Petit déjeuner

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Le matin suivant, au petit déjeuner, Drago eut à faire face à un regard vert perçant posé sur lui, ne cillant jamais, ne se détournant jamais.
En fait, Potter ne semblait pas décidé à manger, et il ignorait le babillage de ses amis. Il restait juste là, assis à la table des Gryffondor, son regard couleur d'Avada fixé sur lui.

Mais il voyait également son Directeur de maison lui jeter des coups d'oeil pensifs, comme s'il cherchait à percer ses secrets.
Sa mère lui avait peut être glissé avant son départ qu'il pouvait avoir confiance en Rogue, mais Drago se méfiait. Il n'avait jamais été proche de son parrain, même si ce dernier l'avantageait outrageusement lorsqu'il s'agissait de distribuer des points ou de fermer les yeux sur des bêtises d'écolier. La seule chose dont il était certain, c'était d'avoir entendu dire que le professeur de potions était un des Mangemorts préférés de Voldemort.
S'il se reposait sur lui, il serait considéré comme un faible ou un incapable et il ne pourrait pas offrir à sa famille la sécurité qu'il espérait obtenir. S'il avait l'aide de Rogue, il n'arriverait pas à impressionner le Seigneur des Ténèbres.
Pire encore. S'il se reposait sur son parrain, il pourrait laisser échapper ses doutes, et son manque d convictions. Peut être que par amitié pour sa famille l'homme ne dénoncerait pas ses doutes mais il préférait ne pas prendre le risque...

Soudain nauséeux, Drago repoussa son assiette, incapable d'avaler quoi que ce soit. Les regards fixés sur lui le déstabilisaient.
Pire encore, le bruit de la Grande Salle, tous ses camarades discutant avec enthousiasme, alimentait sa culpabilité. D'ici quelques semaines, quand il ouvrirait le passage aux Mangemorts, certains de ses camarades seraient blessés voire tués. Les Mangemorts - surtout sa tante - ne se préoccuperaient pas de l'âge des victimes ou de savoir qui ils étaient. Ils attaqueraient toute personne sur leur chemin, comme ils le faisaient toujours.

Ils étaient à cet instant joyeux, sans se douter que peut être ils ne verraient pas la fin de l'année scolaire. Peut être que certains deviendraient fantômes et iraient tenir compagnie à Mimi Geignarde, empêchant quiconque d'oublier que c'était lui, Drago Malefoy, apprenti Mangemort, qui avait provoqué leur mort.

Drago déglutit, et ferma les yeux, contractant la mâchoire pour s'empêcher de hurler. Il lui fallut toute la maîtrise qu'il pouvait avoir pour garder un air neutre, pour ne pas afficher ce qu'il ressentait à cet instant.
Il s'obligea à penser à sa mère, juste avant qu'il ne monte dans le Poudlard express. Sa mère, silencieuse, les yeux rougis par les larmes qu'elle avait versé depuis l'emprisonnement de son mari, puis l'arrivée de Voldemort au sein de leur domicile. Sa mère, digne malgré tout, cachant sa peine et sa peur, et faisant face au monde magique, droite et fière.
Ils avaient été regardés comme des criminels, parce que leur mari et père était à Azkaban. Mais Narcissa avait ignoré tous les regards, et elle avait enlacé son fils en lui chuchotant d'être prudent.

Ce fut cependant l'image de sa mère qui sanglotait, enfermée dans sa chambre pour ne pas être vue, qui lui permis de refouler la culpabilité qui le rongeait. Tout ce qu'il avait accepté de faire, c'était pour la sauver, elle et son père. S'il réussissait, son père serait libéré d'Azkaban. Si Voldemort prenait le pouvoir, leur famille serait réhabilitée et ils retrouveraient leur place dans la société... Mais surtout, sa mère ne serait pas blessée.

Le jeune homme ouvrit les yeux et croisa une fois de plus le regard de Potter. Furieux, il le fusilla du regard, puis il se leva sans un mot, ignorant les questions de Pansy, ignorant le regard presque inquiet de Théo. Enfin, il quitta la Grande Salle, l'appétit coupé.

Il aurait dû aller en cours de Botanique, mais il n'avait pas la moindre envie de s'entasser dans une serre surchauffée avec ses camarades Serpentard et les fichus Gryffondor trop bruyants. Il n'avait pas envie de sentir encore une fois le regard de Potter sur lui, il ne voulait pas des efforts de Théo pour le pousser à changer ses plans.

Il en avait assez de l'insistance de Pansy à se rapprocher de lui, à le toucher sans cesse pour laisser penser qu'il lui appartenait. En pensant à la jeune fille, il laissa échapper un ricanement moqueur. La guerre faisait rage, leurs familles étaient impliquées et cette idiote ne se préoccupait que de l'attirer dans ses filets pour pouvoir se vanter qu'elle était en couple avec lui.

Sans surprise, il se retrouva devant les toilettes de Mimi. Drago hésita un bref instant, puis il soupira et entra.
Comme dans un état second, il s'approcha des lavabos et fit couler un peu d'eau pour se rafraîchir.

En relevant les yeux, il vit son reflet dans le miroir, et il sentit les premières larmes commencer à couler.
Il avait maigri, donnant à ses traits un air plus dur. Il avait presque l'air plus âgé également. Et surtout, il avait des cernes impressionnant comme s'il était malade. Les stigmates de son mal être étaient affichés sur son visage, et s'il avait réussi à prétendre que c'était la situation avec son père qui le rongeait, les professeurs finiraient bien par se rendre compte qu'il y avait plus.

Mimi apparut, pour une fois silencieuse, le regardant avec ce qui aurait pu être de la tristesse si elle avait encore été humaine. Ce fut probablement l'idée qu'il faisait pitié à un foutu fantôme qui le fit craquer et il commença à vraiment pleurer, sur son enfance perdue et sur sa vie brisée. Sur ses rêves piétinés, et ses espoirs définitivement enterrés.

Sans se tourner vers le fantôme immobile, il murmura, la voix brisée par le chagrin.
- Je n'ai pas le choix. Je n'ai pas d'autre choix...
Puis il laissa retomber sa tête, les mains posées sur le bord du lavabo, laissant les larmes couler, ses épaules tressautant. Il avait l'impression d'être épuisé, et il se sentait perdu. Totalement perdu.

Il ne sut pas combien de temps il resta là, prostré, pleurant comme un enfant. Suffisamment longtemps pour que ses yeux soient rouges et brûlants. Finalement, il fit couler l'eau de nouveau et s'aspergea le visage.

Lorsqu'il releva la tête, son regard fut attiré par le reflet dans le miroir. Derrière lui, à l'entrée des toilettes, se tenait Potter, immobile, les yeux fixés sur lui. Fichu Potter qui était toujours à ses trousses, qui le surveillait en permanence. Fichu Potter qui l'avait vu dans un de ses pires moments, alors qu'il était faible et sans défenses.

La colère commença à monter en lui, dévastatrice, alors qu'il se rendait compte que son père était en prison à cause de Potter. C'était à cause de lui si sa mère et lui étaient sans défenses face au Mage Noir qui avait pris possession de leur Manoir familial. C'était de sa faute s'il avait dû prendre la Marque et s'il se retrouvait à devoir tuer un homme et faire entrer les Mangemorts dans Poudlard...

Tout était à cause de Potter. Le fichu Sauveur, celui qui refusait de mourir, celui qui donnait un espoir insensé aux autres. Mais pas à lui, jamais à lui.
La boule de rage qui lui brûlait l'estomac explosa soudain et ses yeux couleur mercure se mirent à briller fiévreusement. Il se tourna, baguette en main, sans se souvenir de la façon dont il l'avait attrapée, et il lança le premier sort venu sur Potter...

Quand il ne reste que l'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant