Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️

49 - L'attaque de l'entrepôt -2

Le jeune homme et son mentor, sous l'apparence des deux sentinelles qu'ils avaient assommées, se virtualisèrent à l'entrée du Réseau du gouvernement. Alagan reconnut le château fort dans lequel il avait rencontré Kassandra. Ils donnèrent le code aux cybercontrôleurs postés à l'entrée. Ceux-ci les laissèrent passer. Ils scrutèrent chacun des murs et des cours intérieures à la recherche du bureau administratif des ordres de mission. Alagan retrouva la bibliothèque. Ils traversèrent un porche, puis pénétrèrent dans une seconde cour. Déjà cinq minutes s'étaient écoulées depuis qu'ils avaient entamé leur quota. Au fond de l'arrière-cour se trouvait une porte en bois au-dessus de laquelle était écrit « Bureau des ordres de mission ». Kyle chuchota quelques mots à l'oreille d'Alagan et ils se séparèrent. Le maître d'armes se dirigea vers le bureau tandis qu'Alagan prit la direction opposée. Kyle entra dans la pièce. Un lieutenant-contrôleur travaillait, planté derrière une pile de dossiers. Ce dernier l'ignorait. Trois minutes s'écoulèrent. Kyle jeta un œil à sa montre, commençant à trouver le temps long. Le lieutenant fit mine de ne rien remarquer, et continua à étudier ses registres. Au bout de deux minutes supplémentaires, Kyle prit la parole :

—   Patrouilleur Heinz au rapport. Lieutenant. Je...

Il fut interrompu par une voix autoritaire et cinglante.

—   Pour qui vous prenez-vous, Patrouilleur Heinz, pour oser m'interrompre dans mon travail ? Vous n'avez pas à prendre la parole tant que je ne vous y ai pas invité, Aspirant Patrouilleur !

Le lieutenant l'avait examiné des pieds à la tête et vérifié son nom et son grade sur les épaulettes.

—   Lieutenant, oui, Lieutenant. Ses talons claquèrent l'un contre l'autre en même temps qu'il mit sa main en forme de salut sur sa tempe droite. Excusez-moi. Puis-je parler, Lieutenant ?

—   Maintenant que vous m'avez interrompu, allez-y, dépêchez-vous !

—   Lieutenant, je viens de trouver le corps de mon coéquipier — l'aspirant-patrouilleur Beau — en léthargie cybernétique alors que nous étions en patrouille externe aujourd'hui. J'en ai déduit qu'il avait dû avoir une urgence dans le cyberespace et, comme j'ai beaucoup d'estime pour lui, j'ai voulu le retrouver pour le ramener, avant que sa carrière en prenne un coup. Mais je n'arrive pas à mettre la main dessus. Alors, heu, enfin, je me suis dit qu'il fallait vous prévenir au plus vite.

—   Non, mais j'hallucine ! vociféra le lieutenant. Votre nom déjà ?

—   Patrouilleur Heinz. Lieutenant

Il fouilla son registre. Lorsqu'il comprit que les deux aspirants étaient affectés à la garde d'un entrepôt de coléine, ses traits se durcirent, ses yeux lancèrent des éclairs. Le vieux téléphone de son bureau sonna. Il décrocha :

—   Hum, je vois. Ne le quittez pas d'une semelle. J'arrive.

Il raccrocha le combiné et s'adressa à Kyle d'une voix suspicieuse.

—   Votre coéquipier, c'est un grand brun avec une moustache ?

Sans attendre la réponse, il ordonna à Kyle :

—   Reprenez votre poste immédiatement ou je vous colle un avertissement pour désertion !

Kyle claqua des talons, hocha de la tête et après un dernier « Lieutenant, oui, Lieutenant », son image se désagrégea.

L'agent quitta alors son bureau en direction de ce qui ressemblait à une taverne. Il entra et identifia le lieutenant Beau, ivre, en train de bécoter une serveuse blonde qui se débattait. Le lieutenant interpella l'aspirant, mais ce dernier l'ignora. Furieux et peu habitué à ce qu'on lui désobéisse, le lieutenant se dirigea vers la table de l'aspirant Beau lui réitérant de se mettre au garde-à-vous. Le patrouilleur Beau n'en fit rien. Fou de rage, le lieutenant poussa alors la serveuse qui en tomba à terre, et il resta coi devant l'image de l'aspirant qui continuait à bécoter dans le vide.