Révélations

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« Moi je veux bien ne pas le faire foutre en prison, mais il est hors de question qu'on le libère avant qu'on ait vérifié la véracité de ses dires, dit Kurt. Il va nous dire où on doit aller, mais on doit le garder au chaud.

— Il veut venir avec nous, je te rappelle. »

Kurt fronça les sourcils. Le pli de sa bouche se durcit, puis se relâcha. Il se passa la main sur le front et tourna lentement autour de la chaise où Jorus était ligoté. Que s'était-il dit dans les minutes précédentes ? Je n'arrivais plus à rassembler mes idées éparpillées par la panique. Comme un noyé sent que sa vie lui échappe et s'épuise en grands coups inefficaces sans parvenir à regagner la surface de l'eau, je suffoquais et perdais mon énergie en pensées désorganisées, sautant de regrets amers en pics de terreur sans discernement.

Un détail me ramena à la réalité en focalisant mon attention. Ken avait ouvert une boîte et en reniflait le contenu. Ma boîte à thé ?

Mais...

Je frissonnai en me rendant compte que je ne portais plus mon manteau ni ma veste, juste ma chemise, ouverte, et mon pantalon... Sans ceinture.

Ils m'ont fouillé ? Où sont mes affaires ? Mon poignard ?...

Je tordis un peu le cou pour essayer de voir ce qu'ils avaient fait de mon sac et de tout le reste. Tout était dispersé à gauche à droite, comme s'ils avaient rapidement écarté tout ce qui ne représentait pas d'intérêt. Là des vêtements, là le carnet dans lequel je gardais précieusement la magie que Mamila m'avait apprise, là ma pochette à outils de cambrioleur, ouverte... Ma vie, exposée, dispersée... Tout était foutu.

Mamila... Papa... Acanthe... Je suis tellement, tellement désolé...

Aïdan s'accroupit en face de moi. L'étreinte d'Hexen sur mes épaules s'allégea et me permit de me redresser. Je ne voyais pas son visage mais la fermeté de sa poigne exprimait le poids des mots qu'elle ne disait pas. Aïdan, ses yeux verts liquides cherchant mon regard, faisait plus juvénile sans son grand chapeau. Malgré la dureté de ses paroles et de ses expressions, elle ne devait pas être beaucoup plus âgée que moi... Ses prunelles me fixèrent quelques instants, comme si elle doutait d'avoir toute mon attention. Je retenais mon souffle.

« Jack, tu comprends notre position ?... Nous sommes obligés d'aller sauver Ania. Après, on s'occupera de tes problèmes... Cette organisation... »

Elle désigna Jorus.

« S'il te fait chanter...

— Tant qu'il est avec nous, il ne peut pas parler à qui que ce soit », renchérit Ken.

Je les regardai sans bien comprendre. Leurs voix étaient calmes, presque douces. Une sollicitude étonnante qui contrastait avec la violence dont ils avaient fait preuve avec les hommes qu'ils avaient interrogées jusqu'à présent. Aïdan continua :

« Toi, tu vas rester avec quelqu'un ici, attendre qu'on ait fini, OK ? »

Elle continuait à me fixer, cherchant sur mon visage l'indice d'une volonté de collaboration. Mais que croyaient-ils ? Qu'ils allaient, comme ça, pouvoir remonter l'intégralité du fil jusqu'à en dénouer la toile ? Étaient-ils complètement idiots ou inconscients ? Ils n'avaient aucune chance !

« Tu vois, on n'est pas particulièrement contre toi. Enfin, moi, je n'ai jamais eu confiance en toi et les autres sont dégoûtés que tu les ais entubés, sourit-elle, mais... On voudrait comprendre ce qui se passe, avant tout. Qu'en penses-tu ? demanda Aïdan.

— Mais... Que vous allez vous faire bouffer complètement !

— Par qui ?

— Ceux qui sont avec lui », dis-je, en désignant Jorus du regard.

Secrets d'AcierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant