Chapitre 4

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4 - ELLE ET MOI

    J'ai repris le travail 3 semaines après sa naissance. Je n'ai pas eu d'autre choix. Il m'a fallu ce laps de temps pour prendre tant bien que mal les choses en main, prendre mes marques de ma nouvelle vie de père, avant de retrouver mon univers. Celui qui faisait mon quotidien avant elle, mes employés et mon entreprise que je ne pouvais pas laisser plus longtemps aux mains de mon associé sans y apporter ma contribution. Evan m'a pourtant assuré que je pouvais rester plus longtemps chez moi, mais j'ai préféré me remettre dans le bain tout de suite. Bianca a signé les papiers me laissant la garde exclusive de notre enfant. Je ne sais même pas si elle a quitté Paris, et pour être franc, je m'en contrefous.

    Un foulard devant le nez et attaché derrière la tête, je me prépare à changer le petit monstre qui gigote sur la table à langer. Alba va avoir trois mois. Trois mois merveilleux, mais compliqués.

    Les premiers jours, j'étais paniqué, me précipitant au moindre pleur, au moindre couinement, allant jusqu'à dormir sur le fauteuil à bascule. J'avais mal au dos, et j'étais épuisé par le manque de sommeil et la peur de mal faire. Paul est venu plusieurs fois, mais à part glousser comme un idiot, il ne m'a pas été d'un grand secours. Donc, je me suis débrouillé tout seul. Et pas si mal que ça finalement.

    Je nettoie ses fesses roses, mais badigeonnées de choses que je n'arrive pas à décrire. Ça, c'est le pire ! Je ne crois pas être capable de m'y habituer un jour. Qu'est-ce que ça pue, bon sang ! Je me demande comment un être aussi petit et qui mange aussi peu peut faire ça dans sa couche jusqu'à quatre fois par jour. Pfff !

    Elle me regarde, avec ses grands yeux bleus marine et je fonds, un sourire étire mes lèvres. Elle est magnifique, et sans exagérer, je peux déjà vous certifier que c'est le plus beau bébé du monde. Je m'empresse de fixer sa couche, lui enfile un body en la relevant précautionneusement, pour la caler contre ma poitrine. Je caresse de la paume de la main le duvet doux qui recouvre sa tête et je dépose une pluie de baisers sur son crâne et sa joue potelée. Son odeur m'enivre. Jamais je n'aurais pensé que l'odeur d'un bébé pouvait rendre accro. Ma fille m'a rendu accro à son odeur. Son petit corps chaud d'une douceur incomparable est devenu mon doudou à moi. Quelque chose de nouveau, de difficilement, explicable, car je n'ai pas de mots pour exprimer le déferlement de tendresse qui m'enveloppe depuis qu'elle a envahi mon univers.

    Je l'installe face à moi, sur mes genoux, et comme chaque matin, je la bouffe des yeux, me demandant s'il va être possible d'aimer plus que ça un jour !

    Ses petites lèvres roses esquissent une grimace improbable, son petit nez se plisse, une tentative de pleur s'échappe de sa gorge. J'ai envie de rire. Elle m'inspire toutes sortes d'émotions, toutes plus contradictoires les unes que les autres, un l'amour incommensurable, une tendresse infinie, mais aussi, une appréhension qui ne me quitte pas. Elle est tellement minuscule, tellement fragile, que la peur de lui faire mal ou de louper quelque chose m'envahit.

    Je finis de l'habiller avant de l'installer dans le cosy et d'accrocher à mon épaule le sac à langer dans lequel j'ai engouffré tellement de choses que j'ai du mal à le porter. Je dois la déposer à la crèche avant d'aller travailler. Mon train de vie devient de plus en plus difficile à assumer. Et je réfléchis sérieusement à ce que j'avais prévu quelques mois avant sa naissance, revendre mes parts de la société à Evan, et faire autre chose. Il n'est jamais trop tard pour repartir de zéro. En attendant, je dois la déposer dans la seule crèche qui avait une place disponible à l'opposé du quartier où se trouve ma société. Autant vous dire que c'est la course tous les matins.

    Quelques jours plus tard...

    Je me réveille en sursaut. Je regarde le réveil qui affiche neuf heures du matin. Je fais un bond dans mon lit, et me dirige vers la chambre de ma fille en panique. Alba ne s'est pas réveillée de la nuit pour réclamer son biberon. Elle ne fait toujours pas ses nuits.

    Je pousse la porte entrebâillée et m'approche du petit lit. Je la regarde, avant de m'approcher pour écouter sa respiration. Sa poitrine recouverte du petit pyjama jaune avec une tête de lapin se soulève. Je respire soulagé. Mais en y regardant de plus près, je constate que ses joues sont rouges et ses lèvres et le bas de son visage plutôt bleus. La panique m'envahit, me percute aussi sûrement qu'un trente-huit tonnes qui me passerait dessus. J'avance ma main pour la secouer doucement en l'appelant. Elle respire, mais ne réagit pas.

    En panique totale, je sors de la chambre pour prendre mon téléphone, et appeler le 15.

     L'attente est insoutenable. Je reste au téléphone avec le médecin qui me demande de la mettre en position de sécurité. Je suis les instructions le cœur au bord des lèvres. Priant tous les Dieux et les saints dont j'ai entendu parler. C'est quand des coups sont frappés à la porte de mon appartement que je me précipite pour ouvrir.

— Le Samu est arrivé ? me demande le médecin à l'autre bout du combiné.

— Oui, ils sont là.

— Très bien, raccrochez et ne vous inquiétez pas, la petite est entre de bonnes mains.

— Merci, réponds-je les larmes aux yeux.

    Le médecin avance vers la chambre, sacoche en main, accompagné de deux infirmiers. L'un d'entre eux pose une main sur mon épaule en signe de réconfort avant de les rejoindre. Je ne capte rien. J'ai froid. Mon sang est figé dans mes veines.

    Je suis né il y a quelques jours, et aujourd'hui j'ai l'impression de mourir.

    Alba a été très malade, mais a été bien soignée. Une simple surveillance sera nécessaire. La cause ? Une insuffisance cardiaque. Un trou entre les deux ventricules qu'il a fallu refermer. Certainement dû aux excès que sa mère a faits pendant sa grossesse. Je ne peux pas lui en vouloir d'avoir continué à se comporter comme une personne qui attendait un enfant, car elle ne le savait pas. À peine 3 mois après être rentré de la maternité avec ma fille sous le bras, elle a été hospitalisée dans une unité de l'hôpital Necker. Elle est restée deux semaines en réanimation cardiaque branchée de partout et 15 jours supplémentaires en réanimation. J'en tremble encore aujourd'hui. Quand je vois la vie et l'énergie qui l'habite, je ne peux m'empêcher de penser aux parents qui ont perdu un enfant. Mon Dieu comme ça doit être difficile.

    J'ai fait des aller-retour tous les jours, mais impossible de la voir plus de 30 minutes, et ce, habillé comme un scaphandrier. Je me demande constamment ce que l'avenir me réserve. Et je dois l'avouer, elle est la plus belle chose que la vie m'ait offerte, mais je vis dans la terreur. Une peur panique. J'ai donc installé son petit lit dans ma chambre depuis qu'elle est rentrée de l'hôpital et je ne dors plus du tout.

    Dans quelques semaines, nous allons prendre un nouveau départ tous les deux. Devant l'insistance d'Alice et de Paul, j'ai décidé de m'installer dans ma maison de Gerberoy. À Paris, malgré les commodités, rien ne me semble évident. Je ne veux pas que ma petite vive au milieu de la pollution. De cette façon, je peux me rendre à mon bureau de bonne heure, et rentrer le soir plus tôt. La nounou qui s'est occupée d'Emy a accepté de la garder. Je pourrais la laisser à Alice qui la déposera chez elle un peu plus tard. Donc, mon emploi du temps semble plus ou moins résolu. Je veux qu'elle vive entourée de personnes qui prendront soin d'elle s'il m'arrivait quelque chose. 

L'Aube de ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant