire tomber. Les gardes se dirigèrent en ricanant vers le vieillard fautif, doté d'une barbe sale et démuni d'une partie de sa vue à cause des poussières métalliques qu'il avait reçues dans ses yeux depuis des années. Oui, je le connaissais lui aussi. Il s'appelait Hans.
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Elle
Historical FictionCeci est un livre sur la deuxième guerre mondiale. Si vous avez peur du sang, des blessures bien détaillées et des violences physiques, ce livre n'est pas pour vous - à moins que vous ne souhaitiez repousser vos limites, ce n'est pas très hard. Les...