67 - le dîner -2

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Après le dîner, Alagan avait repris des forces et se portait beaucoup mieux. Il proposa à Shahina de le suivre pour une marche digestive. La maison de Nicodémus surplombait la vallée. Il disposait d'une vue magnifique sur tout le village de Loth-Jar.

Le village du sud de l'île était pittoresque.  Construites en pierre, la majorité des habitations avaient été sculptées à même la roche de la falaise. Les deux jeunes gens regardaient crépiter les flammes de plusieurs feux de bois, en cette nuit d'été à la température très douce.

— Shahina, murmura Alagan, il faut que je te parle de mon rêve où est apparue la Dame Amarante.

Il cita ses paroles de mémoire :

Sauve la source blanche

Qui irrigue nos terres

Qui notre soif étanche

Et exauce nos prières

— De quelle source parle-t-elle, à ton avis ? demanda-t-il à la jeune fille.

— Eh bien, il faudrait en parler à Nicodémus, mais je pense qu'elle fait référence à la source « mère » de coléine, le gisement le plus ancien de l'île.

— Mais Nicodémus a mentionné que la coléine se trouvait partout ici.

— Je ne sais pas, rétorqua Shahina. Il faut lui demander.

— Tu crois que l'on peut lui faire confiance ?

— Mon instinct et mes visions, enfin jusqu'au naufrage, m'encouragent à le penser, Alagan.

En prononçant ces mots, elle s'aperçut qu'elle donnait crédit à ce que Nicodémus leur avait dit. Elle mit le doigt sur son init, espérant soudain qu'une connexion s'établirait, qu'elle entendrait la voix de son père ou de Kyle. Mais rien, plus aucune communication ne passait depuis qu'ils avaient pris la mer. Un sentiment de profonde solitude envahit tout son être et elle fondit en larmes en pensant à Séoras. Alagan comprit aussitôt et la serra dans ses bras, sans dire mot.

Fatigués, ils rentrèrent se coucher, dans chacune des petites cavités qu'avait préparées Léna à leur attention. Alagan avait voulu guider son amie, mais fière, Shahina avait refusé prétextant qu'elle avait déjà largement appris à repérer son chemin. Au loin, les équipes de recherche illuminaient la plage et les bosquets, comme des flambeaux d'espoir au sein de la nuit noire. Alagan s'allongea, épuisé. Il lui sembla que jamais il ne s'était étendu sur une couche aussi confortable. L'oreiller en plumes d'oie soutenait parfaitement sa tête, ses draps de coton sentaient bon l'air des champs parfumés de mimosas et une peau de mouton, tirée en guise de couverture, lui caressait gentiment le menton. C'est dans cette étrange douceur coupable, après avoir prié pour Cassiopée et enveloppé du souvenir de Kassandra,  qu'il s'endormit profondément.

Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant