10 : Héros dans l'âme

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J'ai le réflexe de m'éloigner d'un bon sur le côté, Ron étant focalisé uniquement sur moi, il suit le mouvement, protégeant ainsi Harry d'éventuels dommages collatéraux. Connaissant le Gryffondor, lorsqu'il voit rouge, rien de ce qui n'est pas sa cible n'est perceptible et je ne souhaite pas prendre le risque que mon petit protégé se retrouve blessé, même juste bousculé. Le regard rivé sur Harry, je ne me rends compte de mon erreur qu'après avoir reçu une bonne droite au visage. Je suis quelque peu sonné, alors que je chancelle, je reste fixé sur Harry, ses yeux sont emplis d'une terreur sans nom... Cette vision me coupe le souffle, je voulais plus que tout ne plus revoir la peur déformer ses traits innocents et j'ai échoué.

Je me fais durement plaquer au sol, me rappelant la situation actuelle. Certes Weasley est plutôt costaud, mais ces coups ne sont pas à la hauteur de ma résistance, j'ai reçu un bon entraînement. Au moins mon paternel aura eu un tant soit peu d'utilité avec cette éducation d'un autre siècle. Je me concentre sur mon vis-à-vis, remontant ma garde et contractant mes muscles, pour me protéger de ces assauts désordonnés. Comme je le pensais, un buffle qui fonce tête baissé, sans technique ni précision. Il ne me faut que quelques minutes pour trouver plusieurs points faibles.

Alors que je vais riposter, une touffe noire surgit sur mon flanc, tentant de déloger mon agresseur. Je n'ai pas le temps de faire un mouvement vers lui que Ron l'envoi valdinguer à plus d'un mètre, sa tête heurtant le sol de pierre dans un bruit mat. Mon sang se glace, l'instant d'après le rouquin gémit, le foie écrasé par un coup bien placé, décuplé par ma colère noire.

Je me précipite et repousse tous les élèves qui s'étaient précipités sur le petit corps inconscient. Tous reculent devant mon air menaçant. Mon cœur se brise devant la vision du corps fluet, avachi sur le côté, à moitié sous un banc. Je lance un rapide diagnostic, si puissant que les membres d'Harry sont parcourus d'un petit frisson. Il n'y pas de commotion, mais une plaie ouverte à l'arrière du crâne. Je la referme rapidement et caresse doucement son visage.

Avec le plus grand soin, j'attrape mon précieux chargement, le calant au plus près de moi, comme une princesse endormie. Sentir sa chaleur contre moi et sa respiration lente dans mon cou me rassurent et apaisent mon âme tourmentée. Je pensais avoir échoué tout à l'heure mais le voir blessé de la sorte m'anéantit, comment pourrait-il encore avoir confiance en moi ? Je n'ai pas su le protéger. Je resserre mon étreinte et me tourne vers les gémissements douloureux. Mon ton est calme et glacial, tout en ma posture transpire la menace,

- Comment pourrait-il être en sécurité alors que tu ne sais pas faire la différence entre un ennemi et un enfant ?! Tu n'es qu'un crétin Weasley, ne t'avise même pas de l'approcher à nouveau ou je te jure que cette fois je t'achève.

Je ne fais pas plus attention aux élèves et sors d'un pas rapide en direction de l'infirmerie. Je suis partagé entre l'envie de courir comme jamais auparavant, sombrer dans l'inquiétude et la tristesse en me lamentant sur mon sort, faire demi tour et détruire la chose à l'origine de cette atroce angoisse qui me prend aux tripes lorsque que je regarde son doux visage dont les yeux restent fermés...

Si je n'écoutais que mon côté obscur, Weasley ne serait plus de ce monde, mais je dois prendre soin de Harry, et il reste, malgré tout, son meilleur ami. Je souris vicieusement en imaginant la réaction d'Hermione quand elle apprendra ce qu'il s'est passé, je sais qu'elle ne va pas tarder à débouler comme une furie pour vérifier l'état de son meilleur ami.

Granger peut vraiment être effrayante quand elle est en colère, je n'aimerais pas être à la place de Ronald. Je crie victoire intérieurement, je n'aurais même pas à me salir les mains. Il va se faire détruire par sa petite amie et quasi tout Poudlard, on ne touche pas à Potter, même si c'est pour frapper Malefoy. Et je pense qu'en plus de cela, je vais remonter dans l'estime des gens, même si ce n'était clairement pas mon intention, Il a vraiment pas deux noises de jugeote celui-là !

J'ouvre la porte de l'infirmerie et appelle madame Pomfresh. Lorsqu'elle sort de son bureau pour voir ce qu'il se passe encore, ses yeux s'ouvrent s'écarquillent alors qu'elle couvre sa bouche d'une main tremblante, dans la seconde qui suit, c'est le branlebas de combat, armée de sa baguette, elle jette toute une batterie de sort à Potter pendant que je lui raconte en détail ce qu'il s'est passé. Elle grimace à plusieurs reprises, intensément concentrée sur sa tâche, puis elle souffle tristement en secouant la tête. Elle borde le jeune garçon, toujours endormi, avant de me regarder, les yeux emplis de doute et d'un je-ne-sais-quoi qui m'angoisse et affole mon cœur.

- Mr Potter ira mieux demain, j'ai soigné ce qu'il restait mais vous aviez fait le plus gros, beau travail. J'ai malheureusement décelé autre chose ... Puisque que notre directrice a décidé de vous le confier et que vous êtes en quelque sorte son gardien, je me permets donc de vous mettre au courant. Le corps d'Harry est le même que lorsqu'il avait cet âge-là, et surtout dans le même état ... Je ne saurais comment le dire plus délicatement mais il a de nombreuses carences, il a également certainement subi une malnutrition et une sous nutrition sans compter les quelques traces de coups présentent sur les côtes et le bras droit. Je savais que son enfance n'avait pas été simple, mais là, ça dépasse ce que j'imaginais... Je vais vous donner plusieurs remèdes pour pallier à ses carences, vous devrez veiller à ce qu'il mange suffisamment également. J'ai déjà soigné toutes les blessures. Prenez soin de lui Mr Malefoy.

Je n'ai pas les mots, ma bouche est sèche et ma gorge serrée. J'hoche la tête, la nuque raide, les poings serrés. L'infirmière retourne dans ses appartements, me laissant seul avec Harry. Il me paraît si frêle et fragile, allongé dans ce grand lit aux draps blancs. Je m'assois sur le bord du lit, le dos contre le mur, comme un ange gardien au-dessus de sa tête. Mes doigts caressent doucement ses mèches corbeaux, dans un geste de réconfort,

- Je suis là Harry, je veille sur toi.

Je ne sais combien de temps passe, mais quand la porte de l'infirmerie s'ouvre et qu'un hoquet résonne non loin de moi, je sais que Grange est là. Je ne quitte pas le garçon des yeux, je sais que toute l'attention d'Hermione est fixée sur moi, dans l'expectative. Je soupire, résigné, il faut lui expliquer, aligner les mots pour former des phrases qui expliqueront ce que Pomfresh m'a appris tout à l'heure. J'ai déjà le cœur lourd rien que d'y penser, je me concentre sur la frimousse tranquille de Potter et me lance.

C'est difficile, parce que je me doute, j'en suis même persuadé, qu'Harry n'a jamais parlé, ou alors très vaguement, de son enfance dans sa famille moldue. Et j'ai presque l'impression de le trahir en le répétant, je sais que je me serais détesté à sa place, mais Hermione pourra peut être l'aider également, ou au moins être la pour lui. Je l'entends renifler, alors mes yeux lâchent un instant leur cible pour la détailler. Ses yeux sont rougis et ses joues ruissellent de larmes, mais la lueur dans ses iris ne trompe pas, elle pourrait broyer la famille moldue s'ils étaient devant elle.

Nous ne parlons pas plus, mais on se comprend d'un regard. Elle acquiesce et s'en va, refermant derrière elle et nous laissant seule à nouveau dans l'infirmerie. Il doit être assez tard, peut-être vingt-trois heures, et je suis épuisé. Je me débarrasse de ma cape et de mes chaussures,et m'allonge le plus doucement possible sur le lit, attirant avec une délicatesse infinie le petit corps endormi contre moi. Comme une barrière entre lui et le monde extérieur, je le protège de mon corps, l'entourant de mes bras, pour le préserver et peut-être, un peu je l'avoue, pour me rassurer. Il est en vie, il va bien, tout va bien aller maintenant. Les émotions qui s'agitent en moi depuis la Grande Salle s'apaisent lentement, au rythme des respirations profondes d'Harry, me tirant dans un demi-sommeil, je dois veiller sur lui.

Le placard sous l'escalierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant