Avant de partir, j'avais encore une chose à demander à Mamila. Alors que je refaisais mon sac, je lui racontai mon histoire avec le sieur balafré. Je voulais son avis sur les fameuses plaques de métal noir.
« Tu as une idée de ce que ça pourrait être que ce métal ? »
Elle reposa sur la table la tasse de thé chaud qu'elle tenait à la main et haussa les sourcils.
« Je ne sais pas... C'était noir brillant ?
— Non, mat.
— Mat...
— C'est un problème ?
— Il y avait quelle quantité ?
— Cinq petites pièces comme ça.
— Moui... De quoi faire une ou deux petites armes blanches... Je ne sais pas ce que ça peut être. Parles-en à Sebastian quand tu le verras. »
Je hochai la tête en bouclant la dernière lanière. J'aimais bien voyager léger, mais l'ajout récent de quelques outils avait un peu alourdi mon sac habituellement peu rempli. Les autres étaient prêts aussi. Il était temps de faire nos adieux et partir pour Alba.
Ce fut difficile de quitter Mamila si peu de temps après l'avoir retrouvée. Matilda resterait avec elle. C'était une maigre consolation. Lucine nous assura qu'elle prendrait bien soin de ceux que nous lui avions laissés, le temps qu'ils se reconstruisent un peu. Je lui faisais entièrement confiance. Elle les formerait ensuite pour qu'ils puissent les aider, elle, Manfred et leur groupe, dans leurs tâches habituelles. Avec cette nouvelle main d'œuvre, elle aurait peut-être plus de chances de pouvoir asseoir un peu son aura de lumière sur cette ville et ses sombres trafics.
Pour quarante couronnes, nous trouvâmes un batelier pour nous remonter à la Pointe du Monde, nous et nos protégés. Dix-sept personnes. Alors que nous avancions à contre courant de la Queue de Dragon, nous quittâmes progressivement les fumées nauséabondes et les remugles de Pentos. Les tours biscornues et leur aura de smog jaunâtre s'éloignèrent peu à peu, et avec elles l'atmosphère oppressante de la ville. Carl Merthen était toujours libre, toujours actif, toujours capable de tuer et d'organiser les affaires de l'Ensecret dans la place mais nous avions porté un coup à ses activités et remporté une bataille décisive – de mon point de vue du moins. La guerre n'était pas gagnée, et de loin, mais pour la première fois, j'avais l'espoir d'avoir de l'aide.
Je me sentais infiniment plus léger qu'à l'aller. Un vrai bonheur de voyager dans ces conditions. Je restai sur le pont à écouter les anciens otages parler de leurs projets, maintenant qu'un avenir leur était offert. Ils portaient tous les marques de leur captivité, pas seulement sur leur corps mais sur les expressions de leurs visages, leur façon de sursauter quand un bruit les surprenait ou de se refermer brusquement quand quelqu'un approchait trop près. Mais chaque jour, peut-être même chaque heure, l'espoir leur donnait des forces nouvelles qui leur permettaient de parler plus, se libérer, se laisser aller à caresser du bout des doigts cet avenir qu'ils avaient cru perdu. Dans la balance de mes méfaits, ils étaient ma victoire. Je crois avoir souri stupidement pendant au moins deux heures après que nous ayons quitté Pentos.
Les chutes se firent entendre en début de matinée le troisième jour. Nous n'eûmes à déplorer aucune attaque, contrairement à ce qui s'était passé à l'aller. Un frisson de soulagement me parcourut l'échine quand les quais de la Pointe du Monde se découpèrent clairement à l'ombre des énormes montagnes, sous la lumière blanche de ce début d'après-midi. Une fois en ville, tout notre petit groupe utilisa la nacelle à crémaillère, mue par un puissant moteur à vapeur, pour monter les étages vers le lac. Nous pouvions nous permettre ce luxe ! Nous les laissâmes se restaurer à l'auberge pendant que nous cherchions un batelier pour la suite du trajet.
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Secrets d'Acier
FanfictionComment Sen, douze ans, apprenti mékarcaniste talentueux, est il devenu quelques années plus tard Jack, roublard, voleur et assassin? Dans un pays en guerre, sur un paysage Steampunk de révolution industrielle où tous les coups sont bons pour sur...