Chapitre 18

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                                               ROMAN

  

    Trois mois paraissent un temps suffisant pour oublier une relation qui ne durait que depuis 5 mois. Cinq mois qui ne sont rien pour des jeunes de vingt ans, mais qui représentent presque une vie pour moi. Si on pouvait appeler ça une relation. Mais cela se complique un peu quand la personne que tu veux oublier travaille coude à coude avec toi plus de 10 heures par jour.

    La routine dans le restaurant se fait plus compliquée à diriger. Lucas et moi devons nous coordonner pour mille tâches, commenter les menus, et nous occuper du reste du personnel.

    Nous travaillons coude à coude, mais sans nous toucher un doigt. Le reste de nos corps, encore moins. Chaque fois que nous nous croisons au détour d'un couloir étroit, nous semblons vouloir nous fondre avec les murs pour ne pas nous frôler. Se croiser au vestiaire serait encore le pire. Depuis le premier jour, nous nous arrangeons pour n'y entrer que l'un après l'autre. Pour ne même pas voir apparaître un morceau de peau. J'ai mal quand je vois ses bras qui bougent entre les brûleurs ou quand il donne les dernières touches aux plats. J'ai mal, parce que ces bras sont ceux qui m'enlaçaient, ces mains, celles qui me touchaient et qu'il agit comme si entre nous, il n'y avait jamais rien eu.

    Jusqu'à il y a 2 mois, mon jour préféré était le dimanche. Lucas et moi avions la soirée libre jusqu'au mardi midi. Alors ce jour-là était le moment idéal pour passer beaucoup de temps ensemble. Ces moments, je les regrette beaucoup plus que je ne l'avais imaginé. Surtout, nos conversations, ces moments volés pendant lesquels nous nous racontions les anecdotes de notre passé. Les bons comme les mauvais moments, sans oser visualiser un futur.

    Aujourd'hui c'est dimanche. Je sais déjà que la prochaine journée et demie qui se profile je la passerais enfermé chez moi à lire ou à sortir un petit moment en promenade avec Alba pour éviter qu'elle ne devienne trop embêtante.

    Sauf, si je fais quelque chose pour remédier à la situation, bien sûr. À condition qu'il veuille bien m'écouter.

    Les pas de Julien, le dernier cuisinier à partir du restaurant résonnent sur le dallage de la cuisine. Ou du moins, il me semble, parce que ça fait un moment que je traîne depuis qu'il a commencé à ramasser ses affaires. J'arrête de faire semblant de nettoyer le plan de travail en zinc et me tourne discrètement pour m'assurer que Lucas et moi sommes seuls.

    Je le vois au fond de la cuisine, occupé à faire l'inventaire de denrées que nous devrons commander à la fin de la semaine. Je suis presque sûr qu'il n'a pas percuté qu'il ne reste plus que moi. Je m'approche de lui tentant d'afficher un air sûr de moi.

    Il lève la tête quand je me tiens à peine à deux pas de lui, et la surprise se reflète dans ses yeux. Nous ne nous sommes plus parlé en dehors des questions professionnelles. Cela fait trop longtemps, et quelque chose me dit à l'intérieur de moi qu'il a autant envie que moi que ça change.

— Ils sont tous partis ?

— Oui.

— Tu n'as pas terminé ? Me demande-t-il comme si ma présence lui était indifférente. Mais je n'y crois pas.

— Avec le travail si !

— Alors, pars, me demande-t-il d'un air dédaigneux.

— Non ! je ne vais pas partir encore. J'avance et me pousse bien contre lui.

— Qu'est-ce que tu veux Roman ?

— La même chose que toi, j'affirme prenant mon courage à deux mains.

L'Aube de ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant