Chapitre 12

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                            ROMAN

    J'ouvre la porte, la boule à l'estomac. J'ai invité Lucas à dîner, demain c'est lundi, et nous ne travaillons pas, alors j'ai intérêt d'assurer parce que je suis loin d'être aussi bon cuisinier que lui. J'espérais juste qu'il accepterait mon invitation.

    Je sais que j'ai mal agi cet après-midi. Alors je suis reparti chez lui et voyant qu'il dormait sur le canapé, j'ai laissé un mot sur la table basse. Juste à côté de la bouteille de whisky. Je m'en veux, mais je ne sais pas comment le freiner sans le blesser. Peut-être que justement, ce qui m'atterre un peu c'est que je ne souhaite pas qu'il change d'attitude envers moi. Il recule un peu en entendant le bruit de la poignet. Et j'oublie de respirer quelques secondes.

    Je le regarde avec plus d'intensité que je ne le devrais. Avec cette sensation oppressante dans la poitrine qui me crie de le mémoriser pour pouvoir me souvenir de lui quand arrivera le moment de lui dire adieu. Je m'accroche à l'angoisse qui n'a jamais réellement disparu depuis que Tristan est parti. J'étudie encore une fois ses cheveux qui tombent librement sur ses épaules.

    Je reste devant lui sans bouger comme un imbécile autant qu'il me le permet.

    Ma main se lève machinalement et promène mon pouce dans le creux de son menton. Je lève l'index pour dessiner la ligne courbe qui apparaît à la commissure de ses lèvres. Un sourire illumine son visage et le remplit de ridules autour de ses yeux.

    Il mord mon doigt en riant de mon attitude. Cela ne m'étonne pas, je ne lui ai même pas laissé le temps d'entrer avant de commencer à l'explorer.

    Avant de me mettre de côté pour le laisser enfin passer, je me surprends mentalement à compter quelques grains de beauté qui se promènent sur son nez.

— Qu'est-ce que tu as ?

— Rien. Parfois, je suis surpris par ton physique, c'est tout. Tu m'en veux pour ce que je t'ai dit tout à l'heure ?

— Non, j'ai déjà oublié. Viens ici, ça fait trop longtemps que je ne t'ai pas embrassé.

    Ça me soulage d'entendre ça. Il pose ses lèvres sur les miennes, et bon sang, je ne sais pas comment décrire la sensation qui me submerge. Je réponds à son baiser, ignorant la petite voix qui me dit dans ma tête que le problème est qu'il me plait plus que de raison. J'aime autant le goût de ses lèvres que celle de son corps nu contre le mien.

    Deux simples amis ne devraient pas se sentir comme ça.

— Alors ce bar ?

    Il me regarde en haussant un sourcil, me présentant l'expression rieuse de ses yeux. Celui qu'il arbore de plus en plus souvent. Sans lui répondre, je regarde vers la cuisine et courbe un peu les épaules avant de me lever pour aller regarder à travers la vitre du four. Il ouvre un peu et recule surpris par la vague de vapeur. Je lâche un petit rire.

— Je ne sais pas, il y a une croûte énorme de sel qui devient à peine marron.

    Je n'ai jamais été aussi nerveux de ma vie. J'ai l'air d'un débutant. Je cuisine pour un homme qui a fait ses preuves dans un grand restaurant de Cannes. J'ai de quoi paniquer. Mais il n'y a pas que ça.

— OK, elle est cuite alors. Sors le plat du four et pose-le sur la vitro, s'il te plait. Et mets les gants, me prévient-il.

— Eh, je ne suis pas idiot quand même !

    Je commence à lâcher un rire bas, essayant qu'il ne m'entende pas trop. On ne sait jamais s'il se sent offensé.

— Il faut attendre que cela refroidisse bien pour enlever la couche de sel. Qu'est-ce que je peux faire en attendant ?

L'Aube de ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant