Chapitre Vingt-quatre

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Cette histoire possédant neuf personnages principaux, je conçois qu'il peut être parfois compliqué de s'y retrouver. C'est pourquoi vous trouverez, à chaque début de chapitre, un bref rappel des personnages principaux qui apparaissent dans ce chapitre.

Cassandra : Chevalière royale pour l'armée de Saïr / humaine / 21 ans / pronom elle

Cassandra

Cassandra but le contenu de sa choppe cul-sec et poussa un grognement de satisfaction en la reposant sur sa table. Elle venait de terminer une mission éprouvante : elle pouvait bien s'accorder une bière et un repos bien mérité.

Par « mission éprouvante », elle entendait accomplir des tâches pénibles et bien loin d'être trépidantes. Elle avait passé la matinée à aider quelques fermiers à dégager une de leur route. Il y avait eu une tempête quelques jours auparavant, et plusieurs arbres y avaient succombés, barrant le passage.

Au moins, on la payait pour ses efforts. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était déjà assez pour continuer de payer les deux chambres qu'ils occupaient et les quelques bières qu'elle s'offrait.

Seule une de ses premières missions avait été exaltante, si bien qu'elle avait dû partir pour trois jours. Un couple de paysan avait vu leurs récoltes saccagées par une poignée de brigands, et Cassandra s'était chargée de leur cas par simple désir de vengeance, mais aussi de prévention de la part du couple. Elle trouvait cela révoltant que les bandits s'en prennent aux autres ainsi. Enfin, c'est ce qui faisait d'eux des bandits, justement : ils vivaient grâce aux efforts des autres. Au moins, ils accordaient à Cassandra des combats dignes d'intérêts. En temps de paix, être chevalière n'offrait pas de grandes opportunités.

Bien sûr, elle se réjouissait de ce calme, mais elle adorait combattre. Lorsque tous ses sens étaient à l'affût, que l'adrénaline montait tandis que tout autour d'elle disparaissait pour laisser la scène à elle et son adversaire, elle jubilait. Plus rien ne comptait hormis ses moindre faits et gestes : chaque déplacement, chaque mouvement de bras était un choix qu'elle faisait naturellement. Voilà, c'était naturel pour elle ; la seule chose dans laquelle elle excellait, pour laquelle elle excellait. Elle n'existait pour rien d'autre que le combat, c'était le sentiment qu'elle avait. Et chaque goutte de sueur qui perlait sur son front durant l'affront le lui rappelait agréablement.

Elle n'avait confiance qu'en ses mouvements d'épée et il n'y avait qu'avec ceux-ci qu'elle ne se sentait pas complètement maladroite. En dehors du champ de bataille, elle se sentait constamment mal à l'aise à cause de ses étourderies, de toutes ses pensées qui la distrayaient et s'emmêlaient. Elles ne se remettaient en place que lorsqu'elle croisait le fer.

C'était pour cela qu'elle était devenue chevalière. Pas pour faire rouler trois troncs d'arbres tous les quatre matins.

Elle s'apprêtait à demander à ce que sa choppe soit remplie lorsqu'un petit bout de femme entra dans l'auberge et appela ce prénom qui commençait à devenir familier.

— Je cherche Beatrice ?

Sa petite voix, incertaine, parvint à peine aux oreilles de Cassandra. D'habitude, cette question la faisait soupirer, mais cette fois, elle était intriguée. Le regard de cette nouvelle venue, allant rapidement d'un bout à l'autre de la pièce, transmettait une réelle détresse.

Cassandra se leva, et le grincement de son tabouret contre le parquet résonna. La taverne était presque vide en ce début d'après-midi, et les seules personnes présentes se tournèrent aussitôt vers la chevalière lorsqu'elle se tourna vers cette future cliente.

— Venez, dit-elle en présentant de sa main sa table.

Lorsqu'elle se rapprocha, Cassandra observa une quinquagénaire au dos courbé, qui avançait en baissant la tête. Sa robe était sale et rapiécée, avec des tâches de boue en bas. La quasi-totalité de ceux qui avaient recours aux services de Cassandra étaient les plus démunis. Les plus riches avaient souvent leurs propres mercenaires, et n'affichaient pas leurs requêtes sur les panneaux publics, ou très rarement. Ce qui peinait Cassandra, c'était de comprendre que le salaire qu'elle recevait représentait un sacrifice pour ceux qui le lui donnaient. Souvent, elle refusait les sommes qu'elle estimait trop grandes.

Chroniques des Neufs - T1 MorsiriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant