Cheminée

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Il avait réussi.

Quelques jours à peine avant Noël, il avait enfin réussi à réparer l'armoire à disparaître.

Il aurait dû se sentir euphorique devant l'exploit accompli - après tout, c'était un travail de longue haleine et demandant une grande puissance magique ainsi qu'une parfaite maîtrise des sortilèges employés. Ou au moins soulagé d'avoir accompli sans anicroche une partie de sa mission, lui permettant d'offrir un répit bienvenu à ses parents.

A la place, il avait fondu en larmes quand l'oiseau était sorti de l'objet vivant, et qu'il avait trouvé le morceau de parchemin avec un seul mot : "Bientôt".
Il avait eu l'envie terrible de détruire l'objet qu'il avait eu tant de mal à réparer, pour s'assurer que cette fois, personne ne pourrait plus jamais la remettre en état et l'utiliser.

Finalement, il s'était calmé et s'était traîné jusqu'à la Grande Salle, et vu les réactions de ses camarades, il ne devait pas avoir un meilleur aspect qu'un inferi.
Nott avait froncé les sourcils et avait fixé Potter à travers la pièce, jusqu'à ce que le Gryffondor ne lève les yeux vers la table des Serpentard. Bien évidemment, le brun avait eu l'air horrifié et Drago s'était senti légèrement mieux en le voyant agripper la table comme pour se retenir de le rejoindre pour lui demander ce qui n'allait pas.

Lorsque les plats apparurent sur la table, Drago soupira, nauséeux. Quelque soit la finesse des mets, il avait l'estomac bien trop noué pour penser à manger. Aussi, avec une grimace, il repoussa son assiette fermement - un geste qui se répétait bien trop souvent depuis le début de l'année - et il se leva, quittant la Grande Salle, sans accorder la moindre attention aux échanges de regards perplexes de ses amis.
Il était fatigué de jouer un rôle, d'être le parfait Mangemort en mission. En cet instant, il n'avait qu'une seule envie : se rouler en boule dans un coin et se lamenter sur la farce cruelle qu'était devenue sa vie. Jouer les enfants encore un peu, échapper à la guerre.

Ignorant le froid piquant, il sortit dans le parc, sans se couvrir. En cet instant tomber malade était le cadet de ses soucis après tout...


Ses pas le menèrent jusqu'au bord du lac et il contempla l'étendue d'eau sombre, se perdant dans le doux mouvement de ressac, à peine perceptible.
- Malefoy ?
Drago ne sursauta même pas. Il n'y avait que Potter après tout pour le suivre immédiatement après son départ, et pour braver le froid sans hésitations.
L'adolescent hésita un bref instant, puis il serra les poings.
- C'est fait. Elle est réparée.
- Ok.

Le jeune homme écarquilla les yeux et se tourna vers le Gryffondor, prêt à lui hurler dessus pour son indifférence. Cependant, ses récriminations moururent sur ses lèvres en voyant l'expression du brun. Les sourcils froncés, l'air sombre, il avait l'air bien plus âgé.
Avec un léger choc, Drago se rendit compte que Potter aussi avait à supporter une pression terrible, avec bien trop de responsabilités. Mais contrairement à lui, le Gryffondor semblait ne jamais se plaindre et s'accommoder de la situation.
Aussi, il s'adressa à lui un peu agressivement.
- Comment tu fais ?
Le regard vert se tourna vers lui, perplexe.
- Quoi ?
- Comment tu fais, pour supporter tout ça ?
Potter haussa les épaules, et il se mordilla un instant les lèvres, pensivement. Puis, il eut un vague geste de la main, qui pouvait signifier un tas de choses.
- Je n'ai pas vraiment le choix, non ?

Drago renifla, un peu moqueur, retrouvant son ancienne personnalité belliqueuse quelques secondes.
- Je n'ai pas le choix non plus, et je suis loin de le prendre si bien que toi, Potter.
Il eut droit à un sourire, un de ses sourires éblouissants, de ceux qui le laissaient un peu hébété, les jambes flageolantes, sans savoir ce qui causait chez lui cet émoi mystérieux. Le brun se pencha vers lui et chuchota, malicieux.
- C'est pas parce que tu ne me vois jamais douter ou faillir que ça ne m'arrive jamais.


Le blond cligna lentement des yeux et frissonna, alors qu'il prenait conscience de la température. Avant qu'il n'ait dit la moindre chose, Potter s'était rapproché de lui, et l'avait collé, l'attirant plus près encore en enroulant son bras autour de ses épaules. Avec un large sourire idiot, il s'était justifié d'un ton rieur.
- Je ne tiens pas à te voir mourir de froid.

Une vague brûlante de plaisir submergea Drago à l'idée d'être important pour le Gryffondor, mais son soulagement fut rapidement douché par le souvenir tenace de la situation. Morose, il marmonna, sans tourner les yeux vers son ancien rival.
- Tu devrais peut être me laisser mourir justement. Au moins, je n'aurais pas à...

L'étreinte se resserra et rapidement il se retrouva plaqué contre le torse de Potter. C'était une situation un peu étrange. Loin de se débattre, le Serpentard se laissa aller, se gorgeant de chaleur et de cette tendresse que le Gryffondor semblait décidé à semer à tout vent.
S'il fut un peu mal à l'aise dans les premières secondes, il finit par soupirer et poser sa tête sur l'épaule de son camarade, yeux fermés, passant les bras autour de sa taille.
Le corps du brun dégageait la chaleur d'un feu de cheminée, aussi agréable et rassurant, et Drago oublia rapidement qu'ils étaient seuls dehors, en plein hiver écossais, sans le moindre manteau.

Potter murmura à son oreille, férocement.
- Ne dis plus jamais ça. Tu vas t'en sortir Malefoy ! Je vais t'aider, et tu vas t'en sortir.
Il n'y avait rien à répondre, et Drago se serra un peu plus contre le Gryffondor, laissant échapper un léger soupir de bien être. Lui qui avait pour habitude de tout analyser, il n'avait pas vraiment envie de réfléchir à son comportement étrange avec Potter, ou à la sensation de plénitude qu'il ressentait dans ses bras.

Après un long moment, ils finirent par s'écarter l'un de l'autre à contrecœur. Ils se fixèrent et Potter lui adressa un sourire malicieux, en fouillant dans sa poche. Il en tira une clémentine, qu'il tendit à Drago.
- Tu n'as pas mangé il me semble. J'ai pris ça pour toi.

En prenant le fruit, le Serpentard se rendit compte que sa main tremblait légèrement. Et avec un léger choc il se rendait compte que Potter était le seul à faire attention à lui de cette façon. Le seul qui le regardait réellement, et qui voyait au travers de son masque d'arrogance.

Quand il ne reste que l'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant