Pentos

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« On devrait arriver à Pentos demain. J'pense pas qu'on sera trop emmerdés dans la première partie du voyage, mais dans la Gorge du Dragon, faudra qu'on soit sur nos gardes. Plus on approche de Pentos, plus les raclures et les petits pirates de merde risquent de venir nous chercher des noises, nous demander des droits de passage à la con... Gardez vos armes bien cachées.

— Et si on a des emmerdes ? On le fait à notre façon ? demanda Kurt.

— Si on nous emmerde, soyez prudents. Si y en a un qui tombe du bateau, j'irai pas le chercher. »

Le port de la Pointe du Monde s'éloignait doucement alors que nous prenions graduellement de la vitesse, au fil du courant de la Queue du Dragon. Après avoir demandé si c'était notre premier voyage en pays Hurdique, Grenloy embraya sur le sujet de Pentos.

« Pentos s'appelle comme ça pasqu'y a cinq chenaux qui séparent des ensembles d'îles. Dans les îles, vous aurez besoin de vous habituer un peu aux noms des différents quartiers, mais vous vous y retrouverez vite. Comme partout, les docks sont au ras de l'eau et si vous voulez aller en hauteur, faut prendre des voitures câblées pour monter en ville.

— Et vous savez quelles guildes ou autres il faut éviter ? demanda Aïdan.

— Des gens à éviter à Pentos ? Hahaha ! Tout l'monde ! Y a les racailles qui vont vous attaquer pour vous voler, les racailles qui vont vous attaquer pour vous planter un couteau dans le dos, les racailles qui vont tricher aux jeux et vous accuser de l'avoir fait, les racailles qui si vous les emmerdez vont faire mettre vos têtes à prix... Si vous aimez la racaille, vous allez être servis...

— Il y a des milices ?

— Il y a des lois si c'est ce que vous demandez, mais ceux qui devraient les faire appliquer ne sont pas meilleurs que les autres. Beaucoup font justice eux-mêmes. On trouve souvent des corps qui flottent dans les chenaux. Ah, d'ailleurs, ne buvez pas d'eau à Pentos.

— Même dans les tavernes ?

— Surtout pas ! Faut boire de l'alcool. Avec la flotte, dans le meilleur des cas, vous aurez une courante de trois jours, et dans le pire, vous crèverez dans la journée.

— Vous avez des adresses à nous conseiller ?

— Vous voulez faire quoi ?

— Hum, ce sont les poisons et contre-poisons qui m'intéressent, fit Aïdan avec une moue entendue. – Alors des poisons, vous allez en trouver partout, mais je vous déconseille de prononcer le mot à voix haute, si vous voyez ce que je veux dire. »

Aïdan hocha la tête d'un air pensif et n'ajouta rien.

Le ciel était menaçant, l'atmosphère humide... Je décidai de migrer vers la cale, pour y trouver chaleur, air sec et tranquillité. J'y retrouvai Ken et Brim, qui discutaient à voix basse. Je m'assis sur ma couverture pliée et m'adossai non loin de la chaudière. Brim sortit quelques osselets de sa poche et nous jouâmes jusqu'à ce que Kurt passe la tête par la trappe pour nous envoyer un petit paquet.

« C'est midi, voilà un peu de pain et de viande séchée. C'est un cadeau de la Lumière !

— Tu la remercieras pour nous alors ! »

Nous nous installâmes sur le pont, vide de toute marchandise, pour déjeuner. La chaîne de montagnes dans lesquelles s'incrustait la Pointe du Monde se voilait de nuages et de brumes qui la masquait presque entièrement. À l'ouest, la pluie commençait à tomber, annoncée par un rideau gris terne qui grandissait en avançant peu à peu vers nous. Même sur les berges du fleuve, large et paresseux, les volutes de brouillard serpentaient dans la végétation endormie. Une fois mon casse-croûte englouti, je redescendis vers la cale et sa chaudière. Le clapotis de la pluie ne tarda pas à se faire entendre, battant doucement le pont de bois de sa musique répétitive et hypnotique. Dans l'obscurité, bercé par le roulis du navire, je fermai bientôt les yeux pour me laisser emporter vers la rive des songes. Était-ce le fruit de mes réflexions du matin ou parce que la vie finit toujours par nous rattraper même aux moments sombres ? Je rêvai de bras amis, de la chaleur d'une peau contre la mienne, de la caresse d'une main contre ma hanche, d'un baiser...

Secrets d'AcierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant