Divergence

35 4 0
                                    

     Mes pieds frottaient sur le sol tandis que des poignes serrées retenaient mes bras, me traînant à travers ce que je supposais être un couloir assez peu illuminé. J'ouvris doucement les yeux, encore embrumée du violent coup porté plus tôt à ma tête, cherchant instinctivement la présence de Allan auprès de moi. L'homme était à mes côtés, lui aussi transporté comme de la vulgaire venaison au travers du corridor. Son visage encore endormi était obstrué par ses mèches grises tâchées de sang.
     Mon regard chercha des repères autour de nous, essayant de comprendre dans quel genre d'endroit nous pouvions bien nous trouver. Différentes portes aux loquets apparents parsemaient les façades du couloir et on pouvait entendre frapper derrière certaines d'entre elles, laissant à supposer que nous n'étions pas les seuls à avoir été faits prisonniers. Les quelques lumières encore en marche grésillaient, donnant au lieu une ambiance de film d'horreur. Tout faisait penser à une prison.
     Les hommes qui nous tenaient s'arrêtèrent devant une des portes et d'une paire de clés ils l'ouvrirent pour nous jeter à l'intérieur. Je retombai face contre terre, m'ouvrant le menton contre le bitume sale de la cellule alors que je sentis ma mâchoire à la limite de se décrocher. Après avoir lâché un gémissement exprimant ma douleur, je me mis sur les genoux pour frotter le bas de mon visage qui se tâchait peu à peu de sang. Je jetai un œil vers mes mains elles aussi salies par ma blessure superficielle, puis j'aperçus derrière leur silhouette Allan étendu de tout son long. Je me précipitai à quatre pattes jusqu'à lui pour venir le secouer avec énergie, essayant de le ramener à lui.

     -Allan ! Réveillez-vous Allan ! On doit sortir d'ici !
     -Personne ne peut sortir d'ici..

     Une voix inconnue au bataillon venait de prononcer ces mots derrière moi, me faisant me retourner avec inquiétude. Une jeune fille en salopette et portant des lunettes reflétant la légère lumière orangée de la pièce était assise en tailleur dans le fond de la pièce. Douteuse, je m'avançai avec prudence vers elle pour pouvoir un peu mieux la détailler. Elle ne semblait pas grande bien que visiblement plus vieille que moi de quelques années, et ses lunettes étaient en fait deux paires différentes rattachées au centre par un morceau de scotch miteux. Sa frange cachait le haut de ses yeux, laissant à supposer  qu'elle n'avait pas pu la couper depuis un bon moment. Alors que je faisais mes petites déductions, elle l'écarta un peu de ses doigts et me sourit sans y mettre aucun effort. Elle reprit.

     - Si vous avez été capturé, vous ne vous en sortirez pas vivants.
     - Qu'est-ce qui te fait affirmer une chose pareil, hem..?
     - Olive. Je m'appelle Olive.
     - Camille. Et le gars par terre, c'est Allan.
     - Nous étions cinq avant dans cette cellule. Je suis la dernière à ne pas encore avoir été emmené.
     - Où est-ce qu'ils nous emmènent?

     Olive ramena ses jambes contre elle, enlaçant ses tibias pour venir presser ses cuisses contre son torse. Baissant les yeux, elle haussa les épaules pour indiquer qu'elle n'en savait malheureusement strictement rien. Je soupirai avec exaspération, frustrée de ne pas savoir la réelle gravité de la situation, puis me remis à secouer Allan dans l'espoir de le ramener parmi nous. Après quelques tentatives ratées, je décidai d'employer la manière forte et lui assénai une violente gifle qui eut pour effet de l'éveiller dans un sursaut.

     - Ah !
     -Ah bah c'est pas trop tôt Allan !
     - Camille..? Où sommes-nous?
     - Dans une prison. On nous a enfermé dans une cellule avec Olive.

     Allan leva les yeux vers la jeune fille que je pointais du doigt, elle le salua d'un signe timide de la main. Il lui rendit un geste de la tête avant de se relever et de commencer à examiner les lieux. Il passa ses mains le long des parois, jeta un œil aux loquets sur lesquels on ne pouvait agir que de l'extérieur, et se mit à réfléchir. Olive se redressa à son tour sur ses pieds, s'approchant de nous en enlaçant ses bras. Elle n'inspirait que peur et désespoir.

LA FAUCHEUSE ROUSSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant