Le Chef
Avec le mois d'octobre, la tranquillité revient au restaurant. Après un mois et demi d'un travail fou et des heures supplémentaires à la pelle, nous avons repris un rythme normal. Finalement, je ne regrette pas d'avoir changé de métier. Alba est heureuse, va à l'école du village et part en vacances un mois l'été avec Alice. Là où j'ai eu du mal à gérer notre vie à la maison et mon nouveau cadre de travail, le reste suit son cours de la meilleure des façons. Elle passe beaucoup de temps chez Paul et Alice. Emy, qui a 11 ans maintenant, l'adore et moi, je suis heureux. Même Lucas Leroy semble s'être calmé avec le personnel en cuisine. C'est plutôt curieux, il me fiche une paix royale, et me rend nerveux en même temps.
- Vincent !
En parlant du roi de Rome... !
- Oui ? réponds-je en levant mes yeux de la découpe des légumes.
- Tu pourrais rester un peu cet après-midi ? J'aimerais te faire goûter quelques plats que j'ai retravaillés.
- Oui bien entendu, réponds-je.
Les heures passent lentement dans le service, il n'y a pas grand monde au restaurant ce midi, mais suffisamment pour savoir que la journée n'est pas terminée pour autant. Mes collègues débauchent les uns après les autres quand je vois Lucas sortir des ingrédients du frigidaire, des planches à découper et des ustensiles.
Après des heures à cuisiner, la dernière chose qu'il devrait avoir envie de faire c'est de continuer. Ce type n'en a jamais assez, mais j'avoue que cela ne me dérange pas non plus. Je suis habitué à me lever le matin très tôt. Je prépare un petit déjeuner complet pour ma fille et moi, je viens travailler pour le service du midi, ensuite je repars chez moi préparer le dîner et reviens encore au restaurant finir la journée. Je n'ai qu'une seule exigence. Après le grand rush des mois d'été, je tiens à rentrer à la maison sans m'attarder. Je dois encore m'occuper de ma fille après le service.
Mais aujourd'hui, exceptionnellement, je peux faire un effort.
- Je pense que nous avons de plus en plus de clients qui veulent manger sain, commence-t-il. Les options des menus diététiques se limitent au poulet à la plancha au poisson et quelques salades très peu travaillées. Les végétariens et les végans ont peu de choix.
- Je suis d'accord. Tu as quelques recettes en vue ?
- Non, j'ai pensé aux ingrédients et à quelques techniques que j'aimerais essayer, mais je voulais voir ça avec toi.
- Ah bon ? m'exclamai-je un peu surpris. Enfin... très surpris.
- Oui, bien sûr !
Il appuie sa hanche contre le plan de travail, alors qu'il passe la main sur sa barbe en me regardant avec un demi-sourire.
- Eh bien, je ne sais pas, je suis nouveau en cuisine moi ! je me suis recyclé très tard. Je pensais que tu ne me prendrais pas au sérieux.
- Tu es aussi mon second. Tu as commencé tard, mais tu es encore jeune. Moi aussi je l'ai été un jour. Être jeune, ça se soigne avec le temps.
Il sourit et j'observe ses dents parfaites qui semblent briller au milieu de sa barbe poivre et sel.
- Ce n'est pas comme si tu avais 70 ans non plus ! je lance. Tu as quoi ? 65 ?
- Je vais essayer d'oublier ce que tu viens de dire. J'en ai 58 ! Répond-il d'un ton moqueur qui me laisse à penser que pendant les heures de travail, il maintient la façade stricte et impersonnelle du chef, mais que pendant son temps libre, il est tout autrement.
- Tu vois ? Il n'y a aucun vieux dans cette cuisine.
Je lâche ça et je souris. J'ai l'impression que nous avons un peu oublié le thème des recettes saines.
- Tu en as combien toi ? 50, non ?
J'éclate de rire. Même si ça me fait plaisir.
- Non, 56, et plein de responsabilités. Mais je me porte mieux aujourd'hui que six ans en arrière.
- Très bien, occupons-nous de ces recettes alors. Et... Roman... je te prends au sérieux. C'est courageux d'avoir changé de voie à ton âge.
Il me regarde fixement en m'adressant le dernier commentaire. Avant que je ne puisse enregistrer totalement la teneur de l'enveloppe (son regard, ses paroles, et le ton général de la conversation) il a pivoté vers le piano et commence à préparer les poêles.
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L'Aube de ma vie
RomanceA 52 ans, normalement, rien ne prédestine un homme à devenir papa... Et pourtant... Quand la femme avec laquelle il n'a passé qu'une seule nuit, l'appelle huit mois plus tard et lui annonce qu'elle est enceinte, dans la tête de Roman, c'est un cauch...