Bonhomme de neige

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L'agitation autour du lac gelé était retombée aussi rapidement qu'elle était arrivée. En une fraction de seconde, le parc de Poudlard s'était vidé de ses étudiants.
Il ne restait que Drago, qui s'était laissé tombé contre le tronc d'un arbre, sur la seule surface miraculeusement épargnée par la neige - ou plus exactement protégée de la neige par l'épais branchage.

L'arrivée d'une McGonagall furieuse avait fait fuir tout le monde. L'écossaise avait été redoutable, son chapeau pointu tressautant d'indignation alors qu'elle vitupérait contre les inconscients qui s'amusaient à risquer leurs vies en s'amusant sur une couche de glace si fine qu'elle pouvait céder à n'importe quel instant.

Ça avait été fascinant que de voir tous ces élèves de Gryffondor si... hardis et qui habituellement n'avaient peur de rien redevenir de petits enfants penauds devant leur directrice de Maison. En quelques paroles acérées, ils avaient été proprement reconduits au chaud, dans leur salle commune, avec la promesse d'une retenue à la clé pour leurs idées stupides.

Même Potter si frondeur face à Rogue avait ressemblé à un petit garçon fautif, tête basse et joues rouges sous la honte de se faire réprimander ainsi. Et bien sûr, parce que c'était lui, il avait tenté d'endosser les torts, admettant d'une voix incertaine qu'il avait eu l'idée de cette expédition sur la glace.
Drago avait cru voir un bref sourire sur le visage ridé de la veille femme, mais elle avait pincé les lèvres et secoué la tête, inflexible.
- Et bien Monsieur Potter. Que vous ayez eu l'idée n'a pas obligé vos camarades à vous suivre, si ?

Étrangement personne n'avait protesté. Et personne n'avait semblé en vouloir à Potter.

Drago soupira, et se frotta le visage, épuisé. Il enviait leur insouciance, leur joie de vivre. Même Potter semblait réussir à se détacher de tout ce qui se produisait dans le monde magique, bien qu'il ait toujours une ombre au fond de ses yeux verts.

Il sentit une présence derrière lui et il se tendit, mais avant qu'il n'ait une le temps de réagir, un rire familier s'éleva, et il se détendit légèrement.
L'instant d'après, l'insupportable Gryffondor qui hantait ses pensées était à ses côtés, contemplant rêveusement le parc enneigé.
- J'ai envie d'un bonhomme de neige. Tu viens m'aider ?

Drago haussa un sourcil stupéfait. Puis, la colère familière gronda au fond de lui, et il lança un regard noir au brun, lui en voulant d'être si... désinvolte.
- Bien sûr. Et puis les Mangemorts que je dois faire entrer vont t'aider également.

Potter le fixa et il se sentit comme aspiré par les yeux absinthe. Alors que le Gryffondor était toujours parfaitement lisible pour lui, il ne parvenait pas à déterminer ce qu'il pensait en cet instant. Lorsqu'il parla, sa voix était légèrement tremblante, comme s'il se retenait de ne pas hurler.
- J'ignore ce que tu imagines, mais je ne perds jamais de vue la situation. Je n'oublie jamais le rôle que j'aurais à jouer. Et crois moi, je passe énormément de temps à tenter de stopper tout ça. Ce n'est pas parce que tu ne me vois pas agir que...

Drago le coupa, effaré. Il passa sa langue sur ses lèvres soudain sèche et il s'obligea à fixer les yeux verts qui le déstabilisaient.
- Je suis désolé. Ok ? Je... j'ai peur. Je crève de trouille que mes parents soient... par ma faute. Et autant à l'idée que... qu'un élève ne soit blessé par ce que je devrais faire. Quand à tuer... je ne pense pas que j'y parviendrais. Je ne peux pas...

Quelque chose passa dans le regard du brun, et son regard s'adoucit. Il hésita un bref instant et posa la main sur l'épaule de son camarade Serpentard. Drago apprécia la chaleur du contact, et il ferma les yeux un court instant, sentant sa colère se diluer et disparaître. Potter murmura, presque contre son oreille.
- Je sais. Je voulais juste te changer les idées même si faire un bonhomme de neige était une idée stupide. Je fais tout ce que je peux pour trouver une solution, crois-moi.

Drago frissonna, mais ce n'était pas le froid. Potter était trop près de lui, et sa chaleur le perturbait. Il lutta un instant mais finit par abdiquer et il détendit ses muscles, se laissant aller contre le Gryffondor. Lorsque leurs épaules entrèrent en contact, Drago soupira, et ferma les yeux, apaisé, ne comprenant pas comment il en était arrivé à remettre sa vie entre les mains de son rival de toujours.


Le Gryffondor soupira puis passa le bras sur ses épaules, le serrant un peu plus contre lui. Drago ne chercha même pas à se dégager. Il n'envisagea même pas qu'ils puissent être surpris, et du risque qu'il courrait à être si proche de celui qui était le symbole du camp opposé.
- Malefoy. On trouvera un moyen, d'accord ? Je ne compte pas te laisser tomber, quoi qu'il arrive.
- Pourquoi tu prends tous ces risques, Potter ? On a jamais été proches, et...

Potter resta si longtemps silencieux que Drago pensa qu'il ne répondrait pas. Il tourna la tête pour tomber dans un puits d'émeraudes scintillantes, et finalement, le brun parla, d'une voix un peu rauque.
- Tu ne t'en souviens peut être pas, mais tu es le premier enfant sorcier que j'ai rencontré lorsque j'ai découvert le monde magique. Nous ne sommes pas devenus amis après, mais... Malefoy je sais que tu n'as pas eu le choix. Je veux juste t'offrir la possibilité de décider par toi-même. Et tu vois, je ne me suis pas trompé.

Le Serpentard sentit son cœur accélérer, et il souffla doucement.
- Chez Madame Guipure... C'était là qu'on s'est rencontré en premier. Tu étais avec le demi-géant.
- Hagrid est celui qui est venu me chercher dans le monde moldu et qui m'a appris l'existence de la magie.

Le ton de Potter lui fit froncer les sourcils, comprenant qu'il y avait quelque chose qu'il ne disait pas. Finalement, il soupira.
- Tu pourrais... les laisser se débrouiller. Aller ailleurs, à l'abri.

Le brun eut un rire amer.
- Et laisser mes amis ? Non. Je ne pourrais plus me regarder dans un miroir après ça. Je ferais ce que j'ai à faire.

Drago fixa longuement son camarade et ne put s'empêcher de l'admirer pour sa force de caractère. Il eut un bref sourire et quitta à regrets l'étreinte de Potter, avec une grimace d'excuse.
- Il vaut mieux que nous ne soyons pas vus ensemble. Certains enfants de Mangemorts n'hésitent pas à décrire à leurs parents tout ce qui se passe à Poudlard.

Après un dernier coup d'œil au brun immobile, Drago retourna à pas lents vers Poudlard, l'esprit en ébullition.

Quand il ne reste que l'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant