Chapitre Neuf

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Cette histoire possédant neuf personnages principaux, je conçois qu'il peut être parfois compliqué de s'y retrouver. C'est pourquoi vous trouverez, à chaque début de chapitre, un bref rappel des personnages principaux qui apparaissent dans ce chapitre.

Izaya : Princesse de Saïr / humaine / 19 ans / pronom elle

Arendiel : Valet d'Izaya / demi-elfe / 18 ans / pronom il

Cassandra : Chevalière royale pour l'armée de Saïr / humaine / 21 ans / pronom elle

Beollán : Scripteur / humain / 19 ans / pronom il

Izaya

Izaya fut de mauvaise humeur en se réveillant. Le soleil venait à peine de se lever, et tout le monde semblait dormir encore, même Cassandra qui était supposée rester éveillée pour monter la garde. Elle ne lui en voulut pas, après tout ça n'est jamais facile de faire nuit blanche, surtout après les récents évènements. Et puis, de toute manière, le campement de fortune n'avait pas été attaqué. 

Elle s'étira, et en jetant un coup d'œil à Arendiel, elle se remémora la dispute de la veille. Ça l'embêtait de ne plus parler à Arendiel, mais elle s'était réellement sentie humiliée lorsque personne ne l'avait écoutée. Elle ne comptait pas s'excuser pour avoir remis les choses au clair. Se laisser marcher dessus ne ferait jamais d'elle une bonne régente, si elle doit un jour reprendre le trône de son père — ce qui lui paraissait fort probable. 

Elle fut parcourue d'un frisson lorsqu'elle se releva. Midyr avait beau être à côté de Saïr, la différence de température se faisait réellement sentir. Elle tourna la tête lorsqu'elle entendit un craquement, quelque part dans les bois autour d'elle. Sans s'inquiéter, elle resta alerte. Elle fouilla dans son sac, cherchant de quoi petit-déjeuner, lorsque le craquement se répéta, puis se répéta encore, comme si quelque chose s'approchait. La panique commença à s'emparer d'elle. Ce qui rôdait autour du campement marchait d'un pas lourd et soufflait bruyamment. Les arbres étaient trop resserrés pour qu'elle puisse distinguer ne serait-ce qu'une silhouette. 

— Cassandra ? Appela-t-elle. 

Cassandra dormait à poing fermés. Izaya fut de plus en plus inquiète : elle sentait la chose se rapprocher encore sans pouvoir la voir. 

D'un coup, la créature surgit. C'était un ours, la gueule ouverte, de longs filets de bave s'en écoulant. Izaya fut paralysée de peur. L'ours se mit debout sur ses pattes arrière et leva ses pattes avant en rugissant. En voyant les griffes gigantesques de l'animal, elle vit sa vie défiler devant elle. La créature s'abattit de tout son poids, mais Izaya ne sentit rien l'écraser. A la place, elle fut poussée en arrière et elle vit Arendiel se mettre entre l'ours et elle, les bras croisés devant lui pour protéger son visage. 

— Aren ! s'écria la princesse à plein poumons. 

L'ours rugit encore en observant avec fureur celui qui venait de s'interposer. 

— Aren ! répéta Izaya d'une voix tremblante, ne reste pas là !

Elle le prit par les épaules et ils s'éloignèrent de l'ours. Cassandra venait de se réveiller en sursaut : elle dégaina son épée et sauta devant l'animal. Elle bloqua un deuxième coup de griffe avec son bouclier. L'ours, légèrement sonné, se remit debout ; cette fois, il ne sortit pas vivant de sa chute. Cassandra avait planté son épée dans son palais tandis qu'il s'affaissa. La lame traversa sa tête et le tua instantanément. Izaya fut horrifiée par la scène, mais elle fut encore plus préoccupée par l'état des bras de son ami. Tandis que Cassandra reprenait son souffle et dégagea son épée, elle examina la blessure. 

— Mais... balbutia-t-elle, il n'y a presque plus rien... 

Elle avait pourtant vu le sang s'écouler, la peau déchirée... il y avait désormais des plaies cicatrisées qui continuaient de s'effacer petit à petit. 

— Oui, j'ai une surprenante capacité régénératrice. Je guéris aussitôt que je me blesse. J'imagine que tu vas m'en vouloir de ne jamais t'en avoir parlé, soupira-t-il. 

— Non, Aren, je... Je suis surprise mais... Tu n'as pas hésité un seul instant en me protégeant, tu m'as sauvée, réalisa-t-elle. 

— Normal, je suis ton valet, après tout, expliqua Arendiel avec un air suffisant. 

— Non, Aren, tu es mon ami. Je suis désolée. Excuse-moi. 

Elle l'avait vu dans son regard. Elle avait vu à quel point il avait été blessé de ce qu'elle lui avait dit la veille. Cette blessure-là n'avait pas guérit immédiatement. Elle s'en voulut terriblement. Arendiel entrouvrit ses bras vers elle et elle s'y réfugia immédiatement. L'étreinte fut courte, mais lui procura un immense soulagement. Lorsqu'ils se séparèrent, Cassandra s'approcha d'eux. 

— Cela vaut pour vous aussi, Cassandra, commença Izaya, je n'aurais pas dû m'adresser à vous de la sorte, et... 

— Vous êtes toute excusée, répondit aussitôt la chevalière. Cependant, si vous le permettez...
Son regard était inquiet. 

— L'animal qui nous a attaqué n'était pas un ours ordinaire. Il n'avait aucune raison de se montrer agressif mais... surtout... Avez-vous vu cette lueur sombre dans son regard ? Je n'avais jamais rien vu de tel. 

Izaya interrogea Arendiel du regard. 

— C'est vrai qu'il y avait quelque chose d'inhabituel, admit le demi-elfe en réfléchissant. Ses yeux étaient complètement... vides, et noirs, avec de drôles de reflets pourpres. 

Izaya avait été trop effrayé pour le remarquer. 

— Nous devrions nous dépêcher et reprendre la route le plus vite possible, suggéra Cassandra. Beollán dort encore ? 

Izaya fronça les sourcils en voyant la pointe des oreilles d'Arendiel rougir. Est-ce qu'il avait conscience que ses oreilles et ses pommettes le trahissaient aussi facilement ? Pourquoi l'évocation de Beollán le faisait réagir ainsi ? Elle avait bien l'intention de le découvrir, tôt ou tard. Cassandra regarda aussi Arendiel d'une drôle de manière, mais elle semblait plutôt intriguée et... perturbée. 

Elle avait raté quelque chose, et elle n'aimait pas ça. Arendiel et elle s'affairèrent pour enrouler tous leur couchage et Cassandra transporta Beollán qui ne se réveilla pas. 

— Je crois qu'il est fiévreux, hésita la chevalière en posant une main sur son front. Ce n'est pas bon signe. 

Arendiel se rapprocha de lui lorsqu'il eut terminé de ranger ses affaires. 

— Il doit me rester encore un vêtement ou deux pour de nouveaux bandages, proposa-t-il, inquiet. 

Cassandra hocha la tête et Aren déchira une de ses dernières tuniques de valet. Tandis que la chevalière s'occupait des soins, Izaya se tourna vers Arendiel. Il était en train de manger une pomme, et regardait le corps inerte de l'ours. 

— Qu'est-ce qu'il y a, avec Beollán ? Demanda-t-elle sans cacher sa curiosité. 

Arendiel rougit un peu plus et croqua bruyamment dans sa pomme. Après un certain temps, il lui expliqua. 

— Un cauchemar l'a réveillé en pleine nuit, et moi avec. Lorsque je me suis approché de lui pour le rassurer, il m'a dévisagé et... 

Il fit une pause, secoua la tête comme si ce qu'il s'apprêtait à révéler était incroyable. 

— Et il a cru que j'étais un Elfe du Soleil, termina-t-il en fronçant ses sourcils. 

— Un Elfe du Soleil ? répéta Izaya, incrédule. Ils n'existent que dans les contes pour enfants. Il était certainement en train de délirer. 

— Oui, certainement, soupira Arendiel, à moitié convaincu.

Chroniques des Neufs - T1 MorsiriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant