Lucine Alaudala

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« On peut avoir des renseignements sur Carl Merthen, dit Aïdan à quelques dizaines de mètres de la porte de son « indic », mais c'est donnant-donnant. On doit d'abord se renseigner discrètement sur une certaine Lucine Alaudala. Elle traîne normalement près d'ici, du côté de la Cathédrale.

— Et il lui veut quoi ? demanda Kurt.

— On s'en fout.

— Et s'il veut la tuer ?

— On nous demande pas de la tuer, juste de nous renseigner sur elle... »

Kurt soupira. Il n'était pas convaincu. Quant à moi, autre chose m'occupait l'esprit. Je demandai à mon tour :

« Et au sujet de notre mission, tu lui as dit quoi, à ton indic ?

— Je lui ai dit que, laisse-moi me rappeler... Ah oui, « C'est pas tes oignons. », sourit Aïdan.

— Humpf... Il me semble que...

— C'est bon, je lui ai dit qu'on cherchait une jeune femme dénommée Ania, enlevée par un certain Carl Merthen, qui bosse pour l'Ensecret. »

Je l'avais craint, et peut-être en même temps espéré. Aïdan me dévisagea.

« Il faut bien, si l'on veut, à un moment ou à un autre, obtenir des renseignements sur l'Ensecret, commencer à les demander.

— Chut ! Mais... ici ? Si quelqu'un les connaît, quelle probabilité qu'il en fasse partie ou bien soit sympathisant ? Dans quelle mesure tu peux faire confiance à cet « indic » ?

— Aucune. »

Je me mordis la lèvre. J'aurais préféré qu'elle n'en parle pas. Pas à un inconnu que je n'avais même pas vu.

« C'est risqué...

— Au moins, s'ils nous tombent dessus, on les cherchera plus, voilà. Donc, on va à la cathédrale, tout le monde est d'accord ? »

Kurt opina du chef.

« Et moi j'irai directement rencontrer les prêtres, pendant que vous chercherez la fille. »

En progressant sur le chemin de la cathédrale, nous arrivâmes dans une zone vaguement plus ouverte que le reste, trop étriquée pour mériter le nom de « place », où s'entassaient de petites loges de bois abritant des étals d'étoffes et de vêtements. Les rouleaux de tissus s'amoncelaient sur des éventaires que les mains peu précautionneuses des acheteurs potentiels venaient tâter sans se soucier de les remettre en place ou les exposer à la pluie. Dans de grands présentoirs métalliques souvent finement ouvragés, décorés de fleurs à longues étamines ou d'oiseaux de mer très fins en fer forgé à la mode hurdique, les tuniques, robes, jupes et jupons s'amoncelaient dans un joyeux désordre après lequel couraient quelques filles et garçons aux jambes maigres, apprentis chargés de redisposer ce que les clients dérangeaient. Lorsque nous nous en approchâmes, je m'aperçus que malgré la protection des abris, les tissus imprégnés de ce brouillard malsain qui emplissait tout semblaient comme légèrement ternis de poussière. Aïdan s'arrêta devant une échoppe importante tenue par un marchand bedonnant. Après un clin d'œil dans notre direction, elle passa minutieusement en revue une partie de son étal de manteaux et pardessus en gabardine huilée, cuir et laine ou velours épais, et fini par jeter son dévolu sur des capes en tissu sombre à boucle de fer avec des capuches.

« Qui en veut ?

— Ben moi, dis-je innocemment, j'aimerais bien, mais je n'ai pas d'argent », souris-je.

Secrets d'AcierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant