Un beau voyage

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     Frottant mon dos avec douleur, je me mis à trier les viandes dans la cuisine avec un autre membre de la colonie dont je n'avais même pas retenu le nom. J'étais ici depuis quoi, vingt-quatre heures ? Et le temps me paraissait déjà long. Je ne savais pas du tout quoi faire de moi dans cet endroit clos où seule une ouverture dans le toit laissait entrer la lumière. Je regardais passer les morceaux un à un, me demandant chaque fois à quel genre de créature ce petit bout avait pu appartenir. Ma nouvelle colonie semblait être une grande meute de chasseurs. Je prévoyais évidemment de me porter volontaire pour la première ligne de chasse dès aujourd'hui. Je me voyais mal rester assise ici à faire du tricot en attendant que le temps ne passe pour le restant de mes jours. Je devais à tout prix me rendre utile.
     Allan me manquait déjà. Je pensais fort à lui en cet instant pleins d'ennui, me demandant à quel genre de monstre il pouvait bien faire face à ce moment précis. Je me demandais aussi si il pensait à moi, et si il regrettait de m'avoir quitté. Parce que moi je le regrettais amèrement. J'aurais tout donné pour que cet homme décide de faire sa vie à mes côtés et que l'on ait une vie heureuse dans un endroit où nous ne craignions pas de nous faire tuer à chaque instant. Mais voila, après avoir seulement passé une journée enfermée ici, je ne pouvais que comprendre sa volonté de mettre les voiles pour ne pas s'infliger un tel supplice. J'en venais presque à me dire que j'aurais mieux fait de partir avec lui dans sa quête irréalisable, quitte à abandonner mon objectif de me trouver un endroit confortable et sécurisé où couler mes derniers jours.

     - Bonjour princesse, alors comme ça tu as dormi dans la grande salle cette nuit? Tu dois t'être pété le dos ma parole. Pourquoi t'es pas resté dans ton hamac?

     Henri venait d'arriver dans mon dos, y posant sa main comme si nous nous connaissions depuis la maternelle. Le rouge me monta aux joues en me rappelant que c'était le cas, justifiant ainsi son geste si familier alors que pourtant nous n'avions passé qu'à peine une journée ensemble.

     - Oh salut Henri.. J'arrivais pas à dormir, je suis sortie me changer les idées mais je me suis endormie là voila tout.
     - Tu vas bien Camille?
     - Oui, oui. C'est passionnant de trier la viande. C'est quoi ça? Ça pue ! Ne me dis pas qu'on va manger ça !

     Je lui tendis un morceau qui dégageait une odeur mêlée entre le composte et la fausse sceptique. Henri gloussa, me faisant baisser la main pour poser la viande sur un tas.

     - Ça ma jolie, c'est du Canis Lupus des Plaines.
     - Du quoi?
     - Ça ressemble à des chiens, mais sans yeux et sans poils avec la peau couleur terre. Ils ont deux antennes à la place des oreilles et se repèrent en faisant claquer leur langue pour provoquer des vibrations et se repérer. Ils ont une petite queue crochue aussi mais je ne sais pas trop à quoi elle leur sert.
     - C'est fou, je pensais avoir vu tellement de choses dans ce monde que je ne pouvais plus être surprise, mais la description de ton truc me dégoûte au plus haut point.

     Il rit à nouveau, me faisant le suivre sans que je puisse m'en empêcher. J'eu le réflexe de remettre nerveusement une mèche derrière mon oreille, me sentant lentement m'emballer. Je me mordis la lèvre, le fixant avec insistance. Il regarda vers la grande cheminée centrale, désignant le feu qui crépitait déjà à l'intérieur. Un des membres devais l'avoir allumé plus tôt.

     - Je te jure que quand on met cette "viande qui pue" au feu, ça donne un véritable festin. Enfin aussi bon que peuvent se le permettre des survivants de l'apocalypse descendus au plus bas de la chaîne alimentaire.
     - Je suppose que je vais juste te faire confiance. Après tout c'est toi le chef, chef.

     Henri me sourit, me mettant dans un état d'embarras indescriptible. J'avalai difficilement ma salive, baissant la tête sans pour autant le quitter du regard. Je devais avoir l'air d'une cruche avec cet air. Il s'approcha de moi, semblant vouloir me chuchoter quelque chose à l'oreille. Il cacha sa bouche de sa main, faisant un petit arc visant à rendre discrète l'information qu'il comptait me donner. Je tendis l'oreille, curieuse.

LA FAUCHEUSE ROUSSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant