L'assaut

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Nous devions choisir vers quelle maison orienter notre choix. Si Merthen, à Corbe, avait géré un trafic d'êtres humains pour la prostitution, et qu'il avait entrepris le voyage vers Pentos avec sa « marchandise », alors il devait aussi organiser la prostitution ici. Dans ces riches quartiers, comme à Corbe, il devait organiser des festivités où ses « amis » profiteraient des charmes de ses prisonniers avant de les acheter. Seules deux maisons étaient connues de leur voisinage pour organiser des fêtes régulières. Le soir, dans la lumière grise entre chien et loup, sous la chape sombre qui couvrait toujours le ciel, trois d'entre elles arboraient une illumination chaleureuse, propice à la réception. S'inviter à l'une d'elles relèverait de la haute voltige diplomatique, puisque nous ignorions jusqu'au nom des propriétaires, mais Hexen, Aïdan, Brim et Lucine relevèrent bravement le défi et louèrent une calèche pour parcourir la rue jusqu'à la demeure qui la clôturait, dos à la falaise, dite « des Lilas », où justement des festivités étaient organisées ce soir-là.

Kurt, Ken et moi restâmes dans la rue. À pied, nous avançâmes jusqu'à la grille de la maison ciblée, sans entrer. La calèche de nos amis entra. Quand elle ressortit, elle était vide.

« Ils ont réussi à entrer ?

— On verra... Laissons-leur encore quelques minutes... »

Las. Une autre calèche les ramena au bout de la rue peu de temps après. Pour quelle raison avaient-ils été refoulés ?

« Il fallait probablement une invitation...

— On n'arrivera jamais à passer si c'est le cas.

— Ou alors, dis-je, on en chaparde une. Je peux essayer d'entrer et de bousculer malencontreusement un des invités.

— Tu n'as aucune chance, il y a probablement pas mal de monde à l'intérieur... »

Kurt avait raison. Mais, si tous les invités arrivaient en voiture à cheval ? Je balayai la rue du regard. Derrière nous, trois personnes s'avançaient sous l'éclairage public, deux hommes et une femme. Au vu de leur démarche et de leur vêture, j'étais presque sûr qu'ils se rendaient à la fête.

« Je vais essayer d'attraper une invitation.

— Tout seul ? demanda Kurt, effaré. C'est trop dangereux ! Et si elles sont nominatives, ça ne nous servira à rien ! Et même dans le meilleur des cas, on n'en aura qu'une !

— On pourra toujours essayer de faire des copies. Ils sont trop proches, c'est maintenant ou jamais. Hexen, fait une diversion en feignant une dispute avec Kurt.

— Petite ou grosse ? sourit la guerrière.

— Petite, attirez juste leur attention. »

Je me dirigeai vers les trois silhouettes qui marchaient de conserve, bien visibles sous les lampes. Ma cible serait le barbu, large et grand, au manteau ouvert. Ils tournèrent la tête vers le bruit de dispute. Je glissai la main dans sa poche intérieure.

« Hé ! Sale voleur ! »

Je n'avais eu que le temps d'effleurer, pas de prendre quoi que ce soit, à part la fuite. Un dangereux déclic derrière moi me fit louvoyer brusquement et redoubler de vitesse. Heureusement, aucun coup ne partit. Des éclats de voix continuèrent à retentir, les nobles ayant l'indignation bruyante. Je courus jusqu'au bout de la rue où je retrouvai l'autre moitié du groupe, descendue de sa calèche.

« Jack ? Que se passe-t-il ? »

Essoufflé, je leur contai ma mésaventure puis le temps que je reprenne mon souffle, ils rapportèrent la leur. Comme deviné, ils s'étaient bien heurtés à un videur peu compréhensif à l'absence d'invitation.

Secrets d'AcierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant