Neige

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Silencieux et solitaire, Drago Malefoy se tenait dans la tour d'Astronomie, et il regardait la neige tomber dans la nuit. Cette année, ils auraient un Noël blanc, probablement. Le genre de Noël qu'il aimait. Avant.
Noël approchait à grands pas, mais cette année, les fêtes de fin d'année ne lui apporteraient aucune joie.

Il soupira et regarda son haleine former un nuage de buée, perdu dans ses pensées. Puis, il frissonna et frotta son bras gauche, amer.

Finalement, il avait pris la marque. Il n'avait pas eu le choix : son père étant à Azkaban, il n'avait eu aucun autre moyen pour protéger sa mère.
Bien sûr, il ne pouvait pas nier qu'il l'avait appelée de ses vœux cette marque. Avant de savoir, avant de comprendre.

Quand il était enfant, il l'avait vue comme un motif de fierté sur le bras de son père. Ce dernier après tout se battait pour le monde magique. Pour leurs traditions, contre les moldus ignobles qui détruisaient tout. Il n'avait que l'opinion de ses parents pour se faire une idée, puisqu'il ne quittait que rarement le Manoir familial.
Il avait idéalisé la guerre, parce qu'il ne l'avait jamais vraiment connue. Sans compter que ses parents n'avaient jamais caché leur allégeance aux Ténèbres.

Lors de son arrivée à Poudlard, il avait rencontré Harry Potter. Le garçon qui avait vaincu le Seigneur des Ténèbres que servait son père.
A cette époque, Drago ne savait plus trop ce qu'il devait penser. Il n'aimait pas les moldus et nés de moldus, mais il allait être amené à les côtoyer à Poudlard. Son parrain lui avait conseillé de se faire sa propre opinion, et le jeune homme avait trouvé le conseil judicieux.
Il avait tendu la main à Potter, persuadé qu'une alliance avec le sauveur ne pourrait qu'être positive pour lui, pour sa famille. Mais l'idiot l'avait rejeté, et Drago avait été terriblement vexé.

Il avait été vexé au point de débuter une guerre enfantine mais acharnée contre le garçon qui avait survécu. Ils s'étaient opposés avec passion, sans jamais fléchir, réagissant violemment à la présence de l'autre.
Drago était jaloux de l'attention que le balafré obtenait, juste par sa présence. Il était jaloux que le garçon lui ait préféré la compagnie d'un misérable Weasley et le la Miss-je-sais-tout sang-de-bourbe.
Il était aussi jaloux qu'à chaque fois qu'il rentrait au Manoir, les premiers mots de son père étaient pour demander ce que le Sauveur avait fait. Comment il travaillait, qui étaient ses amis. Potter était la première préoccupation de son père et ce dernier restait un long moment pensif, les sourcils froncés, avant de hocher la tête et de se souvenir qu'il avait un fils.


Et voilà qu'il l'avait enfin obtenue cette marque. Il avait gravé dans sa chair son opposition à Potter.

Il avait hurlé sous la brûlure, il avait senti les larmes couler sur ses joues alors que le Seigneur des Ténèbres le liait à lui, et Drago avait reçu ses ordres dans une sorte de brouillard hébété. Il n'était pas encore majeur, et voilà qu'il avait pour ordre de tuer un homme et de mettre en danger tous ses camarades.
Fièrement, il avait hoché la tête - son éducation lui avait appris à ne jamais montrer ses sentiments - mais une fois seul, il avait vomi et sangloté, regrettant déjà ses choix.

Il était revenu à Poudlard, oscillant entre rage et désespoir.

Toute sa colère s'était cristallisée sur Potter, surtout lorsqu'il avait croisé le regard vert. Ils s'étaient fixés, longuement, et Drago avait compris.
D'une manière ou d'une autre, Potter savait. Ce fichu balafré avait deviné ce qu'il avait fait, et il avait le pouvoir de briser sa vie, et de provoquer la mort de ses parents. Il n'avait qu'un mot à dire à Dumbledore, et le vieil homme le croirait aveuglément.

Cet idiot de Gryffondor le suivait à la trace, ne le quittait pas des yeux. Drago avait été tenté à plusieurs reprises de l'attaquer, juste pour qu'il cesse. Pour ne plus voir le regard trop vert posé sur lui, pour ne plus entendre l'écho de ses pas dans son dos. Seul le risque d'être découvert et renvoyé l'avait arrêté. Pas qu'il se préoccupait encore de ses études. Avoir ses Aspics n'était plus vraiment une priorité. Il avait la désagréable impression qu'il ne vivrait pas assez vieux pour en profiter après tout...
Mais s'il quittait Poudlard, il ne pourrait plus remplir sa mission et sa famille en entier serait exécutée froidement, lui compris.

Sa propre mort ne l'effrayait pas. Bien au contraire. Il n'aurait plus à se débattre dans ce cauchemar sans fin. Il n'aurait plus à se cacher de tous, pour tenter d'assassiner un vieil homme un peu fou, ou pour faire entrer des tueurs sanguinaires dans une école emplie d'enfants.

L'adolescent se pencha légèrement contre le garde-fou, fasciné par le vide, par les flocons délicats qui tourbillonnaient avant de s'écraser au sol. S'il n'y avait pas eu le risque que ses parents paient sa lâcheté, il n'aurait eu qu'un pas à faire pour être libre de tout ça.
Juste fermer les yeux, et avancer, bras écartés, pour s'envoler vers la liberté.

Haletant, Drago recula brusquement, pris de vertige. Un instant, il avait failli se laisser aller. Il frissonna et prit conscience du froid ambiant.
L'adolescent soupira, épuisé.

Il n'était qu'un mort en sursis, tout comme Potter. Il ne se leurrait pas, il avait parfaitement compris que la grande mission du Seigneur des Ténèbres n'était qu'une punition pour l'échec de son père, l'an passé au Ministère. C'était une mission suicide, c'était presque impossible. Si par hasard il réussissait à faire ce qu'on attendait de lui, il serait probablement immédiatement capturé et emprisonné. Ou tué.
Le jeune homme se demanda si Potter serait capable de le tuer lui. Si sa haine était suffisante pour le blesser.


Drago se frotta les yeux de ses poings, comme l'enfant qu'il était encore au fond de lui, et il regarda une fois encore les flocons immaculés danser devant lui. Il souhaita à cet instant un miracle. Un miracle de Noël, qui le sauverait, lui et sa famille.
Il voulait juste oublier tout ça, et redevenir un adolescent normal. Espérer un avenir, rêver de nouveau.

Épaules basses comme s'il portait le poids du monde sur les épaules, tête baissée, Drago était la parfaite incarnation du désespoir. Seul dans la nuit, il n'avait plus à faire semblant...
À pas lents, il quitta la tour d'Astronomie pour rejoindre son dortoir et essayer de se reposer un peu. Depuis la rentrée, il souffrait d'insomnies, l'esprit trop occupé par tous ses problèmes, et les larges cernes violacés sous ses yeux hurlaient son épuisement.

Quelques instants après son départ, une mince silhouette sortit de sous une cape d'invisibilité, l'air perturbé...

Quand il ne reste que l'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant