Quand il ne reste que l'espoir

Plaid

Drago sortait de la salle sur demande, après une longue séance à examiner l'armoire à disparaître. Il était épuisé, et titubait presque de fatigue, puisqu'il n'avait pas vraiment dormi ces derniers temps.
Il avait reçu une lettre de sa mère qui se voulait rassurante, mais il avait su lire entre les lignes et il avait compris que leur manoir ancestral était envahi par les Mangemorts et était devenu le quartier général de Voldemort.
Dans cette situation, sa mère risquait sa vie. La moindre colère du mage noir, et elle serait torturée. Voire tuée.

En réaction, l'adolescent s'était retranché dans la pièce va-et-vient, et il s'était épuisé à lancer des sortilèges puissants, pour tenter de faire fonctionner cette maudite armoire. Peut être que s'il annonçait qu'il avait réussi à créer une brèche dans les protections de Poudlard... peut-être que sa famille aurait un peu de répit. Il savait que les plans de Voldemort n'étaient pas encore arrêtés, il avait après tout jusqu'à la fin de l'année pour mener sa mission à bien.

S'il se montrait brillant... S'il montrait qu'il était capable d'aider autrement qu'en tuant... Peut être pourrait il espérer autre chose de la marque sur son bras. Mais c'était une illusion il le savait. Il lui suffisait de croiser le regard sombre de son parrain pour se souvenir que le but premier des Mangemorts était de semer la terreur en répandant le chaos, et la désolation. Après un raid, il ne restait généralement que des décombres fumantes et des corps sans vie.

Plutôt que de rejoindre son dortoir ou sa salle commune, il erra dans les couloirs. Devoir faire un effort de sociabilisation lui semblait insurmontable en cet instant, alors que le dégoût de lui-même pour ce qu'il était en train de faire le submergeait presque. Mais il n'y avait pas que ça... Il y avait aussi la colère de ne pas avoir eu le choix. Le ressentiment d'être celui sur qui reposait la survie de sa famille entière.
A cet instant, il se moquait bien de qui il pourrait croiser. Rusard, Rogue, Dumbledore ou même Potter, il n'avait plus l'énergie de se préoccuper de ça. Plus rien n'avait d'importance, puisque sa vie était en miettes.

Peut être y avait il un dieu qui veillait sur les adolescents tourmentés dans sa situation, puisqu'il ne croisa personne. Et pour une fois il n'entendit pas l'écho des pas de Potter le suivre, dissimulé sous sa cape d'invisibilité, lui offrant un répit bienvenu.

Finalement Drago hésita. Il y avait deux endroits où il aimait se réfugier, où il était seul la plupart du temps. La tour d'Astronomie et les toilettes des filles du troisième étage.
En cet instant, mieux valait qu'il se tienne loin des hauteurs de Poudlard. Dans l'état d'épuisement dans lequel il était, il pourrait tomber accidentellement. Pas qu'il tenait à la vie - sa propre vie était après tout largement compromise - mais sa mère comptait sur lui.

Avec un soupir las, le jeune homme bifurqua et emprunta les escaliers, sans même chercher à se cacher. Il arriva rapidement au troisième étage, et il se glissa dans les toilettes des filles.
L'endroit était désert comme toujours. Et sec. Pour une fois, Mimi Geignarde n'avait pas inondé les lieux.

Drago se laissa glisser au sol contre le mur, et laissa échapper un soupir tremblant en fermant les yeux. Il ne broncha pas quand le fantôme surgit d'une canalisation, ricanant et hurlant.
Voyant Drago, l'apparition s'immobilisa et retrouva son calme. Puis elle s'approcha de lui, un air inquiet - aussi inquiet qu'elle pouvait l'être pour un fantôme - sur ses traits translucides.
- Drago ?

Le Serpentard ouvrit les yeux et fixa celle qui avait été une élève longtemps auparavant.
- Mimi.
Sa salutation brève fut suivie d'un ricanement alors qu'il prenait conscience qu'un fantôme capricieux était devenue sa seule amie. La seule personne avec qui il communiquait sincèrement ces temps-ci. Elle était même la seule à pouvoir l'aider, l'empêcher de se noyer dans toutes les émotions qui le submergeaient.

Bien que susceptible, elle ne sembla pas vexé de son rire. Elle pencha juste la tête, faisant voler ses couettes, bras croisés sur sa poitrine, le fixant à travers ses lunettes.
- Tu as besoin de repos.
- Qu'en sais-tu ? Tu es un foutu fantôme, tu n'as pas besoin de dormir toi.
Mimi renifla et flotta autour de lui, l'air revêche.
- Je me souviens, tu sais. Je ne suis pas morte depuis aussi longtemps que certains des fantômes de Poudlard. Je peux encore me rappeler de ma vie humaine.

Indifférent, Drago haussa les épaules. Voyant qu'il n'était pas d'humeur à parler, celle qui avait été une adolescente haussa les épaules puis disparut, laissant le garçon torturé à sa solitude.
Drago se replia sur lui-même, croisa ses bras sur ses genoux remontés contre sa poitrine et y posa sa tête, fermant les yeux de toutes ses forces pour repousser ses larmes, prêtes à couler.

L'épuisement eut rapidement raison de lui, surtout qu'il se sentait en relative sécurité dans cet endroit, aussi surprenant que ce soit. Après tout, à sa connaissance, personne ne venait jamais ici, surtout que Mimi geignarde faisait en sorte de faire fuir les étudiants les plus téméraires.

Ainsi, Drago glissa dans le sommeil sans s'en rendre compte, une larme solitaire glissant le long de sa joue.

Plongé dans un sommeil agité, peuplé de cauchemars, il ne se rendit pas compte qu'il était observé par un regard vert perçant. Pas plus qu'il ne bougea quand un plaid fut posé sur lui, pour s'assurer qu'il n'aurait pas froid.
Mimi Geignarde fut le témoin silencieux de cette scène, cependant, elle resta silencieuse, observant avec un sourire satisfait.

*

Le lendemain matin, en s'éveillant, Drago cligna des yeux perdu. Il lui fallut quelques instants pour se rendre compte qu'il avait dormi au sol, dans les toilettes abandonnées. Il plissa le nez de dégoût, se jurant qu'il n'avouerait jamais à personne ce détail indigne de lui.
L'adolescent se figea en trouvant la couverture posée sur son corps, se demandant qui aurait pu être assez attentionné pour le couvrir sans le réveiller. Certainement pas un professeur. Mais finalement, la peur reflua, et il pensa que c'était probablement un des elfes de Poudlard. Après tout, les créatures avaient pour but de veiller silencieusement et discrètement sur les élèves.

Drago plia soigneusement le plaid et le posa au sol, essayant de repousser le sentiment de solitude qui l'envahissait, alors qu'il pensait que personne ne l'appréciait suffisamment pour avoir ce genre d'attentions à son égard. Puis, sans un regard sur la pièce abandonnée, il quitta les lieux, se glissant silencieusement dans les couloirs pour rejoindre son dortoir, décidant qu'il avait terriblement besoin d'une douche chaude pour calmer les courbatures dues à sa nuit au sol.