Rayon de soleil

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     Après avoir ajusté l'écharpe à mon bras et terminé mon paquetage, je m'attelai à prendre la route comme me l'étant fixé la veille. Mes pieds foulèrent pour la première fois la terre du petit sentier menant en dehors de la ville. A présent, c'était moi face au monde.
     Il ne me fallut pas plus d'une heure de marche pour me rendre compte du calme qui m'entourait. La ville était déjà loin derrière moi, bien qu'encore visible lorsque je jetais un œil par dessus mon épaule, et pourtant le danger ne semblait toujours pas roder autour de moi. Du moins pas davantage qu'en zone urbaine. Une atmosphère calme et presque rassurante s'était installé, me faisant me méfier d'autant plus d'une éventuelle attaque. Comme disait parfois mon père, "l'arbre cache bien souvent la forêt". Il fallait donc rester vigilant. La chaleur avait elle aussi fait son apparition, le soleil étant déjà presque monté à son zénith. Cette situation ne soulageait pas ma soif qui à chaque déglutit de salive m'asséchait encore plus la gorge. Vomir à répétition n'avait pas arrangé ma déshydratation, bien au contraire, et je me rendais compte à l'instant seulement que je n'avais prévu aucune source d'eau pour la route. Ma main accusatrice claqua mon visage d'un geste sec comme pour me punir d'avoir pu oublier une chose aussi importante.
     Le soleil ne redescendait pas de son piédestal. Je le sentais frapper directement contre mon crâne, et mes cheveux bien que très épais ne me protégeaient plus de la menace d'une insolation. C'est alors que mon regard se posa un peu plus loin au fond d'un fossé qui bordait une route toute craquelée, attiré par la réflexion du soleil dans ce qui en s'apparentait à un miroir et qui en m'approchant se précisa en un rétroviseur. La carcasse d'une vieille voiture poussiéreuse gisait au fond de la tranchée. Je me laissai glisser sur l'herbe séchée jusque tout en bas pour venir tirer la poignée et vérifier si il était possible d'y entrer. Après un certain effort pour déloger le loquet prit dans la saleté accumulée dans le mécanisme, je fus en mesure d'ouvrir la portière. Une odeur infecte et très forte se dégagea de l'intérieur, me piquant les yeux et les rendant humides. Si je devais mettre des mots pour décrire les effluves, j'aurais dis qu'il s'agissait d'un mélange de boue macérée et de vieille viande laissée à pourrir au soleil. Après quelques secondes passées à me donner du courage, j'enjambai l'armature en métal pour venir m'asseoir sur le siège conducteur. Comme si je m'attendais à aller quelque pars, j'eus automatiquement le réflexe de poser les mains sur le volant, bien que mon bras endoloris eut plus de mal à s'y reposer. Un petit regard à moi-même dans le rétroviseur me fît sourire, me rappelant la couleur de mes yeux que je n'avais pas vu depuis un bon moment. Ça aurait été chouette de pouvoir utiliser cette voiture pour continuer ma route, si elle avait fonctionné et qu'elle n'était pas piégée au fond d'un fossé. Et si mon bras n'était pas en pleine guérison. Et encore si j'avais la moindre idée de comment conduire une voiture. Au final, plus j'y pensais et plus je me disais que mon idée avait été absurde dès le début. Je reposai mes mains sur mes cuisses en me rendant à l'évidence que ce vieux tacos n'aurait aucune autre utilité que celle de m'abriter du soleil.
     Quitte à être enfermée ici pendant quelque temps, autant explorer le poste à la recherche de quelque chose d'utile. Après avoir déposé mon sac sur le siège passager pour être plus à l'aise, je vérifiai les vides poches puis la boîte à gants. Bingo ! Une gourde d'aluminium retomba contre le tapis de sol dans un bruit de liquide raisonnant dans le métal, ce qui signifiait qu'il y avait sûrement de l'eau à l'intérieur. Me saisissant de l'objet, c'est avec hâte que j'en dévissai la tête pour porter le goulot à mes lèvres sans plus attendre. Un instant seulement s'écoula avant que le contenu de ma bouche de soit recraché contre la vitre dans un râle de dégoût. Le liquide était jaunis et pleins de petits morceaux non identifiés flottant à la surface. Évidemment, l'eau avait stagné là dedans pendant au moins sept ans et n'était bien sûr plus potable. C'est avec regret que je dû y remettre le bouchon sans en boire une goutte et la rangeai dans mon sac. J'en viderais le contenu plus tard, mais je gardais la gourde.
     Un second détail attira mon attention dans la boîte à gant qui n'était apparemment toujours pas vide. Je tirai avec curiosité un bout de papier dépassant d'une pile de CD qui s'étalèrent par terre alors que j'ouvris le dépliant pour en découvrir son contenu. Il s'agissait d'une grande carte détaillée de la France qui lorsqu'on la défaisait entièrement recouvrait l'intégralité du tableau de bord. Chaque route était indiquée avec les noms de chaque ville et de chaque commune. Je ne savais pas lire une carte mais elle pourrait certainement s'avérer utile dans les temps à venir. Je la repliai comme possible pour lui redonner à peu près son aspect de départ puis la joignis à la gourde dans mon sac.
     C'est alors que je sentis la voiture trembler et que des cliquetis crissants se mirent à tinter contre le toit juste au dessus de ma tête. Mes sens se mirent en alerte, ma respiration se ralentit contrairement à mon cœur qui ne fît qu'accélérer. D'une main lente, je saisis la lanière de mon sac pour le ramener contre moi et l'y serrer. Ma pose se figea lorsqu'une queue de lézard commença à se balancer sur le pare brise juste devant mes yeux. Elle s'étirait plus loin sur le capot, devant bien à vue de nez mesurer deux mètres de long. Les marques de griffes s'enfonçant dans le plafond semblaient indiquer qu'il se dirigeait plutôt vers l'arrière de la voiture, ce qui me laissait une chance de pouvoir fuir dans l'autre sens. J'étais prête à agir, attendant le bon moment pour déguerpir. 

LA FAUCHEUSE ROUSSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant