Corbe

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Quand la guerrière me réveilla, la nuit était encore noire. elle s'assit en bordure de la lumière du feu. Je me posai à côté, avec ma couverture sur les épaules. J'aurais juré que l'air, quand le vent ne nous amenait pas la fumée, sentait bon le printemps. Cet hiver avait été l'un des plus longs que j'aie jamais connu, et sa fin un événement heureux et attendu par tout le monde.

« Alors tu es mécamage ?

— Oui...

— Tu sais faire fonctionner un robot ?

— Hum... Je connais les principes, je sais qu'il faut les programmer pour qu'ils obéissent à un donneur d'ordres, tout ça... Je sais réparer quelques trucs, aussi...

— Et tu sais recharger les armes mécamagiques ?

— Oui, avec le bon matériel. Mais je ne l'ai pas.

— Ça coûte cher.

— Voilà.

— Et tu connais des sorts, alors, non ?

— Euh, oui, bien sûr...

— On pourrait peut-être en échanger ? Moi aussi je pratique un peu les Arcanes. J'enchante les balles que je tire.

— Ah mais moi, ce sont des trucs à appliquer dans une forge, pas en combat.

— Comme quoi ?

— Par exemple... Je peux refroidir un morceau de métal d'un seul coup, pour remplacer le trempage...

— Tu peux le geler ?

— Je pense, oui.

— Alors appliqué à un ennemi, un sort comme ça serait redoutable. Tu n'y avais jamais pensé ? »

Pas vraiment. Je maîtrisais quelques tours de magie mineurs, mais je n'avais pas l'aisance gestuelle, ni la mémoire des mots de ma Mamila. Au temps de mon apprentissage, j'écorchais souvent une formule malgré les répétitions. La magie demandait une telle précision... La moindre déviation de pensée et l'énergie que l'on s'efforçait de canaliser se dissipait sans même une étincelle. Même si, dans l'ensemble, je maîtrisais un petit arsenal d'un peu moins d'une dizaine de sorts qui m'avaient été utiles de temps à autre, depuis que je n'étudiais plus avec Mamila, je ne les utilisais plus beaucoup. Et quant aux combats, avec ma carrure malingre je m'arrangeais surtout pour les éviter ! Et puis lancer un sort prend du temps, il faut prononcer les bons mots, faire les bons gestes... Je me voyais mal demander à un adversaire de cesser de frapper une minute le temps de le lancer. C'était un peu ridicule.

Quand le soleil se leva, Hexen réveilla les autres un par un. Le gob grommela et attisa les braises, alors qu'Hexen ramassait un peu de neige dans une congère encore blanche pour la faire fondre pour le thé.

Après le petit déjeuner un peu sec mais nourrissant des voyageurs, c'est le nain qui vida la casserole qui contenait les restes de feuilles de thé. Mon sac était déjà prêt, avec ma paillasse humide roulée et attachée dessus. J'observai le comportement des autres. Aïdan et son chapeau avaient dormi un peu à l'extérieur du cercle du camp et elle n'avait adressé la parole à personne pendant le petit déjeuner, qu'elle avait d'ailleurs pris à l'écart. Elle fut néanmoins prête la première et regarda d'un air dépité l'état du camp, encore encombré de divers objets.

À quelques pas, le moine ne s'intéressait pas à ses affaires encore en désordre mais semblait occupé à ramasser de la terre, qu'il fourrait dans un sac de toile d'un air concentré. Je m'approchai.

« Vous ramassez de la poussière ?

— De l'humus.

— Ah ? Pour quelle raison ?

Secrets d'AcierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant