Chapitre premier :

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Devant ce fameux hôtel aux lumières éblouissantes, un jeune homme brun, aux nombreux soucis pathétiques, s'arrêta alors brusquement pour prendre quelques secondes afin d'évacuer ses ressentiments et ses angoisses folles, il n'avait aucune envie de quoi que ce soit ce soir, mais il le fallait pourtant. Se mettre hâtivement en colère n'y changerait strictement rien. Il inspira ensuite et remua les épaules pour dénouer la tension de sa nuque robuste. Ce n'était clairement pas le moment d'avoir une quelconque migraine. Une bourrasque plus que glacée se rua dans l'habitacle dès qu'il ouvrit calmement la portière.

« Bonsoir, Monsieur. » le salua le voiturier d'un ton assez poli, les joues rougies par le froid d'hiver.

Eren lui tendit les clés, chassant d'un sourire les dernières traces de sa grande frustration.

« Merci. »

Il enfonça habilement son écharpe rouge dans son manteau. L'auvent protégeait les clients des chutes de neige qui balayaient la ville et les lampes chauffantes conjuraient le froid poignant. Janvier pouvait être un mois redoutable à Shiganshina mais depuis plusieurs années qu'il vivait dans la région des centaines d'oiseaux, Eren s'était habitué. Se plaindre du froid était alors tout aussi inutile que se lamenter sur son boulot grotesque.

Cet hôtel lui était familier, étant le préféré de l'un de ses clients réguliers. Suffisamment vaste pour y passer inaperçu et suffisamment classe pour que la discrétion soit de mise même si le personnel se doutait de quelque chose. Preuve que l'argent pouvait tout acheter, y compris le respect de la vie privée. Le brun traversa l'élégant hall en direction des ascenseurs luxueux et charmants, les mains dans les poches de son manteau. Un léger coup d'œil aux glaces qui tapissaient les murs l'informa qu'il était à son avantage. Il appela l'un de ces derniers et mit à profit l'attente pour envoyer un texto de confirmation d'arrivée à l'agence. Il fit dérouler ses messages, vérifia le numéro de la chambre, bascula la sonnerie en mode silencieux et glissa son téléphone dans sa poche intérieure tandis que les parois s'ouvraient à lui.

Il y avait plus de trois ans qu'il ne s'était pas rendu à un rendez-vous à l'aveugle mais c'était loin d'être une première pour autant. Cependant, l'anxiété lui nouait douloureusement le ventre. Son client était un inconnu, ce qui signifiait que la soirée serait aussi mystérieuse. Normalement il savait très exactement à quoi s'attendre avec chacun de ses clients, seulement ce soir il était face à un écran noir qui pouvait s'éclairer sur n'importe quelle situation. Cela dit, le suspens n'était pas dépourvu d'une grande excitation, le confondant alors.

Il souffla une énième fois, ajusta son col et profita de ce dernier instant de répit pour se mettre dans l'humeur dragueuse. En général, il réussissait à décrypter un client en quelques secondes. Tenue vestimentaire, nervosité, désordre dans la chambre, premiers mots échangés... c'était son job de s'adapter instantanément à chaque situation.

Peu de personnes avaient conscience de la lourde charge de travail et du défi important que représentait son métier. Il ne s'était pas hissé au summum de la profession en livrant des prestations vaguement standard. Tout l'art consistait à deviner ce que chaque client désirait qu'il soit... timide, arrogant, soumis, silencieux, bruyant... puis à se glisser dans le parfait personnage, le fantasme devenant une réalité, mais pour parvenir à ce résultat, il devait s'investir dans son rôle. Il n'y avait pas de place pour les problèmes personnels. Il réglerait ça plus tard.

Le fait que le client ait insisté pour que ce soit Eren et non un autre laissait penser qu'il lui avait été recommandé par quelqu'un... par qui ? Aucun de ses clients réguliers ne lui avait soufflé quoi que ce soit, et l'agence ne lui avait livré aucune information exacte, à supposer qu'ils sachent quelque chose même de lui. Le choix de l'hôtel indiquait que son client avait une aisance financière mais ne révélait rien sur sa personnalité, son physique ou bien même ses goûts. Les parois de l'ascenseur s'ouvrirent définitivement sur un couloir décoré d'une moquette bronze. Le jeune homme glissa une pastille de menthe sous sa langue voluptueuse tout en jetant un rapide coup d'œil aux numéros des chambres avant de marcher vers sa destination.

Sous ton emprise... Où les histoires vivent. Découvrez maintenant