Rêve

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Le masque sembla rester de marbre, et s'accroupit en face de moi, en déposant doucement sa main froide sur ma joue. Ce simple contact sembla m'apaiser... Et je détestais ça. Il avait du pouvoir sur moi et il le savait. J'en étais certaine. Ma gorge se serra et je cessais mes mouvements brusques. Qu'est-ce que j'étais à ses yeux ? Un pantin utile ?

-Ally. Calme toi. Pourquoi si peu de confiance ? Pensais-tu que j'allais te laisser dans l'infirmerie ? Je n'avais nullement l'intention de te laisser mourir, ce qui est arrivé n'est pas de ma faute, mais j'en prendrais l'entière responsabilité.

Il marqua un temps de pause, attendant que je sois plus attentive. Puis il reprit :

-J'ai découvert une chose lorsque je suis parti chercher SCP 500. Je suis tombé sur ton dossier. Il était relativement pauvre, mais il y a quelque chose qui a attiré mon attention. Une note. Quelqu'un pense que ta chance n'est rien en comparaison à ce que tu représente en réalité. Parce qu'en vérité, tu as... juste assez de chance pour rester en vie. Il ne s'agit que de te garder vivante. Ma théorie est que ton enveloppe corporelle pourrait être un réceptacle pour quelque chose. Ou quelqu'un.

Le Docteur peste, juste derrière nous, ajouta :

-Si nous avons trouvé la sortie alors que vous n'étiez pas là, c'était justement parce que sur le dernier moment, notre but était de vous récupérer. Votre "chance" semble agir même à longue portée, et dans deux dimensions différentes à la fois. Nous ne souhaitions pas continuer sans vous. Pour tout vous avouer, nous avons entendu parler d'un homme chanceux qui a des compétences similaires aux vôtres, un SCP. Nous avons songé à un lien de parenté. Il y avait des chances pour que nous obtenions des réponses à votre sujet. Mais nous ne voulions rien vous dire pour éviter les risques inutiles, et c'était notre erreur. Nous avions également besoin de la bague, puisque j'étais moi-même chargé de le trouver sur le site et interagir avec lui. J'ai pris du temps à cause des FIM sur le terrain, et nous avons dû nous séparer à cause de votre état.

J'écoutais attentivement leurs paroles, n'en revenant pas. Est-ce qu'ils mentaient ? Ils avaient vraiment fait tout ça ? Pour moi ? Non... Non. Sans doute comptaient-ils encore se servir de moi par un moyen ou un autre ? C'était la seule raison qui les poussaient à me garder en vie à leurs côtés... Et c'était terrifiant comme idée. J'avais vécu des tas de choses à cet endroit, ça relevait du miracle que je sois encore là, intacte. Les SCP, les dimensions, les monstres, les FIM, l'acide, les explosions... Tout. Et encore, je n'en avais pas fait le tour.

-Je ne veux pas que vous vous justifiez, ce que je veux, c'est...

Je me mordillais la lèvre inférieure nerveusement, fatiguée.

-Je veux...

Qu'est-ce que je voulais ? Je ne le savais même plus. Je n'avais pas besoin de rentrer chez moi, on me retrouverait, ou bien je serais exclue de la société à cause de ma disparition... Je baissais doucement la tête, perdue. J'avais l'impression de perdre l'esprit.

-Ally.

Je relevais la tête à mon appellation, fixant les deux créatures qui prenaient place dans l'engin avec moi. Je fixais le docteur peste un long moment, puis tournais la tête vers le masque, installé juste à mes côtés. Sa main, ou plutôt celle de son hôte, se déposa doucement sur ma ceinture et la réajusta, libérant mes mouvements.

-Tu n'as à t'inquiéter de rien.

Ma gorge se noua. J'avais de plus en plus envie de dormir, mais je luttais pour garder mes yeux ouverts. Ce n'était pas le moment !

-Dites... Que suis-je, pour vous ?

-Je ne suis pas certain de comprendre ta question.

-Je veux dire, est-ce que vous me considérez tous les deux comme un outil ? Un moyen ? Un humain ?

Le masque fut le premier à répondre.

-Aucune de toutes ces propositions. Tu dois toi-même savoir que tu n'es très certainement pas humaine. Mais les scientifiques de cet endroit n'ont pas été assez malin pour s'en rendre compte. Et les O5... Il vaut mieux qu'ils ne mettent pas la main sur toi. J'ignore s'ils ont plus d'un coup d'avance sur nous, mais je me ferais un plaisir de les détruire avant qu'ils ne puissent s'en prendre à toi.

Cette réponse répondait à moitié à ma question, mais elle me rassurait beaucoup. Je n'étais donc pas un outil... Reconnaissante de ce changement de sujet, je me contentais d'acquiescer, avant de m'installer plus confortablement dans le siège. L'engin décolla du sol, je pouvais le sentir, et par crainte, je m'accrochais furieusement au siège, au point que mes phalanges blanchissent. Et c'était repartit pour de nouvelles aventures... Je sentis la main froide du masque se déposer sur la mienne, et je tournais ma tête dans sa direction, l'air interrogateur.

-Dors, Ally, tu en as besoin. Je vais te surveiller, donc tu peux fermer les yeux en paix.

Je ne me souvenais plus depuis quand il me tutoyait... Je hochais doucement la tête, reconnaissante et le coeur battant, et je déposais doucement ma tête sur les genoux du masque. Il ne sembla pas réagir. Je poussais un soupir de soulagement, avant de m'en aller enfin vers le pays des rêves.

...

J'ouvrais les yeux sur un paysage des plus banals. Il y avait un grand lac, qui s'étendait à perte de vue. De l'autre côté de la rive, je pouvais voir de la végétation, un grand arbre, et des nuages plus bas que ce dernier. Tout avait l'air calme et paisible... Je devais sans doute rêver. Je remarquais un banc devant le lac, avec une personne dos à moi, assise. Cela ressemblait à un homme. Alors, tout naturellement, je marchais dans sa direction.

-Bonsoir... Je peux m'assoir ?

La silhouette hocha doucement la tête.

-Quand il y a de la place pour un, il y a de la place pour deux.

J'esquissais un petit sourire, avant de m'installer poliment à côté et fixer le lac. C'était beau.

-Je suis dans un rêve très réaliste... Mais je n'ai pas l'impression de vous reconnaître.

Soufflais-je. Je sentis le regard du vieil homme se déposer sur moi, sans dégager la moindre menace. Ça me changeait de d'habitude. Il avait presque l'air... bienveillant. Je soupirais. C'était trop beau pour être vrai.

-...Je ne suis pas dans un rêve, n'est-ce pas ?

Le vieil homme eut l'air amusé.

-C'est le cas, vous dormez en ce moment même.

-Mais vous ne faites pas partie de mon rêve ? Je veux dire, vous n'êtes pas... Un SCP, si ?

Le vieil homme tourna sa tête vers le lac, observant un reflet de lune. Le clapotis doux de l'eau était si apaisant.

-On me nomme SCP-990 à la Fondation. Mais j'ai le droit de m'appeler comme je le souhaite, n'est-ce pas ?

-j'imagine que oui...

-Appelez moi Thomas dans ce cas.

-Enchanté Thomas. Je m'appelle Ally. C'est étonnant, vous êtes le premier SCP qui me parait aussi humain... et gentil.

Je croisais mes jambes, observant sa silhouette avec un sourire doux. J'étais bien ici. Il me rappelait mon grand-père, étonnamment.

-Je ne suis pas le genre à faire du mal, voyons... Mais LUI oui.

-Qui est "LUI" ?

-Il vous attend depuis un moment... Et votre temps expire bientôt. Faites attention à l'hôpital. Parfois, les murs ne sont fait que de papier. Souvenez-vous en, il reste peu de temps.

-...Pardon ? Qu'est-ce que cela signifie ?

-Je pense qu'il est l'heure pour vous de vous réveiller, Mademoiselle Ally.


Je sursautais soudain en ouvrant les yeux, et je me redressais vivement en criant.

-AH !

Je déposais ma main sur mon cœur, le souffle court, et la main plus ou moins rassurante du masque se déposa dans mes cheveux.

-Un cauchemar ?

-N-Non, c'est... Je...

Je balbutiais, incapable de comprendre ce qu'il venait de se passer. On m'avait mise en garde... Pouvais-je faire confiance aux paroles de "Thomas" ?

SCP - Dangereuse AttiranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant