35 - extraction 1

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Des yeux vert-océan le scrutaient, se voulant rassurants. Deux iris exotiques entourés de grands cils courbés. Il détailla rapidement l'ensemble : un visage à la peau safran dorée, une longue chevelure noire et lisse comme une obsidienne. Alagan n'avait jamais rencontré de femme indienne aux yeux clairs.

— Moi, c'est Shahina, chuchota-t-elle l'entraînant calmement vers le fond de la pièce.

En un éclair, il sonda ses pensées : une autre voyante, comme Kassandra, réalisa-t-il. Elle avait vu la scène et avait décidé de l'aider.

— Parle-moi un peu de tes visions, Alagan.

— Je n'ai pas de visions, lui répondit-il froidement.

Il avait appris à ne plus s'étonner de rien, ces derniers temps.

Elle parut surprise. Comment ? Ce n'est pas un adepte du Cercle des Prescients ? C'est donc un convoyeur,l'entendit-il penser. Convoi-quoi ? s'interrogea Alagan.

Elle semblait perturbée. Me serais-je trompée ? l'écouta-t-il encore. Tous ces risques pour rien ? Non. Elle chassa de son esprit cette éventualité.

— Je peux ? lui demanda-t-elle, en s'approchant de sa main.

Alagan hocha la tête et continuait à jeter des coups d'œil inquiets vers la porte extérieure. Hésitation... La culpabilité le rongeait violemment, chavirait son équilibre et bousculait sa conscience. Se laisser capturer pour retrouver Kassandra. Errance... Il ne réalisait pas que l'Indienne avait saisi sa paume. Ambivalence... Une chaleur subite s'empara de ses doigts et l'étincelle de la vie le ramena au présent et lui déroula, le flash d'un instant, un entraperçu d'avenir.

— Ne t'inquiète pas ; ils ne sont pas dans la rue, le rassura-t-elle.

Elle effleura sa ligne de tête et ferma les yeux, comme si elle venait de recevoir un choc. Alagan entendit alors sa pensée aussi nettement que si elle lui parlait :

« Il n'est pas comme les autres... Pourtant, il en est un... Et il n'est pas le seul... Une blonde... Elle aussi est palatin... »

Elle s'arrêta net. Danger imminent.

— Vite, ils arrivent.

Elle activa son microémetteur, un bracelet avec deux serpents en or entrelacés qui soulignait la finesse de son poignet.

— Shahina au rapport. Extraction immédiate. Je répète : extraction immédiate.

La porte d'entrée vola en éclats. Les patrouilleurs pénétrèrent dans la pièce. Ralenti...

Elle ouvrit la sortie de derrière. Courir. Plus vite. Des tirs fusèrent. Tout à coup, ils entendirent une vibration. Un aérojet noir surgit de la nuit, et se posa à quelques mètres d'eux, en laissant le moteur tourner. Une troupe de six rebelles masqués, habillés de gris, vinrent en tenaille de l'autre côté. Le jeune homme se figea, hésita un court instant. Il n'entendait plus que les battements de son cœur. « Les terroristes de la Rébellion », se dit-il en reconnaissant la tenue grise qu'il avait vue sur l'holographe. Patrouilleurs derrière, Rébellion devant. Les six hommes gris se mirent à ce moment à tirer sur les gardes du C5 et l'un d'entre eux cria, en direction de la femme :

— Shahina, vite, viens par là !

— Pas sans lui ! répondit-elle, pointant l'index en direction d'Alagan.

Au même instant, les lasers des militaires du C5 s'envolèrent et les rebelles se jetèrent contre eux à coups de poing.

— Shahina, pour l'amour de Moh-Jeovdi ! jura l'homme en gris le plus âgé.

— Mais c'est un palatin, j'en suis certaine. Emmenez-le, dit l'Indienne.

Il détailla le rebelle le plus âgé et ils restèrent face à face quelques instants.

L'homme de la rébellion hésitait tandis qu'Alagan entendait la voix de Shahina dans sa tête : « Alagan, si seulement tu pouvais leur montrer un peu. C'est pour te protéger, tout ça. Mais comment puis-je t'aider si tu ne m'aides pas ? »

Alagan s'approcha alors de la jeune femme aux cheveux noirs et lui murmura à l'oreille :

— Je peux lire dans tes pensées.

Shahina lui rétorqua :

— Prouve-le-lui, en désignant l'homme le plus âgé.

Alagan se dirigea lentement vers Séoras.

— N'ayez crainte, le rassura-t-elle.

Le jeune étudiant explora la voix intérieure du terroriste :

« Mais qui est-il ? Pourquoi ma fille est-elle persuadée que c'est un palatin lorsque le comité de voyance n'a rien vu ? »

Et Alagan répéta tout bas à l'oreille de Séoras ce qu'il venait d'entendre :

— Vous vous demandez qui je suis. Votre fille, Shahina, sait que je suis un palatin, mais le comité de voyance n'a rien vu.

Stupéfaction.

— Emmenez-le ! cria-t-il à ses hommes. Aussitôt, trois d'entre eux attrapèrent Alagan par les bras, le ligotèrent et l'embarquèrent dans l'aérojet qui décolla derechef.

Séoras sortit de sa poche un injecteur. Alagan voulut se défendre, mais il était fermement maintenu attaché. Séoras tamponna son cou et le liquide se répandit dans son corps. Il eut juste le temps d'entendre l'Indienne protester : « Père, nul besoin de violence ». Ses paupières lui parurent soudain très lourdes. Une chaleur chaude se déversa dans ses veines au moment où Shahina ajoutait, soucieuse : « Père, son init, il saigne. ». À cet instant, il aurait voulu lire les pensées de Séoras, mais à bout de forces, il sombra dans un sommeil contraint.

 À cet instant, il aurait voulu lire les pensées de Séoras, mais à bout de forces, il sombra dans un sommeil contraint

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Alagan. Les Mondes d'Édesse T1 [PUBLIÉ]✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant