Double Jeu

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Mes jambes faiblirent tout à coup, et je retombais sur le siège, l'air confuse. J'étais totalement perdue. Puis ma tête commençait à me faire mal. C'était une douleur aiguë qui martelait de plus en plus fort ma boîte crânienne à chaque fois. Je pris une longue inspiration, mais mes mains commencèrent à trembler, et ma vision se brouillait. Merde.

J'entendis la porte s'ouvrir dans un grand bruit, et une silhouette passer sous mes yeux. Deux grandes mains se posèrent sur mes épaules, les pressèrent légèrement, et me demandèrent d'une voix étonnamment douce :

-Aude ?

-...

N'obtenant aucune réponse, ses mains se crispèrent et il se redressa plus vivement.

-O5-6, tu devrais être en...-

-C'était trop tôt, sombre idiot. Pourquoi tu lui as dit ? Sans nous consulter ?!

Je perçus l'un soupirer, et l'autre serrer les poings.

-Le temps pressait. Et elle a demandé à me voir d'elle-même. J'ai simplement cru qu'elle s'était rappelé.

L'homme qui s'était agacé me lança un regard, et se massa les tempes avant de me désigner.
-Elle ne réagit pas, Huit. Il nous avait bien prévenu que si on s'y prenait trop tôt, il pouvait y avoir un choc. Peut être même des dommages irréversibles !

-Elle s'en remettra !

Haussa-t-il le ton en tapotant sur son bureau. Mon regard dériva dans le vague. J'avais mal à la tête. Mal. Très mal. J'avais de vagues flashs, des images qui ne me disaient rien. C'était un genre de déclic que je subissais. J'avais l'impression d'être déchirée en deux, entre l'ancienne version de moi et la nouvelle. Mes épaules se secouèrent d'un rire nerveux et je relevais la tête. Je tendis les bras vers l'homme qui venait d'arriver, les yeux larmoyants.

-Matthias... Aide-moi, j'ai mal...

Son prénom le fit réagir. Il se retourna brusquement vers moi, avant que son visage ne se radoucisse et qu'il ne me prenne entre ses bras fort.

Je n'avais pas la moindre idée de qui c'était.


Si je sais.

Non.

Bien sûr que si.

Il faut que je le repousse.

Pourquoi, parce que je préfère les assassins aux masques comme 035 ? On s'est fait berner, tout simplement. Matthias, lui, est fiable.

Mais cet homme peut très bien être un meurtrier aussi.

Et alors ? Nous aussi nous le sommes.

Non, nous ne le sommes pas... Nous sommes A̡͇̜̣̮̦̠l̬̰̹̣l̛̗̤̼̻̖y̮̮̟̞̜͡ͅ

Non, nous sommes A̼͚͎̻̘͞u̶̗͖̬̘͈de̮̦̖̮


-Elle se souvient de toi, tu vois ?

-Je vais l'emmener faire des analyses, elle n'a pas l'air d'aller bien.


______________ Point de vue Externe ____________


Notre Ally se fit porter avec maintes précautions par l'05-06, et quitta le bureau d'un pas déterminé. Il semblait familier avec Aude, suffisamment pour qu'elle connaisse son véritable prénom. Et même si son identité était leur secret, il ne devait pas lui en vouloir de l'avoir prononcé tout haut devant Huit. C'était ce que l'O5-08 pouvait en conclure.

Aude paraissait plus légère qu'avant à Matthias, ou peut être était-ce sa propre confusion, le trouble de la revoir, de l'entendre l'appeler avec ce regard de détresse. L'adrénaline coulait dans ses veines, et il atteignit la salle d'auscultation sans s'être souvenu avoir fait tout le chemin. Il déposa la jeune femme sur une surface, mais cette dernière s'agrippa au bras de l'O5 sans un mot, comme à une bouée de sauvetage. Un médecin se retourna, retirant tout juste ses gants en latex.

-Je peux vous aider ?

-Pouvez-vous l'ausculter ? C'est urgent.

-Je peux, quel est le matricul-

-Plus tard les questions.

Fit-il d'une voix extrêmement sèche, qui contrastait avec le regard doux qu'il avait eut plus tôt. Le médecin se renfrogna, et s'approcha d'Ally de mauvaise fois. Il fit signe à l'O5 de s'écarter, ignorant de qui il s'agissait. De toute manière, tout le monde ignorait qui ils étaient.

Le médecin, Cedric, n'avait pas eut le temps de boire son café matinal qu'on lui avait déjà refourgué deux cas urgents plus tôt dans la matinée. Et voilà qu'on lui en apportait un troisième ! Cela dit, celle-ci semblait être intacte. Pas de blessures corporelles. Il releva la tête pour s'assurer que l'homme ne lui faisait pas une mauvaise blague. Mais non, le front plissé de ce gêneur ne trompait pas, c'était sérieux.

-Mademoiselle, pourriez-vous me dire ce qui ne va pas ?

Ally ouvrit la bouche, mais poussa un faible râle en se tenant la tête. Une hémorragie cérébrale peut être ? Non, elle serait déjà morte ou nauséeuse, avec un regard hébété.

-Je vais faire des tests et une radio. Sortez et revenez plus tard, d'accord ? Je m'en occupe.

Ça allait lui faire une montagne de boulot en plus. Bordel, vivement le weekend...


Notre O5 dû patienter plus loin, adossé contre un mur, les bras croisés, la mine soucieuse. On lui avait dit de partir, mais il semblait têtu. Il fixait une horloge, seul indice du temps qu'il faisait à l'extérieur, entre ces murs. Rester trop longtemps dans un endroit avec seulement des lumières artificielles avait de quoi déstabiliser. Mais on finissait par s'y faire. Son téléphone sonna. Énième appel pour le rappeler à son bureau. Par ici, entre ces murs épais, impossible de recevoir du réseau de l'extérieur. Tout était protégé, et ce réseau était un réseau privé qui s'étendait ingénieusement sur tout le souterrain de la fondation. Il décrocha, ce qui lui valu un regard sévère d'un des médecins qui s'occupait d'Aude, dont il ne se préoccupa pas.

-Allô ?

-Monsieur, s'il-vous-plaît veuillez regagner votre poste. Le conseil d'O5 a déjà commencé il y a une demi-heure. Ils disent que vous gâchez leur temps.

Matthias serra le petit appareil entre ses doigts. Il devait y aller, sa position n'allait pas être prise au sérieux sinon. Ce n'était pas son genre de faire une telle faute professionnelle, des milliards de vies étaient en jeu. Il eut un léger sourire au bord des lèvres.

-J'arrive. J'avais besoin d'un rappel pour retrouver ma tête sur mes épaules.

-Très bien Monsieur. Je préviens le conseil.

Il se tourna vers la porte de sortie, posa sa main sur le battant, mais avant qu'il ne puisse sortir, il perçu un rire féminin, ainsi que les messes basses des médecins entre eux.

-...cas particulier... choc...instable...

-...trouble dissociatif... identité...

Matthias ferma profondément les yeux. Ils avaient tout fait pour récupérer leur précieuse O5, et la voila avec une double personnalité apparemment. Il verrait ça plus tard. Dans le fond, ça le réjouissait. La place d'O13 n'était pas faite pour une femme, c'était connu. Et puis dans cet état, elle était inutile. Même si, en tant qu'Aude, elle lui avait bien servit à aboutir des projets dont il avait récupéré les Lauriers, elle lui avait toujours un peu tapé sur les nerfs. Cette idiote avait eue le béguin pour lui, la faute à un environnement cloitré où les possibilités de rencontres étaient minces. Il fallait savoir prendre l'avantage.

-Les choses deviennent intéressantes... J'ai hâte de voir comment le conseil va réagir.

Marmonna l'O5 pour lui-même en s'éloignant sans un mot, glissant son appareil dans sa poche. Mais marmonner tout seul ne signifie pas que personne ne nous entend. C'était en effet le cas d'un certain SCP-4739, que notre Ally avait croisé plus tôt auparavant, aux côtés de la scientifique. Ce fameux personnage souriant qu'elle seule avait pu voir.

SCP - Dangereuse AttiranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant