« Qui ? Souffla Samuel en serrant le poing. »
En tant que père, il n'arrivait pas à concevoir les violences sur quelqu'un. Surtout que ce pauvre garçon semblait n'avoir qu'une quinzaine d'année. Denise baissa la tête, posant un regard attristé sur son jeune protégé alors qu'elle refermait les sangles.
« Les gardes. Marmonna-t-elle. Certains infirmiers. Certains docteurs. Le directeur. Cet endroit est un véritable enfer pour les patients. Enfin... était. Ils étaient constamment battus, humiliés... abusés. Et nous ne pouvions rien faire.
—Et appeler la police ? Grogna Fayyad. Il n'y avait pas d'inspections ? Ce genre d'établissement doit normalement suivre des règles strictes.
—Il n'y a jamais eu d'inspection. Et les seuls moyens de communication sont le téléphone et l'ordinateur dans le bureau du directeur. Auxquels nous n'avions pas accès. Et aucun employé ne pouvait quitter cet endroit. Nous vivions sur place. Ils n'embauchaient que des personnes qui n'avaient ni famille, ni amis. »
La vieille femme souffla. La vie ici n'était pas plus belle pour les employés.
« Une infirmière à réussi une fois, à quitter l'asile pour aller chercher de l'aide. Continua-t-elle. Elle est revenue avec des policiers qui... ils ont juste dit au directeur de faire attention à ses patients et ils n'ont fait aucune recherche.
—Ils étaient au courant ? S'indigna Samuel. Je ne critiquerais plus jamais les complotistes...
—Je ne sais pas réellement ce qu'il s'est passé avec ces policiers. Tout ce que je sais, c'est que quand j'ai revu cette infirmière, elle était dans une chambre et portait une camisole. Alors, après ça, plus personne n'a jamais essayer de se révolter. Et je m'en veut terriblement pour ça... »
La pauvre femme semblait particulièrement affligée. Elle n'aurais jamais pu faire quoi que ce soit, mais elle aurais voulu essayer. Plutôt que de rester terrifiée dans son bureau.
« Et lui ? Demanda soudain Christophe en brisant le silence, pointant son doigts vers l'albinos.
—Soixante-cinq est né ici. Expliqua la psychiatre. Sa mère avait été internée pour dépression sévère et multiples tentatives de suicide. C'était une femme merveilleuse. Aussi belle qu'intelligent. Mais la beauté n'est pas toujours une bénédiction, dans un monde où la plupart des hommes pensent que tout leur appartient. Elle subissait en permanence les assauts d'hommes incapables de se conduire correctement. Y compris dans sa propre famille. C'est à cause de ça, qu'elle a fini ici... mais bien sûr, vous vous en doutez. C'était pire. Je me dis que, mourir en couche, c'était peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver...
—Et son nom ? Questionna Andrée. Pourquoi un numéro ?
—Son nom complet est Zéro-deux zéro soixante-cinq. L'asile avait une thérapie particulière qui consistait en l'effacement totale de tout ce qui pouvais concerner l'ancienne vie du patient, à commencer par leur nom, remplacé par un numéro. Zéro-deux est sa date de naissance, en 2002. Zéro pour les hommes, Un pour les femmes. Et soixante-cinq, son matricule de patient. La différence, c'est que lui n'a jamais eu de véritable nom avant. Quand il est né, le directeur s'en est occupé. Nous pensions tous qu'il allait en prendre soin. C'est tout de même son fils.—Son fils ?! Hurla Samuel.
—Le directeur avait des albinos dans sa famille. Et c'est un gène héréditaire, même s'il ne se manifeste pas toujours. Alors nous savions que c'était lui... malheureusement, notre espoir à été de courte durée. Dés qu'il a su marcher, le directeur l'a mis dans une chambre en décrétant qu'il était aussi fou que sa mère, pour reprendre ses mots.
—Si on croise le cadavre de cet homme, laissez-le moi. Grinça le vétérinaire entre ses dents.
—Je ne vous laisserais pas faire ça. J'en rêve depuis bien trop longtemps pour vous laisser ce plaisir. »
Samuel esquissa un sourire, se promettant intérieurement de laisser cette femme régler elle-même ses comptes avec ce monstre. Christophe profita du silence qui s'était de nouveau imposer, pour finalement se rendre en cuisine et préparer de quoi manger.
Fayyad observait l'albinos. Le jeune homme les regardaient à tour de rôle. Il semblait surveiller les moindres de leurs mouvements. Ils restèrent un instant sans prononcer le moindre mot. Seul les grognements de Laurent et le son de la nourriture cuisant, brisait le silence.
« Il ne parle pas ? Demanda soudain le proviseur.
—Non. Marmonna Denise. Le directeur nous a interdit de lui apprendre quoi que ce soit. Il ne sait ni lire, ni écrire. Les quelques mots qu'il connais, il les a appris seul, en répétant ce qu'il entendait.
—Vous avez dit qu'il était né en 2002... vingt-deux ans donc. Je me demande bien comment il a pu survivre à tout ça.
—J'ai mon idée là-dessus. Vous connaissez les théories autour d'Alice au pays des merveilles ?
—Ce n'est pas vraiment mon histoire préférée.
—Une théorie raconte que la petite Alice aurait été une enfant schizophrène, placée très tôt dans un hôpital psychiatrique... un comme celui-là. Pour échapper aux tortures qu'elle subissait, son esprit d'enfant se serait inventé un monde dans lequel elle pouvait s'évader. Et chaque personne serait en réalité, une personne de son entourage. Le chapelier serait un autre patient. La reine de cœur serait la directrice de l'établissement. Et ainsi de suites. Parfois je me demande si Soixante-cinq ne fait pas tout simplement la même chose.
—On devrait peut-être lui trouver un vrai nom. Suggéra Christophe en revenant avec un plat. Je n'ai pas très envie de l'appeler Soixante-cinq à longueur de temps.
—Voilà une idée constructive ! Approuva Fayyad. Quelqu'un a une idée ? »
Chacun commença à réfléchir, pendant que Christophe remplissaient leurs assiettes d'un plat à base de gnocchis, jambon de Bayonne, sauce à la crème fraiche et fromage rappé. Seul Clémence et Laurent ne prirent pas cette peine. Alice, pour sa part, observait toujours le jeune homme, et fut finalement la première à briser le silence.
« Il ressemble à un ange. Lança-t-elle. Pourquoi on ne l'appelle pas Ange ?
—Hey. C'est vraiment pas mal. Confirma Samuel. Denise, Rani. Qu'est-ce que vous en dites ?
—C'est parfait. Répondit la vieille femme.
—Ça lui va très bien. Affirma l'infirmière, bien que plongée dans ses pensées. »
Denise se tourna vers son protégé, se pointa du doigt et prononça son propre nom, que l'albinos répéta avec difficulté. Puis elle le désigna à son tour. Il commença à vouloir répondre « Soixante-cinq », bien que ne parvenant pas à le dire, mais elle le corrigea en lui faisant répéter son tout nouveau prénom.
« An... ge ? Articula le jeune homme. Ang... Ange... ? »
Denise le félicita et lui frotta affectueusement la tête. Mais autre chose sembla déranger l'albinos. Il fixa son assiette un moment, regarda la fourchette, avant de lever des yeux interrogateurs vers Christophe.
« Il y a un ingrédient que tu n'aime pas ? Demanda le rouquin.
—Ce n'est pas ça. Répondit Denise à sa place. La réserve de nourriture que tu as trouvée dans les cuisines est surtout pour le personnel... les patients ne mangeaient que de la soupe et du potage... généralement du surgelé d'une qualité douteuse...
—Oh ! Je vois. Regarde, Ange. »
Il pris sa propre fourchette, s'installa juste en face d'Ange, et piqua dans la nourriture. Il montra sa fourchette pleine, puis la fourra dans sa bouche, avant de mâcher exagérément. La psychiatre ne put s'empêcher d'en rire. Comme l'expliqua Samuel, Christophe avait adorer apprendre toutes sortes de choses à sa sœur quand elle était encore bébé et s'en était vraiment bien sorti. Il savait y faire. Cela se confirma lorsqu'il pris une troisième fourchette et que l'albinos décida de l'imiter, un peu maladroitement.
Il sembla particulièrement surpris par le goût de la nourriture et aurait vite fini l'assiette si Denise ne l'avait pas incité à manger doucement.
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Apocalypse Angel
TerrorLe monde entier est au seuil d'une nouvelle ère, lorsqu'un étrange mal décime la population à une vitesse alarmante. Mais cela ne s'arrête pas à un simple massacre, puisque les morts infectés reviennent à la vie, dotés d'une agressivité terrifiante...