Crèche

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Cette fois, quand Drago arriva dans les toilettes des filles pour s'isoler, il découvrit que l'endroit n'était pas désert. Il eut un moment d'hésitation, mais c'était Potter, alors il entra. Il était prêt à quitter les lieux au moindre reproche, sans chercher à entamer une dispute comme il le faisait encore quelques mois plus tôt.

Mais bien évidemment, Potter ne sembla pas gêné par son arrivée. Il l'accueillit avec un sourire un peu étrange, un peu hésitant, que Drago n'arriva pas à décrypter. C'était frustrant qu'après des années à connaître le Gryffondor aussi bien que lui-même, à pouvoir déterminer chacune de ses émotions, à savoir le faire réagir comme personne, il se révélait incapable de le comprendre alors même qu'ils devenaient plus proches.

En silence, Drago se rendit jusqu'aux lavabos et ouvrit le robinet pour se passer de l'eau fraîche sur le visage. Il évita soigneusement de regarder son reflet dans le miroir. Lui autrefois si préoccupé par son apparence physique savait pertinemment l'apparence qu'il avait, avec ses cernes sombres et ses joues creusées. La culpabilité le dévorait de l'intérieur.

Le brun ne le quitta pas des yeux, l'observant avec attention en silence, jusqu'à ce que Drago ne se laisse tomber assis face à lui.
- Un problème Potter ?
Le brun força un sourire sur ses lèvres et détourna le regard. Drago nota immédiatement que le vert de ses yeux était plus terne, comme éteint, et il s'en inquiéta immédiatement. Bien évidemment, il se justifia en lui-même immédiatement : si Potter n'allait pas bien il ne pourrait plus l'aider...
- Juste fatigué.

Drago ne crut pas un seul instant en l'excuse. Il ricana.
- C'est marrant, c'est aussi ce que je répond quand on me pose cette question.
Leurs yeux se croisèrent et s'accrochèrent, et finalement, Potter finit par abdiquer, avec un léger gloussement.
- Méfies-toi, je vais finir par penser que tu t'inquiètes pour moi...
Drago renifla, et prit son ton le plus prétentieux, forçant volontairement le trait.
- Bien évidemment. Tu es sensé t'occuper de moi, Oh Grand Sauveur.
Le gloussement retentit de nouveau, plus naturel, et le Gryffondor ferma les yeux, brisant le contact visuel.
- J'ai peur d'échouer.


Le Serpentard se redressa brusquement, et se pencha vers son camarade, les yeux plissés.
- Tu ne vas pas échouer Potter. Depuis que je te connais, il n'y a pas une seule fois où tu as perdu !
Un soupir douloureux lui répondit, et la voix du brun était brisée quand il répondit.
- Si. J'ai tué mon parrain. Mes parents sont morts. Bordel... même Cédric Diggory m'a suivi et il est mort !

Drago se glissa jusqu'au Sauveur démoralisé, et attrapa ses joues entre ses mains glacées pour le forcer à le regarder. Une fois certain qu'il avait toute l'attention du rouge et or, il articula, sans cacher sa colère.
- Tu n'as tué personne ! Tes parents ont fait ce qu'il fallait pour te protéger tout comme ton parrain. Et Diggory... Bon sang, qui aurait pu penser que tu battrais tous les champions alors que tu étais le plus jeune et le moins préparé à tout ce bordel ? Tu as été magistral et tu as survécu Potter. Tu aurais pu être celui qui... - la gorge de Drago se serra et il laissa sa phrase en suspens, se contentant de maintenir sa prise sur les joues du jeune homme face à lui.

Harry Potter le fixait, mais il semblait perdu dans un océan de tristesse, exposant ses doutes et ses peurs face au Serpentard.
- Survivre... c'est ce que je fais de mieux n'est-ce-pas ? Mais ce n'est pas suffisant.
- J'ai confiance en toi, Potter.
Les mots étaient sortis tout seuls, mais Drago se rendit compte sans vraiment en être surpris qu'il était pleinement sincère. Il aurait pu être gêné de son aveu, mais les yeux verts brillaient de nouveau, et c'était tout ce qui comptait.
Le Serpentard relâcha doucement sa prise sur le visage du Gryffondor, faisant glisser ses doigts sur les joues encore glabres en une caresse à peine esquissée. Potter frémit, mais ne dit pas le moindre mot. Drago s'installa près de lui, le collant un peu plus que nécessaire, recherchant le contact. Puis, il demanda la première chose qui lui passait par la tête.
- C'était comment, Noël chez les moldus ?

Potter eut un rire incrédule et Drago se tendit, persuadé qu'il allait recevoir une pique moqueuse ou être rembarré. Mais finalement, le Gryffondor inspira lentement.
- Pas vraiment différent en fait. Mon oncle et ma tante décoraient la maison, sauf que c'était loin d'être aussi joli qu'ici. C'était plus... un entassement d'objets tape à l'œil. Il en fallait toujours plus, parce qu'ils voulaient pouvoir dire qu'ils avaient les décorations les plus somptueuses du quartier. Il y avait un sapin, mais ce n'était pas un vrai, parce que Tante Pétunia avait horreur des épines qui tombaient. Alors elle avait acheté un de ces sapins en plastique, qui ne sentent rien et qui sont ridicules comparés aux arbres de Poudlard.

Drago hocha la tête, essayant de s'imaginer la scène. Cependant, Potter s'était plongé dans ses pensées et il reprit après un moment de silence.
- Cependant, moi ce que je préférais, c'était la crèche. Quand j'étais petit, je pensais que c'était ça le bonheur familial, parce qu'ils étaient ensemble même en étant dans une étable.
- Et les gâteaux ? Ils sont aussi bons que les recettes sorcières ?
Potter détourna les yeux, gêné, et il rougit légèrement.
- Je... Euh... je n'y ai jamais goûté.
Le silence s'étira, lourd, et Drago chuchota.
- Tu n'as pas vraiment eu une enfance heureuse, n'est-ce-pas ?

Le brun se passa une main nerveuse dans les cheveux, et Drago dut se faire violence pour ne pas le recoiffer immédiatement.
- C'était... enfin. Mon oncle et ma tante n'aiment pas...

Le Gryffondor s'interrompit soudain, et soupira en haussant les épaules. Drago n'avait pas besoin de plus pour comprendre que le Sauveur n'avait pas été un enfant très heureux contrairement à ce que la plupart du monde magique imaginait.
- Peu importe. Les Noël à Poudlard sont bien plus agréables. La Magie fait des choses merveilleuses, et je crois que je ne pourrais jamais m'en passer.
Drago gloussa, et il lui adressa un clin d'œil, oubliant soudain tout ce qui n'allait pas dans sa vie.
- Quand tout ça sera terminé, il faudra que je te montre le sapin du Manoir Malefoy. Je pense que tu devrais l'aimer, si tu trouves la Magie de Noël merveilleuse.

Cette fois, les émeraudes scintillèrent de mille feux, et Potter l'enlaça maladroitement, se contorsionnant en souriant.
- Merci.

Quand il ne reste que l'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant