Ce matin, c'est mon tour d'emmener les filles à l'école. Alice a déposé le bébé chez la nounou, et Paul est parti travailler très tôt à Paris, mais à partir de ce soir, il prend une semaine de vacances pour les fêtes de la Toussaint. Demain, ils partent quelques jours chez les parents d'Alice qui ont une ferme en Bretagne. Tout devrait pouvoir se gérer sans elle au restaurant. Et ils emmènent Alba avec eux. Je ne sais pas si je vais être capable de la laisser partir. Ce n'est pas la première fois qu'elle les accompagne, mais pour moi, six jours sans la voir, c'est trop.
Je dépose Emy à une rue du collège. Jusqu'au CM2, elle acceptait qu'on l'accompagne jusqu'à l'entrée de la cour. Maintenant, c'est une grande, donc il ne faut surtout pas que ses camarades la voient en compagnie d'adultes.
— Pourquoi toutes les voitures font "tut tut" ?
— Parce que je crois que je gêne Alba !
Je suis passablement irrité aujourd'hui. Je me suis endormi sur le canapé et je n'ai même pas eu le temps de prendre ma douche. Tant pis, je me laverais en rentrant. Je m'arrête à plusieurs reprises pour laisser traverser les piétons. Celui qui me suit de près en moto a l'air bien énervé d'ailleurs. Je l'observe dans le rétroviseur. À l'expression de ses yeux et aux mouvements de sa tête sous la visière relevée de son casque, je vois qu'il marmonne des paroles qu'il vaut peut-être mieux que je n'entende pas. Il est collé à l'arrière de ma voiture comme s'il voulait me pousser pour que j'aille plus vite.
Je me gare en double file, car le parking est plein et vu l'heure, je n'ai pas le choix. Je regarde stupéfait la moto qui me suivait. Lucas en descend et se gare juste derrière moi. Il descend, pose son casque sur le siège de la Triumph et avance dans ma direction.
— Tu as eu ton permis dans une boîte de Bonux ou quoi ?
Alba qui est installée sur le siège-auto à l'arrière regarde arriver l'acariâtre en lui souriant. Ce type est vraiment bizarre. Il m'a invité à boire une bière la semaine dernière et s'est montré d'agréable compagnie. Ce matin, il se comporte comme un homme de Cro-Magnon. Il ne faut pas me chercher, ma patience a des limites.
Parce que ce matin, mademoiselle a décidé que les vêtements que j'avais préparés pour elle la veille ne lui convenaient plus. Elle m'a eu à l'usure, évidemment.
Du coup, elle porte un slim violet avec des dessins de Mickey et un pull à paillettes rouge avec ses baskets bleus qui s'illuminent au niveau de la semelle à chaque pas qu'elle fait. Tout est dépareillé. Le ridicule ne tue pas ! sauf, que je me suis certain que les commères devant l'école ne vont pas se gêner pour faire des messes basses, du genre. "Oh mon Dieu ! comment a-t-il pu accorder les vêtements de la pauvre petite avec des couleurs pareilles" !
Je vais leur laisser Alba quelques jours et elles verront bien qui est à plaindre !
— Qu'est-ce que tu as à reprocher à une lessive qui lave très bien d'ailleurs ?
— Tu te moques de moi en plus ? siffle-t-il d'un air renfrogné.
À mon avis, il n'a pas pris son café ce matin.
— Tu m'excuseras, mais je suis légèrement en retard pour déposer ma fille à l'école ! Je n'ai pas le temps pour des fadaises !
— Tu n'avais pas à laisser traverser tous ces gens ! j'ai rendez-vous chez le dentiste et moi aussi je suis en retard maintenant !
Je sors Alba de la voiture qui lui adresse un sourire qu'il lui rend. Il se permet même de lui caresser la tête. Ma fille est traître. Il a dû lui refiler des bonbons.

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L'Aube de ma vie
Roman d'amourA 52 ans, normalement, rien ne prédestine un homme à devenir papa... Et pourtant... Quand la femme avec laquelle il n'a passé qu'une seule nuit, l'appelle huit mois plus tard et lui annonce qu'elle est enceinte, dans la tête de Roman, c'est un cauch...